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genève en rade

  • Une grande perte pour Genève

    images-4.jpegLa nouvelle, bien sûr, n'a pas fait la une des journaux — ni même un entrefilet, pourtant elle est d'importance : François Jacob, l'éminent directeur de l'Institut et du Musée Voltaire, aux Délices, vient de démissionner de son poste, lassé par les bâtons qu'on a mis dans ses roues depuis quatre ans (tracasseries administratives, réduction de budget, intrigues diverses).  

    Fondé par Theodore Besterman, l'Institut Voltaire a été dirigé longtemps par Charles-Ferdinand Wirz de 1973 à 2002, puis par François Jacob qui lui a redonné éclat et dynamisme, en mettant en valeur son extraordinaire bibliothèque (25'000 volumes !) et en consacrant à Voltaireimages-5.jpeg
    plusieurs ouvrages essentiels, dont une savoureuse (et savante) biographie, parue cette année chez Gallimard (voir ici) dans la collection Folio.

    Le grand Voltaire doit se retourner dans sa tombe !

    Et pour Genève, c'est indéniablement une grande perte. images-6.jpeg
    D'abord parce que François Jacob (à gauche sur la photo) — par ses compétences, son esprit, son dynamisme  —  était la personne idéale pour diriger l'impressionnante voilure de l'Institut Voltaire. Ensuite parce que l'on ne remplace pas facilement un homme d'une telle envergure. Et que laisser partir un tel oiseau rare relève de la bêtise ou de l'incompétence (mais nous sommes à Genève !)…

    François Jacob retourne en Franche-Comté, où il enseignera à l'Université de Besançon. Nous lui souhaitons le meilleur pour sa nouvelle vie.

  • Faut-il sauver Genève?

    servette2015-2.jpgOn dirait qu'une sombre malédiction pèse sur Genève, cette ville qui se rêvait internationale, il n'y a pas si longtemps, et qui se réveille aujourd'hui avec la gueule de bois, en gros bourg de province. Disons-le franchement : en vingt ans, Genève a raté à peu près tous les rendez-vous avec l'Histoire. Ne parlons pas du projet de traversée de la rade, qui a été refusé, mais qui se fera un jour, bien sûr, et coûtera aux citoyens cent fois plus cher que le projet initial. Ne parlons pas non plus du nouveau musée d'ethnographie, ni des fameux « communaux » d'Ambilly. En matière de logement et d'urbanisme, Genève a pris un demi-siècle de retard. Et quand, dans quelques jours, Lausanne inaugurera son magnifique M2, la capitale vaudoise entrera de plain pied dans le XXIe siècle — tandis que Genève peine à sortir du XIXe…
    Au niveau culturel, avec son beau projet de Musée des Beaux-Arts à Vidy, Lausanne est mille fois plus dynamique que sa grande sœur du bout du lac. Voilà le cœur du problème : Lausanne est vivante : elle a des désirs. Tandis que Genève, ville internationale, ville morte, se complaît dans le luxe et l'indolence, qui étouffent, comme on sait, toute forme de désir.
    Et Servette dans tout ça?
    Comme dirait une amie psychanalyste, Servette,  c'est le symptôme genevois. Un passé glorieux, des ratés mémorables, un présent pathétique…
    Quand Servette a plongé, en 2004, par la faute d'un président mégalomane et sournoisement manipulé, personne, à la Ville comme au Canton, n'a levé le petit doigt. L'inénarrable Moutinot, jouant comme toujours le Père-la-Vertu, s'est même félicité de la faillite servettienne. Relégué en 1ère ligue, le club pourrait ainsi repartir sur de nouvelles bases plus saines. Quatre ans plus tard, Servette — qui, tout de même, a formé des joueurs de la trempe de Patrick Muller, Philippe Senderos et Julian Esteban ! — végète en queue de la Challenge League, plus seul et pathétique que jamais.
    Et la Stade de la Praille, en cessation de paiement, ne va pas beaucoup mieux…
    Alors saluons l'initiative conjointe de Mark Muller et Manuel Tornare qui viennent de lancer un cri d'alarme pour sauver le club de l'ornière où il englué : il est si rare, à Genève, de voir des politiques mouiller leur chemise pour un sujet dit « populaire ». Espérons qu'il y aura un déclic, et que des Genevois, surtout fortunés, s'investiront dans l'avenir d'un club qui mérite mieux que son triste présent, et représente, depuis un siècle, l'un des piliers de l'identité genevoise.

