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Ecrivain de la comédie romande - Page 267

  • Cinéma Grand-Guignol

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    Ça commence comme un (mauvais) remake du chef-d'œuvre de John Boorman, La Forêt d'émeraude (1985). Puis ça ressemble (un peu) à Rangoon (1995), autre film magistral du même John Boorman. Enfin ça se termine comme une reprise, naïve et prétentieuse, d'un autre film-culte : Apocalypse Now, de Francis F. Coppola. Comme on le voit, le jeune cinéaste belge Fabrice Du Welz, qui signe Vinyan — chef-dœuvre de cinéma Grand-Guignol — n'a peur de rien. Et surtout pas d'être écrasé par ces références pourtant prestigieuses…

    Actualité oblige, la mode est aujourd'hui aux récits de deuil impossible : c'est tantôt des parents qui pleurent la mort de leur fils unique (La Chambre du Fils de Nanni Moretti), tantôt un homme anéanti par la mort de sa femme (Caos calmo d'Antonio Grimaldi), tantôt, comme ici, un couple dont l'enfant a disparu en Thaïlande, emporté par le tsunami. Le malheureux père a le visage du comédien anglais Rufus Sewell (perdu au milieu des rizières). Quant à la mère, elle est incarnée par la transparente Emmanuelle Béart, inexpressive et maigrichonne, qui verse beaucoup de larmes pour donner un semblant d'épaisseur à son rôle de madone inconsolable. Pas de chance. C'est l'époque des moussons. Il pleut pendant tout le film. La concurrence est rude. Le film de Welz chemine cahin-caha vers sa fin improbable, qui verse dans le grand-guignol. Le film est si mauvais, par moments, qu'on pourrait le croire français. Il faut bien du courage, en ces temps difficiles pour le cinéma d'auteurs, pour produire un film qui loue la culture du navet.

     

     
    Fabrice Du Welz
  • Le Clézio flibustier des lettres

    images.jpegBien sûr, on pourrait faire la fine bouche, comme chaque année, lors de l'attribution du Prix Nobel de Littérature. Le Clézio, c'est très bien. Mais les autres? Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Georges Haldas pour le domaine français? Et aussi les grands Américains: le génial Bob Dylan, le sulfureux Philip Roth? La déferlante Joyce Carol Oates? S'il faut récompenser le génie, c'est de ce côté-là qu'il faut aller…
    Mais Le Clézio?
    Hé bien, disons-le tout net: le choix du Jury Nobel est courageux. Il consacre un écrivain à l'indépendance farouche : proche, à ses débuts, du Nouveau Roman, il s'en est toujours tenu éloigné, et ne connaîtra donc pas la fin de carrière pathétique d'un Alain Robbe-Grillet ou d'un Robert Pinget. Il consacre, également, un écrivain du monde, comme on dit aujourd'hui, pour qui les frontières ne sont ni politiques, ni culturelles : il a écrit aussi bien sur sa belle ville de Nice (La Ronde, recueil de magnifiques nouvelles), que sur le Mexique (où il séjourne régulièrement), que sur l'Afrique (sublime Désert) ou encore l'Amazonie. Sans oublier un essai sur Lautréamont dont je me souviens avoir parlé longuement (et assez vivement!) avec lui. En d'autres termes, c'est un écrivain complet. Le Jury suédois récompense, enfin, un écrivain qui a toujours su tenir sa ligne, dès les premiers textes parus dans les années 60 (le célèbre Procès-verbal), jusqu'aux tout derniers : une ligne éloignée de tout dogme, comme de tout compromis.
    Mais le style?
    L'écriture de Jean-Marie Gustave Le Clézio, à première vue, en est presque dépourvue, si l'on entend par style les effets de manche ou de langue. Au contraire, elle est limpide, directe, coulante, sensible aux bruits du monde et aux balbutiements des hommes. En cela, elle est plus proche de l'écriture blanche d'Albert Camus que de l'emphase d'un Saint-John Perse ou les longues périodes d'un Claude Simon (pour prendre deux autres Prix Nobel français). Reposant sur un vocabulaire des plus restreints, l'écriture de Le Clézio est ancrée, profondément, dans la matière (qui mène à l'extase), la contemplation du monde, l'amour des hommes et des femmes, que chacun de ses romans chante à sa manière. 
    En attribuant à Le Clézio son Prix de Littérature, les jurés du Nobel ont récompensé un moderne flibustier des lettres, libre et obstiné, solaire et universel. On ne peut que s'en féliciter. 
     

