Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

all that jazz - Page 50

  • Souvenirs du Salon

    images-2.jpegLes Salons du Livre, croyez-moi, c'est la barbe. Bruxelles, Paris, Genève : le topo est toujours le même. A moitié dissimulés derrière une pile de livres, les auteurs font l'article, comme les dames dans les vitrines, mais avec sans doute moins de succès. Chacun essaie de vendre ses charmes. Sourires. Paroles amènes. Regards accrocheurs. Parfois, ça marche. Le plus souvent, on en est quitte pour un long soliloque, au terme duquel le chaland (et bien plus souvent la chalande) repose le livre qu'il tient dans les mains (le vôtre, donc) et s'en va avec une moue dédaigneuse. Pendant ce temps, votre voisin de table, qui, lui, a signé quelques livres, vous regarde du coin de l'oeil en ricanant...

    Mais faut-il rencontrer, à tout prix, les écrivains dont on aime les livres ? À part quelques fétichistes (dont je suis) toujours avides d'exemplaires dédicacés, qui peut bien s'intéresser aux auteurs ? La lecture n'est-elle pas ce plaisir solitaire, parfois même clandestin, qui exige du lecteur à la fois le silence, le secret et la solitude ?

    Heureusement, dans les Salons, il y a les rencontres. C'est la seule et la meilleure raison de fréquenter les Salons du livre. A Paris, où j'étais vendredi et samedi, un parmi les 2000 (!) auteurs invités, j'ai eu la chance et le bonheur de retrouver mon ami Dany Laferrière (qui a adoré L'Amour nègre). Il revenait de Genève, où il avait été invité par la Maison de la Littérature avec d'autres écrivains haïtiens. images-3.jpegIl avait même été le rédacteur en chef d'un jour du supplément culturel du journal Le Temps, placé sous la direction d'Arnaud Robert, excellent journaliste. Dany était sur le stand canadien (vivant à Montréal, il a le passeport canadien) — de loin le stand le plus animé et le plus chaleureux du Salon. Nous avons beaucoup ri, échangé quelques livres, passé un moment épatant.

    De retour au stand suisse, morne et silencieux comme Délémont après 10 heures du soir, une autre rencontre : Djémâa, collègue blogueuse de la Tribune. Je l'avais croisée une ou deux fois sans avoir le temps de parler avec elle. 935769500.JPGElle a posé sa valise contre la table. Elle a pris quelques photos, puis s'est assise à côté de moi, profitant de l'absence de mon rival écrivain (qui va à la chasse perd sa place!), et nous avons bavardé longuement et passionnément. Elle me fait l'honneur de son blog ce matin (voir ici). C'était la seconde bonne surprise du Salon.

    Comme quoi, il ne faut jamais désespérer. Par définition, les surprises, bonnes ou mauvaises, ne s'annoncent pas.

    Elles étaient au rendez-vous du Salon de Paris — qui ressemble comme un frère à celui de Genève, en cinq fois plus grand. Grâce à Dany et à Djémâa,

     

     

  • La vie est une combat

    images.jpegLa vie est un combat. Le cinéma américain ne cesse de nous le rappeler. Le plus souvent, la boxe est la métaphore de ce combat. Cela donne Rocky (1, 2, 3…), Hurricane, et surtout Raging Bull, le chef-d'œuvre de Scorsese. Difficile à surpasser. Alors, en allant voir The Fighter, le dernier film de David O. Russel, je m'attendais à suivre l'itinéraire somme toute assez banal du boxeur d'origine pauvre qui parvient, grâce à son sport et sa ténacité, à sortir de sa condition et à être reconnu pour son talent. Sa pugnacité.