  • Servette : une histoire genevoise

    Servette : une histoire genevoise

     

    Soyez fous : prenez l’avion, le train, le paquebot ! Allez à Parme, à Liverpool, à Barcelone, à Malte, à Istanbul, à Hambourg, à Dublin ! À Auxerre ! À Bruges ! Et là-bas, demandez aux gens que vous rencontrez ce qu’évoque, pour eux, le beau nom de Genève.
    Évoqueront-ils les prouesses de Laurent Moutinot, qui — après avoir autorisé la mendicité, puis l’avoir interdite, avant de l’autoriser de nouveau — semble placer l’essentiel de son énergie dans sa pipe ? Ou le génial Christian Ferrazzino, fasciné par les sanisettes de grand luxe ? Évoqueront-ils Robert Cramer qui, lui-même opposé au double mandat, accepte pourtant d’aller siéger à Berne, parce que ses collègues du Conseil d’État l’y ont poussé (voulaient-ils se débarrasser de lui ?) ? Ou encore l’illustre Grand-Théâtre, si mal géré depuis des lustres, qui monopolise l’essentiel des subventions culturelles pour une poignée de spectateurs cachemire-caviar ?

    J’ai bien peur que non.

    Alors qu’est-ce que Genève à l’étranger ?

    La réponse tient en deux mots : le Jet d’eau et Servette.

    C’est-à-dire : l’arrogance et la beauté gratuite, l’aspiration vers les étoiles et la passion du beau jeu, la jouissance inattendue et le désir de vibrer…

    Les deux symboles de Genève ont à peu près le même âge et la même histoire. Si la mort du Jet d’eau ne semble pas d’actualité, l’histoire (et le prochain procès de Marc Roger) dira comment, au fil des ans et des décisions imbéciles, le club de football genevois a perdu peu à peu de sa superbe. Comment il s’est enfoncé dans les dettes, les promesses illusoires, la spirale folle des salaires…

    Si Servette — véritable baromètre de la vie genevoise — va mal, flirtant avec la relégation en Première Ligue, est-ce si étonnant ? Si le club frise le code, que dire du canton qui est au bord de la faillite ? Si le club n’arrive plus à gérer sa destinée, que dire des politiques responsables du Stade de la Praille qui ont construit une arène magnifique, hélas pour une équipe fantôme ? Et que dire de Genève, qui se rêvait ville internationale, et qui n’est qu’un gros bourg de province, en marge de l’Europe active et bouillonnante d’idées ?

    Car la déroute du Servette est celle de tous les Genevois, roulés en boule, depuis des lustres, dans la sécurité bourgeoise, les rites étouffants de la vie provinciale. C’est la déroute d’une ville qui a construit sa paix à force de silence et d’aveuglement, et qui n’aime pas les « questions sans réponse », comme dirait Saint-Exupéry. Une ville confite dans la routine et le secret bancaire, qui retient ses émotions et tremble à la perspective d’entreprendre une action. Une ville et un canton si mal gouvernés qu’ils connaissent le plus fort taux de chômage helvétique, et la pire crise du logement. Une ville qui préfère les vespasiennes aux clubs de football, les pistes cyclables à la culture ?

    J’ignore si Servette mérite Genève. Je suis sûr, en revanche, que Genève ne mérite pas Servette — même si tous deux, dorénavant, évoluent dans des ligues inférieures.