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all that jazz - Page 53

  • Ma femme me trompe

    DownloadedFile.jpegJ'avais des doutes. Mais maintenant j'en suis sûr : ma femme me trompe. Elle se lève en catimini pour regarder la télévision. Mad Men. Une série américaine (bien sûr) qui reconstitue à merveille le glamour des années 60. On y toraille sans retenue et sans remords. Dans l'agence de pub où travaille Don Draper, tout paraît propre en ordre. Les hommes en petits coqs arrogants et jaloux de leurs prérogatives. Les femmes en parfaites secrétaires en robe vichy. Mais le vernis se craquelle, bien sûr. Et ce splendide monolithe masculin va bientôt tomber en poussière.

    Sauf Don Draper…

    Ah, Don Draper, justement, parlons-en. C'est pour lui que ma femme se lève en douce au milieu de la nuit. Dégaine de top model, costume taillé sur mesure, toujours perdu dans un nuage de fumée, la voix rauque et ravagée par le bourbon, il crève l'écran. Le peu d'honnêteté (intellectuelle) qui me reste m'oblige à le reconnaître. C'est l'acteur Jon Hamm qui interprète ce personnage à la fois taciturne et attachant. Je comprends que ma brune me fasse des infidélités…

    Pour ma part, ce que je préfère chez Don Draper, et d loin, c'est sa femme. Betty. Le sosie (on dirait aujourd'hui l'avatar) de Grace Kelly. Rien que ça. Fragile, insondable, d'une beauté froide et si artificielle. Tandis que Don la trompe (c'était la règle dans les sixties), Betty va s'allonger chez son psy, tire à la carabine sur les pigeons du voisin, coupe une mèche de ses cheveux blonds pour la donner, en fétiche amoureux, à l'enfant d'une amie. Va faire ses courses dans un supermarché typique de ces années-là…

    Allez-y voir vous-même si vous ne me croyez pas…

     

     

     

     

     

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  • Du malheur d'écrire en Suisse

    Quel est le grand malheur des écrivains de ce pays?

    La Suisse est un pays heureux…

    Si l'art en général — et la littérature en particulier — se nourrit des peines et des tourments des hommes, les Suisses sont les plus mal lotis. Pas de génocide. Deux guerres mondiales traversées (presque) sans dommages. Peu de conflits syndicaux (ah! la paix sociale!). Un bien-être économique partagé par le plus grand nombre. Vraiment pas de quoi monter aux barricades, ni développer des instincts meurtriers…

    Ce confort relatif, apprécié par une grande majorité de la population, est extrêmement nuisible aux écrivains. Il étouffe les cris, tue dans l'œuf toute révolte radicale, neutralise la violence qui fait la base des rapports sociaux.

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    Ces cris étouffés, ces chuchotements, cette violence exprimée toujours à mots couverts, on les trouve dans plusieurs livres parus récemment en Suisse romande. Le premier exemple (dont nous avons déjà parlé ici) est celui de Laure Chappuis, (née  en 1971) dans son premier livre L'Enfant papillon*. Quel est le propos de ce récit au style léché ? Une jeune femme se retrouve enceinte. Elle veut garder son enfant. Mais son père s'y oppose et confie le bébé de sa fille, à sa naissance, à une autre mère qui l'élèvera. Le sujet est grave, douloureux, tragique même. Pourtant, cette douleur est constamment transfigurée en belles phrases poétiques, le chagrin de la narratrice presque neutralisé par un style à la limite de la préciosité (« Avec la prudence du silence, il glisse son corps d'ouate en direction du lit. »)

    Dans le même ordre d'idées, mentionnons le dernier livre de Marie Gaulis (née en 1965), Lauriers amers** (dont nous reparlerons plus longuement). images-1.jpegDe quoi s'agit-il ici? Une jeune femme, la narratrice, enquête sur la mort de son père, disparu tragiquement au Liban en 1978, alors qu'il était en mission pour le CICR. Le livre est haletant. On sent un véritable enjeu dans ces pages où la jeune femme suit, trente ans plus tard, les traces d'un père qu'elle a à peine connu (il est mort quand elle avait 12 ans). Le livre oscille entre enquête policière et quête existentielle. Et Marie Gaulis (fille de Louis) est un véritable écrivain. Elle a construit, au fil des livres, un univers tout à fait cohérent. Et ses Lauriers amers s'inscrivent parfaitement dans une œuvre exigeante et singulière. Ce qu'on peut regretter, simplement, c'est que la douleur, ici, profonde, essentielle, ne soit pas saisie à bras le corps, et exprimée dans une langue qui rende compte de sa violence. Elle est diffuse ici, et presque diluée dans une langue aux accents trop « poétiques ».

    images-2.jpegDernier exemple de ce « bien écrire » qui est parfois l'ennemi de l'« écrire juste », les deux derniers ouvrages de Julien Burri, Si seulement*** et Poupée**** (dont nous reparlerons aussi plus longuement cet été). Burri (né en 1980) publie à la fois des poèmes et des romans, tous deux largement autobiographiques. Si le premier des deux livres fait la part belle au père, tantôt aimé, tantôt honni, le second accorde une large place à la mère, à la fois forte et frivole, qui cherche à faire de son enfant cette poupée parfaitement docile — dont seule tirerait les ficelles — qui donne son titre au roman. Ici aussi, la violence éclate à chaque page, elle la sent bouillonner chez l'écrivain, elle est le vrai sujet du livre. Mais elle n'explose jamais, neutralisée par une écriture élégante et trop douce. Burri s'arrête souvent au seuil d'une vérité qui pourrait transfigurer son livre, en montrant la douleur nue, dans toute sa crudité, sa cruauté, sans le fard d'une écriture trop travaillée.

    * Laure Chappuis, L'Enfant papillon, éditions d'autre part, 2009.

    ** Marie Gaulis, Lauriers amers, éditions Zoé, 2009.

    *** Julien Burri, Si seulement, éditions Samizdat, 2009.

    **** Julien Burri, Poupée, Bernard Campiche éditeur, 2009.

  • Evaristo Perez en trio

    images.jpegComme elle est fertile en écrivains, la Suisse romande est aussi une terre incroyablement riche en musiciens. Elle a hébergé les plus grands, comme Stravinski, et accueille, chaque été, le plus important festival de jazz du monde à Montreux. C'est là, précisément, que le pianiste genevois Évariste Perez a joué, comme il s'est déjà produit à Cully, à Rome ou au Paleo. Excusez du peu !

    Né en Suisse en 1969 d’une famille originaire de Barcelone. diplômé du Conservatoire de Genève, il découvre le jazz à l’AMR avec Michel Bastet, puis se perfectionne en Italie avec Franco D’Andrea, Enrico Pieranunzi et Paolo Fresu, ainsi qu’en Suisse avec Misha Mengelberg, Fred Hersh. Il joue ensuite avec la Fanfare du Loup, Diana Miranda et l'extraordinaire Erik Truffaz.

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