    En bien, The Fighter parle de tout autre chose, au fond. Bien sûr, c'est aussi l'histoire édifiante d'un boxeur qui, après avoir connu moultes humiliations, parvient enfin à réaliser son rêve : devenir professionnel et, pourquoi pas, champion du monde. La boxe est bien le prétexte et l'arrière-plan du film. Mais The Fighter est d'abord un film extraordinaire sur une famille recomposée qui vit le rêve américain comme une névrose. Pour réaliser son rêve, Micky (émouvant Mark Wahlberg) doit d'abord affronter son frère, ex-boxeur devenu addict au crack (extraordinaire Christian Bale, Oscar du meilleur second rôle), puis affronter sa mère (terrible Melissa Leo), mégère peroxydée qui règne sur sa tribu comme une mante religieuse. Sans parler de ses innombrables sœurs, infernal gynécée…

    images-1.jpegLa vie est un combat, certes. Contre soi-même, contre la société. Contre sa famille, d'abord. Il faut tuer son frère, dont l'ombre envahissante menace à chaque instant de vous engloutir. Il faut s'arracher aux griffes de sa mère qui préférera toujours son frère junkie parce qu'ainsi, shooté à mort, il n'échappe pas à sa toute-puissance castratrice . Oui, The Fighter est un film œdipien. Pour advenir à soi-même, il faut d'abord tuer les autres. Ceux qui sont le plus proches. Dans le film, Micky y parvient grâce à Charlene (délicieuse Amy Adams) qui l'aide à rompre les amarres.

    La boxe est l'archétype du rêve américain. Mais c'est aussi la métaphore de l'écriture, de la peinture, de la musique. Pour écrire, il faut tuer beaucoup de monde. Il faut se battre contre soi-même, contre sa famille, contre la société. Kafka l'a très bien dit : « La société ne veut pas que j'écrive. Mais moi je le dois. » Il faut une discipline spartiate (pourquoi écrire quand on pourrait aller se promener, je vous le demande ?). Des arrangements familiaux (comment écrire quand les enfants jouent dans l'appartement ?!). Une résistance farouche à la pensée dominante (pourquoi écrire, ou peindre, ou faire de la musique, quand il y a des choses tellement plus importantes à faire ?).

    Courage, les amis ! The Fighter montre que le rêve est possible. Il suffit de se battre…

  • Mille merci !

    images-3.jpeg

    S’il y a une chose que j’ai apprise*, depuis le 16 novembre, date à laquelle L'Amour nègre a reçu le Prix Interallié, c’est bien à dire merci.

    Merci dans toutes les langues et à beaucoup de monde.

    Dans la langue de ma mère, l’italien, merci se dit grazie. Grâce à vous, grâce à toi. Grâce aux autres. Et d’habitude il y en a toujours mille. Mille grâces. Grazie mille. En Italie, on ne mesure jamais sa gratitude. Elle est infinie, comme tous ceux à qui l’on doit rendre grâce.

    En anglais, merci se dit thank you. C’est-à-dire grâce à toi, grâce à vous. Grâces vous soient rendues. On peut noter qu’il signifie à la fois merci et s’il vous plaît, lorsqu’il est employé seul en réponse à une question. Il exprime une acceptation et non pas un refus poli, comme c’est le cas en français.

    En norvégien, il se dit tak et signifie le toit de la maison. « Tu es le bienvenu sous mon toit. »

    En néerlandais, il se dit tank. Un mot qui signifie aussi l’aiguière, le réservoir, la citerne, le char. Le tank. Mais aussi, curieusement, la jambe.

    En russe, il se dit spassibo et signifie Dieu sauve.

    En portugais, il se dit obrigado. C’est-à-dire : je suis votre obligé. J’ai contracté une dette à votre égard. Je vous suis redevable pour ce que vous avez dit ou fait.

    Et en français, dans la langue de mon père, on dit simplement merci. Ce qui n’est jamais simple. Merci est un mot qui vient de loin. En latin, mercedem signifiait le salaire, puis la récompense. Enfin, la faveur que l’on fait à quelqu’un en épargnant sa vie. Quelqu’un qui est à votre merci. Il a donné merci, qui est le témoignage de cette faveur, qui est une grâce. Une miséricorde. Une pitié.

    J’ai donc appris à dire merci. Grâce à vous.

    « Il faut supprimer les douanes, mais conserver les frontières » disait un cinéaste de mon pays qui a inventé la Nouvelle Vague.

    En m’honorant du Prix Interallié, vous avez fait sauter une frontière. Invisible et secrète, mais souvent désarmante. Vous avez abattu quelques murs. Vous avez ouvert une brèche qui, je l’espère, restera encore longtemps ouverte.

    * Petit discours improvisé à l'Ambassade de Suisse, à Paris, le mercredi 2 mars, pour fêter, encore une fois, le Prix Interallié attribué à L'Amour nègre.