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all that jazz - Page 45

  • Le film le plus bête de l'année

    images-1.jpegC'est un film un peu lent qui cherche son genre, son rythme, son sens. On y traverse l'Histoire en TGV ou en hélicoptère : tout commence à Paris dans les sixties (charmante évocation du look de ces années-là), puis on file à Prague, puis retour à Paris, avant de partir pour le Canada. Est-ce une comédie romantique ? Un drame ? Une comédie musicale ? Le réalisateur, Christophe Honoré, semble hésiter entre Jacques Demy (Les parapluies de Cherbourg) et Milan Kundera (L'Insoutenable légéreté de l'être) sans jamais prendre lui-même parti. On retrouve, dans ce chassé-croisé amoureux, la blonde Ludivine Sagnier en délicieuse nunuche, l'imposante et glaçante Catherine Deneuve. sa fille Chiara Mastroianni, Louis Garrel, etc. images.jpegLes meilleures moments du film mettent en scène la confrontation, très psy, entre la mère et la fille, avec un mélange d'incompréhension et d'émotion à fleur de peau. Il faut dire que la fille se cherche, comme le film, entre les amants de passage. Jusqu'à s'éprendre d'un batteur gay et séropositif, dont elle veut à tout prix un enfant (!). On le voit : Christophe Honoré n'a pas peur de pousser le bouchon trop loin. Et la scène d'amour finale, au lieu d'être bouleversante, est simplement grotesque.

    Deux bonnes surprises, pourtant : la présence du réalisateur tchèque Milos Forman, qui joue dans le film le (premier) mari de Madame Deneuve-Chanel. Il est épatant ! Et, en guest star, le chanteur Michel Delpech, qui ne chante pas, mais interprète le second mari de la dame oxygénée. A ce propos, le film est agrémenté de chansons qui rappellent Serge Gainsbourg, tant par la musique que par le texte. Hélas, ces chansons sont interprétées par les comédiens eux-mêmes, qui chantent faux et semblent chercher un sens aux paroles qu'ils ânonnent. N'est pas Nicole Kidman ou Catherine Zeta-Jones (ou Marilyn) qui veut !

  • Genève, ville idyllique

    images.jpegGenève, c'est sûr, est un havre de paix et de sérénité, de luxe et de beauté. Seuls quelques esprits chagrins vous diront le contraire. Des gens infréquentables. Suivez mon regard! C'est là-bas, au fond, à droite…

    Je mangeais l'autre avec trois excellents collègues. Le repas était quelconque. Mais la conversation, comme toujours,  intéressante.

    L'un d'eux, André W.*, grand violoncelliste devant l'éternel, était encore tout remué : son fils, étudiant à l'Uni, s'était fait attaquer et faucher son PC, alors qu'il travaillait paisiblement dans un parc public. Son agresseur était menaçant et armé. Le jeune étudiant avait eu peur pour sa peau…

    Histoire banale,  au fond, qui ne vient pas faire de l'ombre au tableau de la Genève idyllique que certains, au fond, à gauche, essaient de nous vendre.

    Cette anecdote en a appelé une autre. Claude D.*, en Suisse depuis trente ans, rentrant chez lui comme chaque soir, était tombé nez à nez avec deux lascars qui avaient mis l'appartement à sac, méticuleusement, emportant les ordinateurs de madame et monsieur, les bijoux de madame, ainsi que de nombreux objets chers à leurs enfants. Claude D.* en était encore tout retourné.

    Banal, aussi, cet « accident » qui demeure, au fond, peu représentatif de la réalité genevoise.

    François B*, un autre collègue enseignant, a dû subir une grosse frayeur: les cambrioleurs lui ont rendu visite, de nuit, alors que toute la famille dormait tranquillement. Ramdam d'enfer. Stupeur et tremblements. Les voleurs détalent. Et mon ami François B* en est quitte pour expliquer la chose aux policiers, dont c'est l'ordinaire. Il leur raconta que c'était déjà la troisième fois que la chose se produisait…

    « Et toi ? me demandèrent en chœur mes trois amis.

    — Oh, moi, rien de spécial. Je me suis fait cambrioler deux fois ma voiture (les voleurs n'ont pas voulu des épreuvres de matu qui étaient dans ma serviette sur le siège arrière!). Ma fille s'est fait dérober trois vélos. Ma femme, un seul, mais de marque italienne. Et notre cave, qui a longtemps abrité des squatters heureux, a été vidée deux fois de tout son contenu… »

    Nous avons compté d'une seule voix : à nous quatre, nous comptabilisions 18 (dix-huit) vols ou cambriolages ! Belle moyenne…

    Rien que de très banal, sans doute, dans notre belle ville, mais cela fait du bien de le dire!

