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Ecrivain de la comédie romande - Page 242

  • Cannes, mode d'emploi

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    Vous faites du cinéma ? Et vous voulez gagner un Prix au Festival de Cannes ? Rien de plus facile. La recette tient en deux mots : du sang et des larmes. Mais attention, pas des larmes de joie et de compassion. Non ! On est en 2009 ! Mais des larmes de souffrance et de cruauté, versées sous la torture. Et de l'hémoglobine, s'il vous plaît, par tonneaux, par torrents ! Pas d'éraflures ou de blessures légères. Non. Mais des mutilations, des excisions, des décapitations, des émasculations, des viols, des artères sectionnées (Nuits d'ivresse printannière, de Lou Ye), des festins vampiriques (Thirst, du Coréen Park Chan-Wook, des massacres à la machette (Kinatay, du Philippin Brillante Mendoza), des sévices sadiques ou pédophiles (ou les deux) dans le dernier Michael Haneke, Palme d'Or 2009, Le Ruban blanc

    Sexe et violence, le cocktail n'est certes pas nouveau. Mais, mondialisation oblige, il semble contaminer aujourd'hui presque tous les cinéastes. Parmi lesquels des vieux renards, comme très superficiel Lars van Triers ou le bluffeur Quentin Tarantino, excellent show-man, mais cinéaste de seconde zone. La violence est partout. Mais d'abord, comme le suggère l'excellent Thierry Jobin (voir ici)  dans la famille. « Même hors compétition, de Mother (du Sud-Coréen Bong Joon-ho) au Le Père de mes enfants (de la Française Mia Hansen-Love), les parents auront été, avec la violence et le sexe, les figures récurrentes de cette édition 2009. Vengeurs (chez Johnnie To), indignes (chez Andrea Arnold), sévères (chez Michael Haneke), pédophiles (chez Haneke encore), absents (chez Marco Bellocchio), dépassés (chez Ang Lee) et souvent responsables d’accidents traumatisants (chez Gaspar Noé ou Marina de Van), ils sont aussi des empêcheurs d’aimer en rond (chez Jane Campion), de vivre en rond ou de mourir en rond. Ils sont le noyau du mal, du mensonge, de la violence. »

    Le cinéma, miroir d'une société régie (ou menacée) par la violence ? Ou, plus trivialement, exploitation d'un phénomène (la violence) qui attire les foules et, par conséquent, rapporte gros ?

    Comme toujours, le cinéma, art populaire par excellence, est déchiré entre expression subjective et pure merchandisation d'un produit au contenu insignifiant, mais qui doit faire du chiffre.

    En cela, le Festival de Cannes est instructif : il cherche à concilier ces deux tendances — de fait inconciliables — : le film d'auteur et le blockbuster. Les spectateurs, avertis des flots d'hémoglobine qui les attendent, jugeront bientôt par eux-mêmes du résultat…

     

     

  • Dans la brume électrique



    images.jpegAlors que tant de films dispensables encombrent les écrans romands, il ne faut rater à aucun prix le dernier film de Bertrand Tavernier, In the Electric Mist : un vrai régal.

    Adapté d'un roman de James Lee Burke (paru aux éditions Rivage sous le titre Dans la brume électrique avec les morts confédérés) le film de Tavernier est à la fois un fantastique polar et un portrait de policier usé, navigant entre ses rêves et une réalité coriace, qui ne lui laisse aucun répit. Il suffit d'ajouter que ce policier a les traits de Tommy Lee Jones, acteur magnifique de prestance et de générosité, pour que le bonheur du spectateur soit complet. Comme si cela ne suffisait pas, Tommy Lee Jones n'est pas seul dans ce film admirable. Mais il est entouré de l'imposant (et inquiétant) John Goodman, qui délaisse un instant les films des frères Coen, de la lumineuse et sensuelle Mary Steenburgen (Bootsie, l'épouse du policier), de Kelly MacDonald qui joue les starlettes fragiles et de Peter Sarsgaard (le réalisateur hollywoodien et alcoolique).

    Mais on l'aura compris : le film de Tavernier n'est pas qu'un polar de plus. Il montre la Louisiane (ah les sublimes bayous!) d'après l'ouragan Katrina : un Etat dévasté, déserté, oublié par la clique bushienne au pouvoir, et livrée, sans vergogne, à tous les trafics d'argent, de drogue ou d'influence. Au polar se superposent bien vite une fantastique étude de mœurs, une fable morale et politique, et une méditation sur la vie et la mort (tout le film est littéralement hanté par des fantômes de la Guerre de Sécession et des prisonniers noirs exécutés dans les bayous).

