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Ecrivain de la comédie romande - Page 172

  • Une occasion manquée

    images-3.jpegOn l'attendait, avec un peu d'angoisse et beaucoup d'impatience, ce volume consacré à la Suisse dans la prestigieuse collection Découvertes-Gallimard. Et il est arrivé. Pas tout de suite, d'ailleurs, puisqu'il est seulement le 573e de la collection ! Il est signé François Walter, un professeur d'histoire moderne et contemporaine à l'Université de Genève depuis 1986.

    Ne boudons pas notre plaisir : l'iconographie, comme d'habitude, y est très soignée ; la mise en page, magnifique ; le texte parfaitement mis en valeur. En bon disciple de la « nouvelle histoire suisse », François Walter déconstruit habilement tous les mythes fondateurs : le pacte de 1291, antidaté, ne serait qu'un document rédigé après coup pour édifier le mythe de la Confédération. Guillaume Tell, bien sûr, n'a jamais existé. Quant aux exploits guerriers des premiers Suisses, ils ne sont qu'« une construction idéologique » visant à donner une base identitaire à la future Confédération. Cela dit, même si l'auteur raffole des clichés de la « nouvelle histoire », il ne passe pas pour autant sous silence les innombrables conflits, traumatismes, voire antagonismes religieux (la guerre du Sonderbund) auxquels la Suisse a dû faire face, et  qu'elle a réglés à sa manière, c'est-à-dire plutôt bien. Comme il n'oublie pas de mentionner, plus loin, certains épisodes peu glorieux de l'histoire contemporaine, tel le fameux tampon J apposé sur les passeports des ressortissants juifs, que l'auteur qualifie de « capitulation morale ». Comme il n'oublie pas de dénoncer « les compromissions avec l'économie de guerre nazie », « les fréquentations douteuses des régimes corrompus » ou encore la complaisance à accueillir des fonds soustraits au fisc, etc.

    On le voit : l'auteur adhère à cette image peu reluisante de « pays crapule », si largement diffusée à l'étranger qu'elle en est devenue un stéréotype!

    Plus intéressante est la partie du livre consacrée à l'importance du paysage, autre élément constitutif de l'« identité suisse » (qui, comme chacun sait, est un mirage !). Ici François Walter fait montre d'une connaissance certaine de l'imagerie helvétique : lacs, montagnes, forêts, glaciers. images.jpegDont tout le monde vante l'inexprimable beauté. Signe, sans doute, d'une Nature encore intacte, proche de sa pureté originelle. Vantées par les premiers touristes anglais au XIXe siècle, ces « beautés naturelles » attireront, plus tard, le tourisme de masse vers les stations de sports d'hiver, transformant la Suisse en pays de cartes postales.

    images-4.jpegTout n'est pas à jeter, sans doute, dans ce petit livre où l'on retrouve toutes les finesses, mais aussi toutes les naïvetés de la « nouvelle histoire suisse. » Un bémol, cependant : l'absence, quasi totale, mais effarante, de la culture (au sens large) qui s'est développée dans ce pays. Quelques noms d'écrivains, jetés ici ou là (Rousseau 1712-1778), à la sauvette, mais jamais développés, ni interrogés. Aucune mention de Georges Haldas, de Nicolas Bouvier, de Corinna Bille ! Idem pour Albert Cohen ou Denis de Rougemont, grand penseur de l'Europe (cité tout de même en annexe). Les mêmes lacunes s'appliquent à la peinture, à la musique ou encore à l'architecture, complètement oubliées dans ce panorama de cartes postales. De telles lacunes étonnent, surtout chez un professeur d'Université.

    Quand on se rappelle les chroniques savoureuses de Louis Gaulis (La Suisse insolite, Mondo) ou de Nicolas Bouvier (L'Art populaire en Suisse, Zoé), on regrette que ce livre n'ait pas été confié à un écrivain. Par exemple à un Jean-Louis Kuffer, grand bourlingueur devant l'Eternel, qui excelle dans l'art du portrait, de l'analyse fine, du regard amoureux. Cela aurait donné un livre non seulement de savoir, mais aussi — et surtout — de saveur. Mais l'occasion est manquée…

    * François Walter, La Suisse au-delà du paysage, Découvertes-Gallimard, 2011.

     

  • Un peu de beauté dans ce monde de brutes

    Qu'est-ce que la danse sinon l'art de la possession (et de la dépossession) ? Le danseur est hanté par le corps, les sentiments, l'âme d'un autre. C'est pourquoi chaque spectacle est une manière d'exorcisme. Dans cette cérémonie, l'immense Pina Bausch était une sorte de prêtresse, muette et solennelle. Elle seule pouvait exorciser ces corps en transe, habités par le rêve ou l'amour, la solitude ou la musique. Ce n'est pas le moindre mérite de Pina Bausch d'avoir rendu le danse au théâtre, et le théâtre à la cérémonie antique.

    Wim Wenders, son ami de toujours, lui rend hommage dans un film magnifique, enjoué, nostalgique, drôle, émouvant. Il met son grand talent de visionnaire au service de la danse, c'est-à-dire du silence et du mouvement. C'est un plaisir, également, de retrouver toute la troupe de Pina — sa famille d'élection — qui nous accueille dans son cercle enchanté.

    Un film éblouissant sur un génie de la danse contemporaine. Dépêchez-vous d'aller le voir…

     

  • L'acte manqué (réussi) de DSK

    images.jpegL'affaire est simple : vous avez un homme riche, brillant, marié à l'une des femmes les plus célèbres de France. Un homme de scène et de pouvoir. Directeur du FMI et grand stratège de la finance mondiale. En outre, le favori des sondages pour l'élection présidentielle française de 2012. Un homme à qui tout réussit…

    Et que fait ce Surhomme ?

    Il se laisse prendre dans une affaire sordide avec la femme de chambre d'un grand hôtel new yorkais ! Noire, pauvre, musulmane pratiquante et sans doute au-dessus de tout soupçon…

    Y a-t-il une raison logique à ce comportement ?

    Certains parlent d'addiction sexuelle, de désir tyrannique, d'« instinct du violeur ». DSK serait un monstre déguisé en représentant de la gauche caviar. Un malade. Un psychopathe. Cela arrange beaucoup de monde, à gauche comme à droite. Même les plus navrants, comme Holenweg ou Brunier. Rien n'est plus faux, bien sûr.

    D'autres parlent de complot, orchestré par on ne sait quel rival satanique. Sarkozy (qui se frotte les mains) ? Ségolène Royal (qui a beaucoup de mal à cacher la joie que lui donnent les images de DSK menotté) ? Marine le Pen (qui savait tout avant tout le monde) ? La CIA ? Feu Ben Laden (paix à ses cendres) ? On le voit : la théorie du complt ne tient pas une seconde…

    A moins que…

    Et s'il ne s'agissait pas d'un complot extérieur ? Si l'ennemi ne venait pas du dehors, mais du dedans ? Autrement dit : et si DSK l'avait fait exprès ? Sans le vouloir, bien sûr. Si quelqu'un, en lui, avait décidé de mettre un terme à cette mascarade? La mascarade du premier de classe, du mari exemplaire, du dirigeant inspiré. Du futur Président. Voilà pourquoi, inconsciemment, il a si bien réussi son acte manqué. « Mon royaume pour une pipe ! » suppliait l'homme qui voulait échapper à la comédie politique. Poser le masque de l'imposteur. Et qui a tout perdu. C'est la moindre des choses.

    Au grand bonheur de son inconscient.