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Ecrivain de la comédie romande - Page 238

  • Du bonheur d'écrire en Suisse romande

    histoire du soldat, d. casanave.
    Certains, parmi mes consœurs et confrères écrivains, se plaignent quelquefois du peu d'écho que suscitent, dans notre grand pays, leurs immortels ouvrages.
    Un ou deux compte-rendus polis, une émission exclusive sur une radio locale. Peut-être un éreintage dans Le Temps, si on a de la chance. Et puis basta. Rideau. Parlons d'autre chose, voulez-vous…
    Mais était-ce si différent dans les temps héroïques?
    Prenons Ramuz, par exemple: il a vécu dix ans à Paris, capitale de la France, où il a écrit quelques-uns de ses plus beaux livres, dans la plus parfaite clandestinité, soutenu par le bon Edouard Rod, autre Vaudois exilé, mais sans jamais parvenir à se faire un nom, ni à gagner l'estime des Parisiens. De retour en Suisse, juste avant la Première guerre mondiale, il s'établit à Lutry, où il enchaîne littéralement les chef-d'œuvres, dans une indifférence quasi générale, mais toujours en pétard avec La Gazette de Lausanne, qui rechigne à lui payer ses articles…
    Plus près de nous, j'entends encore, certaines nuits, le rire (jaune) de Nicolas Bouvier à propos du succès (posthume, bien sûr) de son Poisson-Scorpion, refusé à l'époque par plusieurs éditeurs, comme, d'ailleurs, son premier livre, L'Usage du Monde. Ironie de Et la littérature ne se fait pas chez eux.l'Histoire…
    Et Georges Haldas, me direz-vous? Il vient de souffler à Lausanne ses 90 bougies. Il se porte comme un gardon, merci. Il a écrit une œuvre colossale, comprenant des essais, des chroniques, des scenari de films, de la poésie. Hélas, il continue d'écrire, envers et contre tout. Mais qui le lit? Ou plutôt : qui parle encore de ses livres?
    (Un ange passe.)
    Non, croyez-moi, le vrai bonheur d'écrire en Suisse romande, c'est que l'on peut y œuvrer dans l'ombre, en toute impunité, en toute sérénité, et aller jusqu'au bout d'une idée ou d'une obsession: écrire le livre dont on rêve. Les journaux bien-pensants vous ignorent? Peu importe : ils vous ignoreront toujours. Et la littérature ne se fait pas chez eux.
    De toute part, en réalité, on vous fout une paix royale…
    N'est-ce pas ça, le vrai bonheur, la liberté souveraine?

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  • Une stèle pour Décaillet

    pascal décaillet et micheline calmy-rey

    Rendons justice à Pascal Décaillet : sans sa verve, son énergie intarissable, son talent d'orateur grec, la politique genevoise ne serait pas ce qu'elle est. En d'autres termes, elle ne serait pas du tout. Non seulement, Décaillet offre une tribune à celles et ceux qui n'ont rien à dire (ou plutôt dont les idées sont minuscules, tâtonnantes, souvent opportunistes) mais encore ils les met en valeur, leur offre une vitrine officiclelle qui leur confère un semblant d'existence.

    Il faut suivre les débats de « Genève à chaud » sur Léman Bleu pour s'en convaincre presque tous les jours. Décaillet brille, termine les phrases de ses invités peu loquaces, remet en perspective les idées (très souvent rabâchées) de ses hôtes d'un soir. Grâce à lui, Eric Stauffer (qu'il est le seul, d'ailleurs, à pouvoir faire taire) paraît intelligent. Grâce à lui, Guy Mettan (ah! la « Saint-Maurice Connection »!) retrouve son latin. Grâce à lui, Jean Romain nous parle de ses problèmes de thermomètre. Grâce à lui, Micheline Calmy-Rey fait moins peur. Et Doris Leuthard a les prunelles moins exorbitées…

    Combien de discussions interminables brusquement sauvées de l'ennui par un bon mot, un clin d'œil, une référence à Saint-Simon ou à Léon Bloy! Souvent, je me dis que Genève ne mérite pas Pascal Décaillet, qu'il faudrait laisser les politiques mariner longuement dans leur inexistence. Mais heureusement, il est là, toujours sur le qui vive, pour relancer, expliquer, donner des couleurs aux discours insipides qui sont balbutiés à l'antenne.

