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Quel avenir pour l'Hebdo?

images.jpegLa presse, on le sait, traverse une crise sans précédent : une manne publicitaire qui s'amenuise chaque jour, des lecteurs qui fuient dans toutes les directions (surtout vers l'internet, universel et gratuit), l'augmentation du prix du papier, du transport,  des frais de port, etc. Des journaux ont déjà mis la clé sous la porte ; d'autres vont bientôt cesser de paraître. Dans ce contexte, chaque média essaie de draguer le chaland à sa manière, qui parfois est efficace. L'Illustré, par exemple, ratisse large et multiplie les portraits et les interviews. Le Temps, pour sa part, s'est ouvert aux grandes questions de société et de culture, tout en gardant une grande exigence dans le fond, comme la forme, de ses articles.

D'autres font peine à voir, tant ils font des efforts désespérés pour suivre un fleuve aux eaux troublées qui les dépasse. L'Hebdo en est l'exemple le plus criant. Fondé il y a des lustres par une équipe de journalistes brillants et audacieux (Jacques Pillet, bien sûr, mais aussi Michel Baettig et quelques autres pointures), il a subi depuis les années 2000 une dérive attristante. Au joyeux bazar instauré par Ariane Dayer, la réd'en chef d'alors, licenciée par Ringier, a succédé l'ordre économique pur et dur d'Alain Jeannet, chantre du libéralisme officiel. L'impression de fourre-tout est la même, à la différence près que l'Hebdo d'aujourd'hui n'a que deux préoccupations : l'argent et les people. Qui sont le plus souvent mêlés ou liés, d'ailleurs, puisque l'idée dominante est que les people sont intéressants parce qu'ils ont de l'argent ; et que l'argent est important parce qu'il produit des people!

Regardez les couvertures de notre hebdomadaire national. Semaine 1 : Comment gagner plus d'argent ? Semaine 2 : Comment payer moins d'impôts ? Semaine 3 : comment gagner encore plus d'argent ? Semaine 4 : comment payer encore moins d'impôts ? Etc.

Quant au contenu, il s'allège chaque semaine, au point de devenir quasi immatériel, à mesure que les préoccupations économiques deviennent obsédantes. Est-ce un paradoxe ? Sans doute pas. On remarque que les rubriques nationale et internationale ont été remplacées par la rubrique « Actuels ». La rubrique économique s'intitule très pédagogiquement « Mieux comprendre ». Quant à la culture, elle a passé purement et simplement par-dessus bord au profit du bazar intitulé « Passions » ! L'Hebdo ne parle plus guère de livres, de films, de disques ou de pièces de théâtre, mais d'icônes (littéraires ou cinématographiques) et de people, bien sûr. Ce qui compte, désormais, c'est l'image, l'interview-choc, les révélations sur la vie privée de quelques VIP autoproclamés, comme Kudelski, Chessex ou l'inénarrable Marie-Hélène Miauton. Ce qui fait de L'Hebdo, désormais, le magazine préféré des coiffeurs, au même titre que Voici, Gala ou Interview.

Sans doute est-là la l'ambition profonde d'Alain Jeannet. Mais ce n'est assurément pas celle des Romands, qui boudent de plus en plus un journal autrefois prestigieux qui a perdu son âme, ou plutôt l'a vendue  aux valeurs dépassées (et nauséabondes) de la finance.

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