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all that jazz - Page 41

  • Magnifiques Servettiens !

    292248_10150942621553234_10985463233_233306126_297481883_n.jpgAllons, pour une fois, parlons de choses importantes.

    Les bourses dégringolent ? C'est leur destin biologique, et tout le monde s'en fout. L'Europe est en crise ? Elle l'a toujours été. Et qui croit encore à l'Europe aujourd'hui ? La France est désormais gouvernée par des hommes (et des femmes) normaux. Tant pis pour elle. Car, au fond, elle l'a bien cherché…

    Non, l'important, vous l'aurez deviné, c'est la formidable victoire, hier, de Servette sur Bâle, multiple champion et vainqueur de la Coupe. Un match plein, vivant, généreux. Comme le stade de la Praille, subitement ressuscité avec ses 22000 spectateurs. Qui a dit que les Genevois n'aimaient pas le football ?

    Une victoire qui se soulève aucune critique : tant au niveau du jeu, toujours porté vers l'offensive, qu'à celui de l'engagement (on dirait que les quelques mois passés en enfer — club en faillite, joueurs non payés — ont renforcé la cohésion de l'équipe).

    En un mot comme en cent : chapeau bas, les Servettiens !

    Si seulement les politiques de la ville et du canton pouvaient s'en inspirer ! À défaut de génie (et d'argent) il faut montrer du cœur !

  • Besoin de grandeur

    images-1.jpegEn 1937, Ramuz (un écrivain vaudois) publiait Besoin de grandeur*, un manifeste on ne peut plus actuel, à propos duquel Jacques Chessex écrit ceci : « Ces mots de Besoin de grandeur sonnent comme un mot d'ordre, une injonction au jour le jour. Le reverdissement élémentaire. Les grands livres proposent toujours leur poids sombre avec l'allégement, l'assomption du texte. Ici, le grave, ce qui tire au noir, c'est le constat d'un pays étroit et complice de sa propre maladie. L'allégement, c'est la foi dans le renouveau par l'art, et ce besoin de grandeur vrillé au corps du créateur. Que fait ce livre parmi nous ? Comme le poète à son passage, il montre la voie, il élève, en abrupt révélateur. »

    À l'heure où certains se déchirent sur l'appellation de « Grand Genève », jugée « arrogante »,images-2.jpeg il faut méditer le texte de Ramuz, qui déjà, en 1938, se sentait à l'étroit dans les frontières de son petit pays. Il rêvait non l'expansion ou d'annexion, mais d'ouverture et d'élargissement. En deux mots : de grand air. Genève, qu'on le veuille ou non, est une (petite) métropole qui drainera bientôt un million d'habitants, pendulaires, frontaliers, etc. Il est logique que sa région porte le nom de cette ville qui déborde déjà, depuis longtemps, sur les zones limitrophes.

    Le nom de « Grand Genève » n'est pas hégémonique : il reflète une réalité. Il offre une visibilité à toute une région. Il est facile à prononcer et à retenir. Il exprime ce besoin de grandeur qui torturait Ramuz. Il a donc l'avenir devant lui.

    * C. F. Ramuz, Besoin de grandeur, collection Poche Suisse, l'Âge d'Homme.

  • Les temps modernes

    Affiche_Chaplin_pgeexpo.jpgJ’avais manqué, l’année dernière, l’exposition Chaplin montée par le Musée de l’Élysée, à Lausanne, dépositaire de dizaines de milliers de documents et de photos sur cet artiste illustre, et toujours méconnu. Heureusement, il y a une séance de rattrapage. C’est au Palais Lumière, à Évian, jusqu’au 20 mai 2012*. Presque en face du Manoir de Ban, à Vevey, où Chaplin passa la dernière partie de sa vie.

    L’exposition, mise sur pied par Sam Stourdzé et Carole Sandrin, s’intitule « Images d’un mythe ». On y suit, pas à pas, la carrière de ce petit homme de génie. De son enfance à la Dickens, déchirée entre une mère à moitié folle et un père comédien presque toujours absent, aux premiers succès cinématographies.

    On dirait que chez Charles Spencer Chaplin (né en 1889) tout est précoce et excessif. Il débute sur les planches alors qu’il n’a même pas dix ans. À dix-neuf ans, il abandonne famille et école pour partir en tournée en Amérique avec la troupe du comédien Fred Karno. Il se passionne pour les aspects du théâtre, de la confection des décors aux costumes, aux éclairages, à la musique et, bien sûr, à la mise en scène. Il est à l’affût de toutes les inventions technologiques. Toujours à la pointe de l’époque, Chaplin.

    En 1914, dans un film muet intitulé Pour gagner sa vie, apparaît pour la première fois le personnage de Charlot. D’emblée, il est complet : chapeau melon, canne flexible et godillots troués. Petite moustache. Démarche de canard. Coup d’essai, coup de maître. Chaplin invente la figure emblématique de son époque : le vagabond désargenté, toujours en guerre avec la société (son ennemi intime, autre porteur de moustache : l’agent de police, représentant de l’Ordre). Charlot incarne, avec génie, les hordes d’émigrants qui arrivent à New York (près de 20'000 chaque jour) pour fuir l’Europe misérable et la guerre. Il est du côté des plus faibles. Des humiliés. Des silencieux (même s’il rêve, en secret, d’épouser une duchesse et d’appartenir à la haute bourgeoisie). Ce vagabond déraciné, c’est le même, aujourd’hui, qui vient d’Afrique ou des Balkans frapper à notre porte.

    Chaplin transforme tout ce qu’il touche en mythe. Prenez le Kid par exemple. Charlot y adopte un enfant abandonné par sa mère (riche et célibataire) et l’élève seul, montrant que les liens du cœur ne passent pas nécessairement par les liens du sang. Ni par un noyau familial traditionnel. Ou encore Les Temps modernes, chef-d’œuvre absolu, qui démonte, par le rire et l’absurde, les rouages de nos aliénations industrielles. Et bien sûr Le Dictateur, tourné en 1940, qui donne le frisson par ce qu’il préfigure de l’apocalypse nazie en train de se réaliser, mais que personne, à cette époque, n’a la lucidité, ou le courage, de dénoncer. Une fois encore, Chaplin est un voyant.

    Nous avons besoin des artistes, de plus en plus, partout, à tout moment. Pourquoi ? Eux seuls nous aident à déchiffrer l’époque qui chaque jour, à notre corps défendant, nous met en scène. Eux seuls nous aident, dans les périodes sombres, à savoir garder les yeux ouverts.

    * Charlie Chaplin, images d’un mythe, Palais Lumière, Évian, jusqu’au 20 mai 2012.