  • Cafés littéraires

    J'étais hier soir, en galante compagnie, à la Potinière, le délicieux café-restaurant du Jardin anglais. Une fois par mois, les éditions Encre Fraîche y invitent deux auteurs à dialoguer, autour d'un thème choisi d'avance. Cela s'appelle les Mardis de l'Encre. Ils sont animés par une jeune femme gracieuse et pétulante, Sita Pottacheruva. Mardi, les invités se nommaient Eugène (Prix des Auditeurs de la RSR pour La Vallée de la jeunesse*) et Jérôme Meizoz (pour son dernier livre, Père et passe**, beau portrait de son père, dont nous avons parlé ici même). images.jpeg
    On ne dira jamais assez l'importance de ces rendez-vous, toujours un peu clandestins (sans ram-dam médiatique : juste le bouche-à-oreille), qui permettent aux auteurs de rencontrer leurs lecteurs — et réciproquement. Ou mieux : de se retrouver, autour des livres, mais en chair et en os, si j'ose dire, de vivre voix et face à face.
    images-1.jpegEugène s'est expliqué sur l'origine et la construction de son livre, dans lequel il se raconte à travers 22 objets qui lui ont fait du bien, ou du mal. Cette sorte d'« analyse transactionnelle », caustique et pleine d'humour, n'a pas été sans conséquence sur le cours de sa vie, ni de ses relations avec les autres. Jérôme Meizoz, à sa manière discrète et authentique, a raconté en quoi son livre, qui se voulait une sorte d'exorcisme face à la maladie de son père, lui a permis de tisser d'autres liens avec cet homme taciturne, grand travailleur, qui ne prenait la parole que dans les grandes occasions pour déclamer des «bouts rimés»…
    Menée tambour battant par Sita Pottacheruva, la discussion qui a suivi s'est révélée instructive et émouvante, chacun des deux auteurs jouant la carte de la sincérité.
    Ne manquez pas les prochains rendez-vous de ces chaleureux Mardi de l'Encre, le premier mardi de chaque mois, à la Potinière.
    Mardi 4 novembre 2008 : La nouvelle. Valentine Sergo, comédienne, metteuse en scène et auteure (Histoires de la porte d’à côté, Editions Encre Fraîche, 2008) et Sébastien Ramseier, écrivain (Sugar Daddy, Editions Encre Fraîche, 2006).
    Mardi 2 décembre 2008 : Projets inédits au féminin. Françoise Roubaudi, enseignante et auteure (Les enfants des rues m’ont appris à écouter les oiseaux, Editions Encre Fraîche, 2008), Eliane Longet (enseignante, fondatrice et marionnettiste de la troupe des Croquettes, présidente de l’association Graine de Baobab, Burkina Faso) et Catherine Nickbarte (présidente de l’association Buakhao White Lotus Foundation, Thaïlande).
    Mardi 3 février 2009 : La science-fiction en Suisse romande avec Lucas Moreno, www.utopod.com et Jean-François Thomas.
    Mardi 3 mars 2009 : L’autobiographie en bande dessinée (en coll. avec la Galerie Papiers Gras, Genève) avec Frédérik Peeters et Pierre Wazem.
    Mardi 7 avril 2009 : Le roman noir avec Jean-Michel Olivier et Jean-Jacques Busino.
    Mardi 5 mai 2009 : Photographes et littérature avec Olivier Delhoume.
    Mardi 2 juin 2009 : Carte blanche à Olivier Delhoume.

    * Eugène, La Vallée de la jeunesse, Editions La Joie de Lire, 2007.
    ** Jérôme Meizoz, Père et passe, Editions d'En-Bas et Le Temps qu'il fait, 2007.