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all that jazz - Page 46

  • Un peu de beauté dans ce monde de brutes

    Qu'est-ce que la danse sinon l'art de la possession (et de la dépossession) ? Le danseur est hanté par le corps, les sentiments, l'âme d'un autre. C'est pourquoi chaque spectacle est une manière d'exorcisme. Dans cette cérémonie, l'immense Pina Bausch était une sorte de prêtresse, muette et solennelle. Elle seule pouvait exorciser ces corps en transe, habités par le rêve ou l'amour, la solitude ou la musique. Ce n'est pas le moindre mérite de Pina Bausch d'avoir rendu le danse au théâtre, et le théâtre à la cérémonie antique.

    Wim Wenders, son ami de toujours, lui rend hommage dans un film magnifique, enjoué, nostalgique, drôle, émouvant. Il met son grand talent de visionnaire au service de la danse, c'est-à-dire du silence et du mouvement. C'est un plaisir, également, de retrouver toute la troupe de Pina — sa famille d'élection — qui nous accueille dans son cercle enchanté.

    Un film éblouissant sur un génie de la danse contemporaine. Dépêchez-vous d'aller le voir…

     

  • L'acte manqué (réussi) de DSK

    images.jpegL'affaire est simple : vous avez un homme riche, brillant, marié à l'une des femmes les plus célèbres de France. Un homme de scène et de pouvoir. Directeur du FMI et grand stratège de la finance mondiale. En outre, le favori des sondages pour l'élection présidentielle française de 2012. Un homme à qui tout réussit…

    Et que fait ce Surhomme ?

    Il se laisse prendre dans une affaire sordide avec la femme de chambre d'un grand hôtel new yorkais ! Noire, pauvre, musulmane pratiquante et sans doute au-dessus de tout soupçon…

    Y a-t-il une raison logique à ce comportement ?

    Certains parlent d'addiction sexuelle, de désir tyrannique, d'« instinct du violeur ». DSK serait un monstre déguisé en représentant de la gauche caviar. Un malade. Un psychopathe. Cela arrange beaucoup de monde, à gauche comme à droite. Même les plus navrants, comme Holenweg ou Brunier. Rien n'est plus faux, bien sûr.

    D'autres parlent de complot, orchestré par on ne sait quel rival satanique. Sarkozy (qui se frotte les mains) ? Ségolène Royal (qui a beaucoup de mal à cacher la joie que lui donnent les images de DSK menotté) ? Marine le Pen (qui savait tout avant tout le monde) ? La CIA ? Feu Ben Laden (paix à ses cendres) ? On le voit : la théorie du complt ne tient pas une seconde…

    A moins que…

    Et s'il ne s'agissait pas d'un complot extérieur ? Si l'ennemi ne venait pas du dehors, mais du dedans ? Autrement dit : et si DSK l'avait fait exprès ? Sans le vouloir, bien sûr. Si quelqu'un, en lui, avait décidé de mettre un terme à cette mascarade? La mascarade du premier de classe, du mari exemplaire, du dirigeant inspiré. Du futur Président. Voilà pourquoi, inconsciemment, il a si bien réussi son acte manqué. « Mon royaume pour une pipe ! » suppliait l'homme qui voulait échapper à la comédie politique. Poser le masque de l'imposteur. Et qui a tout perdu. C'est la moindre des choses.

    Au grand bonheur de son inconscient.

  • Cantat mort ou vif

    bertrand-cantat-1-by-Taniou.jpgNoir Désir. Quel programme ! Eros et Thanatos. Aimer à en mourir. Aimer jusqu'à tuer.

    On peut dire que Bertrand Cantat a rempli sa devise. Sa première femme s'est suicidée et sa maîtresse, battue à mort, a dû agoniser toute une nuit avant qu'il lui porte secours. Pourtant, nous avons aimé Noir Désir. Passionnément. Et nous aimons toujours Bertrand Cantat. Comme on aime les voleurs et les assassins, les pédophiles et les criminels en col blanc. Repentis. Au nom de la miséricorde, tout le monde est prêt à lui donner une seconde chance.

    Mais personne n'est dupe. Qui ira-t-on admirer sur la scène de la Comédie ? La trilogie de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad, ou Bertrand Cantat, le chanteur devenu assassin ? Pourquoi a-t-il besoin des hourras de la foule ? Veut-il être admiré, applaudi, lapidé ? Exécuté en public ?

    Le théâtre, parfois, ressemble à la tragédie grecque. Il faut du sang et des larmes pour produire cette terreur sacrée qui trouvait son issue, chez Sophocle ou Euripide, dans la catharsis finale.