    Si j'étais député, je proposerais illico qu'on élève une stèle à Pascal Décaillet pour tout ce qu'il a donné à notre république. Mais le monde politique est ingrat. Surtout après les élections. En attendant l'érection de sa stèle, rendons grâce, encore une fois, à Saint Décaillet.

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  • Servette : une histoire genevoise

    Servette : une histoire genevoise

     

    Soyez fous : prenez l’avion, le train, le paquebot ! Allez à Parme, à Liverpool, à Barcelone, à Malte, à Istanbul, à Hambourg, à Dublin ! À Auxerre ! À Bruges ! Et là-bas, demandez aux gens que vous rencontrez ce qu’évoque, pour eux, le beau nom de Genève.
    Évoqueront-ils les prouesses de Laurent Moutinot, qui — après avoir autorisé la mendicité, puis l’avoir interdite, avant de l’autoriser de nouveau — semble placer l’essentiel de son énergie dans sa pipe ? Ou le génial Christian Ferrazzino, fasciné par les sanisettes de grand luxe ? Évoqueront-ils Robert Cramer qui, lui-même opposé au double mandat, accepte pourtant d’aller siéger à Berne, parce que ses collègues du Conseil d’État l’y ont poussé (voulaient-ils se débarrasser de lui ?) ? Ou encore l’illustre Grand-Théâtre, si mal géré depuis des lustres, qui monopolise l’essentiel des subventions culturelles pour une poignée de spectateurs cachemire-caviar ?

    J’ai bien peur que non.

    Alors qu’est-ce que Genève à l’étranger ?

    La réponse tient en deux mots : le Jet d’eau et Servette.

    C’est-à-dire : l’arrogance et la beauté gratuite, l’aspiration vers les étoiles et la passion du beau jeu, la jouissance inattendue et le désir de vibrer…

    Les deux symboles de Genève ont à peu près le même âge et la même histoire. Si la mort du Jet d’eau ne semble pas d’actualité, l’histoire (et le prochain procès de Marc Roger) dira comment, au fil des ans et des décisions imbéciles, le club de football genevois a perdu peu à peu de sa superbe. Comment il s’est enfoncé dans les dettes, les promesses illusoires, la spirale folle des salaires…

    Si Servette — véritable baromètre de la vie genevoise — va mal, flirtant avec la relégation en Première Ligue, est-ce si étonnant ? Si le club frise le code, que dire du canton qui est au bord de la faillite ? Si le club n’arrive plus à gérer sa destinée, que dire des politiques responsables du Stade de la Praille qui ont construit une arène magnifique, hélas pour une équipe fantôme ? Et que dire de Genève, qui se rêvait ville internationale, et qui n’est qu’un gros bourg de province, en marge de l’Europe active et bouillonnante d’idées ?

    Car la déroute du Servette est celle de tous les Genevois, roulés en boule, depuis des lustres, dans la sécurité bourgeoise, les rites étouffants de la vie provinciale. C’est la déroute d’une ville qui a construit sa paix à force de silence et d’aveuglement, et qui n’aime pas les « questions sans réponse », comme dirait Saint-Exupéry. Une ville confite dans la routine et le secret bancaire, qui retient ses émotions et tremble à la perspective d’entreprendre une action. Une ville et un canton si mal gouvernés qu’ils connaissent le plus fort taux de chômage helvétique, et la pire crise du logement. Une ville qui préfère les vespasiennes aux clubs de football, les pistes cyclables à la culture ?

    J’ignore si Servette mérite Genève. Je suis sûr, en revanche, que Genève ne mérite pas Servette — même si tous deux, dorénavant, évoluent dans des ligues inférieures.