    * Noms connus de la rédaction !

     

  • Une occasion manquée

    images-3.jpegOn l'attendait, avec un peu d'angoisse et beaucoup d'impatience, ce volume consacré à la Suisse dans la prestigieuse collection Découvertes-Gallimard. Et il est arrivé. Pas tout de suite, d'ailleurs, puisqu'il est seulement le 573e de la collection ! Il est signé François Walter, un professeur d'histoire moderne et contemporaine à l'Université de Genève depuis 1986.

    Ne boudons pas notre plaisir : l'iconographie, comme d'habitude, y est très soignée ; la mise en page, magnifique ; le texte parfaitement mis en valeur. En bon disciple de la « nouvelle histoire suisse », François Walter déconstruit habilement tous les mythes fondateurs : le pacte de 1291, antidaté, ne serait qu'un document rédigé après coup pour édifier le mythe de la Confédération. Guillaume Tell, bien sûr, n'a jamais existé. Quant aux exploits guerriers des premiers Suisses, ils ne sont qu'« une construction idéologique » visant à donner une base identitaire à la future Confédération. Cela dit, même si l'auteur raffole des clichés de la « nouvelle histoire », il ne passe pas pour autant sous silence les innombrables conflits, traumatismes, voire antagonismes religieux (la guerre du Sonderbund) auxquels la Suisse a dû faire face, et  qu'elle a réglés à sa manière, c'est-à-dire plutôt bien. Comme il n'oublie pas de mentionner, plus loin, certains épisodes peu glorieux de l'histoire contemporaine, tel le fameux tampon J apposé sur les passeports des ressortissants juifs, que l'auteur qualifie de « capitulation morale ». Comme il n'oublie pas de dénoncer « les compromissions avec l'économie de guerre nazie », « les fréquentations douteuses des régimes corrompus » ou encore la complaisance à accueillir des fonds soustraits au fisc, etc.

    On le voit : l'auteur adhère à cette image peu reluisante de « pays crapule », si largement diffusée à l'étranger qu'elle en est devenue un stéréotype!

    Plus intéressante est la partie du livre consacrée à l'importance du paysage, autre élément constitutif de l'« identité suisse » (qui, comme chacun sait, est un mirage !). Ici François Walter fait montre d'une connaissance certaine de l'imagerie helvétique : lacs, montagnes, forêts, glaciers. images.jpegDont tout le monde vante l'inexprimable beauté. Signe, sans doute, d'une Nature encore intacte, proche de sa pureté originelle. Vantées par les premiers touristes anglais au XIXe siècle, ces « beautés naturelles » attireront, plus tard, le tourisme de masse vers les stations de sports d'hiver, transformant la Suisse en pays de cartes postales.

    images-4.jpegTout n'est pas à jeter, sans doute, dans ce petit livre où l'on retrouve toutes les finesses, mais aussi toutes les naïvetés de la « nouvelle histoire suisse. » Un bémol, cependant : l'absence, quasi totale, mais effarante, de la culture (au sens large) qui s'est développée dans ce pays. Quelques noms d'écrivains, jetés ici ou là (Rousseau 1712-1778), à la sauvette, mais jamais développés, ni interrogés. Aucune mention de Georges Haldas, de Nicolas Bouvier, de Corinna Bille ! Idem pour Albert Cohen ou Denis de Rougemont, grand penseur de l'Europe (cité tout de même en annexe). Les mêmes lacunes s'appliquent à la peinture, à la musique ou encore à l'architecture, complètement oubliées dans ce panorama de cartes postales. De telles lacunes étonnent, surtout chez un professeur d'Université.

    Quand on se rappelle les chroniques savoureuses de Louis Gaulis (La Suisse insolite, Mondo) ou de Nicolas Bouvier (L'Art populaire en Suisse, Zoé), on regrette que ce livre n'ait pas été confié à un écrivain. Par exemple à un Jean-Louis Kuffer, grand bourlingueur devant l'Eternel, qui excelle dans l'art du portrait, de l'analyse fine, du regard amoureux. Cela aurait donné un livre non seulement de savoir, mais aussi — et surtout — de saveur. Mais l'occasion est manquée…

    * François Walter, La Suisse au-delà du paysage, Découvertes-Gallimard, 2011.