Dans la grisaille politique suisse, le départ de Pascal Couchepin, soigneusement mis en scène par ses conseillers en communication, a fait figure de coup de tonnerre, alors qu'il n'est, au mieux, qu'un non événement. En effet, depuis le temps que tout le monde, à Berne et ailleurs, réclamait la démission du conseiller fédéral valaisan, son départ faisait partie de la logique des choses. Même si, refusant de céder aux pressions, le Roi Couchepin a voulu décider lui-même du moment de partir…
Étrange parcours que celui de cette « bête politique », comme l'appelle la presse spécialisée ! « Une bête » qui a conjugué à la fois la nostalgie impériale (un homme politique, en Suisse, aujourd'hui, a encore du pouvoir) et la nécessité de négocier et de communiquer au mieux pour faire passer ses idées. Le problème de Pascal Imperator, on l'a très vite compris, c'est les autres. Ceux qu'il aime affronter (c'est un homme de combat) et qui, sur presque tous les dossiers, ont eu le dernier mot! Ce n'est pas le moindre paradoxe de la démocratie de voir un homme à idées et à convictions échouer sur (presque) tous les dossiers qui lui ont été confiés.
On connaît ses déboires sur la question de l'AVS, ses déclarations intempestives, les haines qu'elles lui ont valu. Sur ce dossier sensible, de révision en révision, toujours en retard d'un train, Pascal Couchepin a plombé pendant un lustre toute avancée décisive.
Idem sur la question de l'assurance-maladie : naviguant à vue, sans vision à long terme, ayant de la peine à cacher son mépris pour les médecins (ni ses sympathies pour certaines caisses-maladie valaisannes!), il aura non seulement échoué à stabiliser des primes qui prennent l'ascenseur chaque année, mais il se sera mis à dos tous les acteurs du dossier. Et celui (ou celle) qui reprendra le flambeau aura fort à faire pour débloquer les choses !
Autre paradoxe de cet homme de caractère et d'esprit : en tant que responsable de la culture, il aura beaucoup fait pour le cinéma suisse, en soutenant les efforts d'un Nicolas Bideau, par exemple, promu grand manitou du 7ème art. Il fallait le faire et on le félicite. Il aura défendu, également, la liberté d'expression lorsque l'artiste Thomas Hirschhorn aura été attaqué pour les œuvres qu'il exposait au Centre Culturel suisse de Paris. Là encore, bravo! En revanche, grand lecteur devant l'Eternel, citant facilement les poètes et les philosophes, il n'aura rien fait pour le livre, dont la place est chaque jour plus menacée. On connaît la situation difficile (pour ne pas dire plus) des maisons d'édition suisses, les problèmes de diffusion, la disparition dramatique des petites librairies, la question du prix du livre, etc.
Sur ce point, comme sur les autres, le chantier est ouvert, et dans une grande pagaille.
Pourtant, sous ses airs bourrus, Pascal Couchepin aura toujours été un homme sensible, intelligent, subtil, volontaire. Alors que lui a-t-il manqué pour devenir un grand homme politique ? L'humilité, peut-être. Ou, plus simplement, le doute, la remise en question, la vision à long terme. En tous points, le poète Couchepin (inégalable pour son phrasé et sa syntaxe rocailleuse) n'aura jamais été prophète.
On connaît la chanson : si les Suisses s'entendent si bien, c'est parce qu'ils ne se comprennent pas ! Cette légende, qui a longtemps été vraie, est en passe de devenir obsolète. En particulier grâce à la revue
La presse, on le sait, traverse une crise sans précédent : une manne publicitaire qui s'amenuise chaque jour, des lecteurs qui fuient dans toutes les directions (surtout vers l'internet, universel et gratuit), l'augmentation du prix du papier, du transport, des frais de port, etc. Des journaux ont déjà mis la clé sous la porte ; d'autres vont bientôt cesser de paraître. Dans ce contexte, chaque média essaie de draguer le chaland à sa manière, qui parfois est efficace. L'Illustré, par exemple, ratisse large et multiplie les portraits et les interviews. Le Temps, pour sa part, s'est ouvert aux grandes questions de société et de culture, tout en gardant une grande exigence dans le fond, comme la forme, de ses articles.