    Comme on peut l'imaginer, le film a eu bien des difficultés à voir le jour. Par exemple, les dialogues sont truffés de jeux de mots (souvent grivois) aux accents si américains qu’il a fallu ajouter des sous-titres en anglais ! La mise en scène de Tavernier, qui prend son temps pour explorer chaque scène, interroger chaque personnage, a été rudement contestée. Trop frenchy ! Heureusement, grâce au soutien indéfectible de Tommy Lee Jones, le film a pu se faire, envers et contre Hollywood. Et c'est tant mieux. Un dernier mot sur la musique du film qui fait la part belle aux blues cajuns de Clifton Chenier et à Buddy Guy qui joue lui-même un ancien prisonnier dans le film.

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  • Mugny et les hypocrites

    images.jpeg Indispensable à la survie de l'être humain, c'est une maîtresse jalouse, qui parfois prend le masque du savoir-vivre, de la politesse ou de la décence. Certains prétendent la mépriser, mais c'est en fait ceux qui la servent le mieux. C'est le fonds de commerce de tout homme (ou femme) politique. Et cela semble, de plus en plus, être une spécialité genevoise. Vous avez reconnu : l'hypocrisie.

    Seul un écologiste, à Genève, peut être assez naïf ou assez fou pour réclamer le ministère de la Culture, depuis toujours  réputé ingérable. Patrice Mugny est cet homme-là. Saluons donc son courage. Car il en faut pour empoigner tous les dossiers pourris du paysage culturel genevois (le PCG) et, envers et contre tous, prendre finalement une décision. Ce que personne, au fond, ne lui pardonne.

    Petit rappel des faits : quand Mugny prend le rênes de la culture genevoise, en 2003, tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut un grand coup de balais dans certaines institutions culturelles particulièrement poussiéreuses, ou atteintes de dysfonctionnement chronique. Tout le monde ? C'est-à-dire le microcosme culturel, les députés et même le public. Quelles institutions ? Le Musée d'Ethnographie, tout d'abord, dont le personnel ne cesse de se plaindre, menaçant même de faire grève. Mugny crève l'abcès et licencie le directeur en place. Première volée de bois vert de la part même de ceux (les députés, la presse, les hypocrites) qui réclamaient un changement. Bientôt c'est au tour du Grand-Théâtre : la révolte gronde parmi le personnel. On déplore des dépressions, du surmenage et même un suicide. Mugny se renseigne, comme il a coutume de le faire, et, une fois encore, il tranche dans le vif, se séparant de la diva d'opérette qui dirigeait l'institution. Bronca dans la République! Ceux-là même qui dénonçaient la situation dramatique de l'Opéra tombent à bras raccourcis sur le magistrat, coupable de tous les maux, écolo soixante-huitard, ignare en grande musique et même joueur d'accordéon…

    La coupe est pleine ! Comme les vautours de Lucky Luke, les hypocrites attendent la curée…

    Aujourd'hui, Mugny crée une fois de plus le scandale en commandant un audit que tout le monde réclamait (le personnel du MHA, les députés, la presse, le public) à propos d'un Musée dont chacun s'accorde à dire — parmi les Genevois comme les nombreux visiteurs étrangers de notre belle ville — qu'il est indigne de Genève, parce qu'il manque de rayonnement, d'imagination, de visibilité (parlez à ces mêmes visiteurs du Musée de l'Hermitage, à Lausanne, ou de la Fondation Giannada, à Martigny, et vous verrez leurs réactions). Bref, depuis des lustres, Genève a mal à ses musées. Une fois encore, tout le monde le sait, tout le monde le murmure. Mais lorsqu'un magistrat prend ses responsabilités (ce qu'on attend de lui), il est exécuté sur la place publique! Par ceux-là même qui le suppliaient d'agir…

    Le prochain coup de Mugny, chacun peut le prévoir : il concerne le théatre de la Comédie, qui a perdu depuis quelques années l'aura considérable qu'il avait acquise sous le règne de Benno Besson, puis de Claude Stratz. De théâtre au rayonnement national, voire international (on se souvient des tournées triomphantes de L'Oiseau vert ou de L'École des Mères de Marivaux, mise en scène par Stratz), la Comédie est devenue un théâtre d'ambition régionale, régatant avec peine avec d'autres institutions plus dynamiques comme Carouge ou le Forum de Meyrin. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Les députés, le public, la presse, les hypocrites. Mais on rechigne à couper une tête, parce qu'il s'agit d'une femme…

    Diriger la culture n'est pas une sinécure, surtout à Genève, où chacun a sa propre idée sur la question. Il faut être fou pour rêver de ce poste. Ou idéaliste. Ou écolo. Ou joueur d'accordéon. Patrice Mugny est ce fou-là. Politics is a dirty business, but somebody has got to do it. La politique est un sale boulot, mais quelqu'un doit le faire. Alors soyons reconnaissants à notre « ayatollah vert » de prendre enfin les décisions (bonnes ou mauvaises, l'avenir seul le dira) que chacun, plus ou moins ouvertement, réclamait dans la République. Le public. La presse. Les hypocrites.