« Il y a deux types de littérature, écrivait Georges Bataille. La première, plate et anecdotique, fait la une des gazettes, et se vend bien. La seconde, allégorique et souterraine, fait son chemin dans l'ombre et intéresse les lecteurs à venir. »
On ne saurait mieux définir notre époque qui préfère le plat, le sordide et les mensonges de l'autofiction à la littérature d'invention, la fable, la création d'un monde singulier. Tout se passe comme si, de tous les mouvements littéraires, le réalisme avait définitivement remporté la partie. Il suffit de passer en revue quelques stars de la rentrée française. Dans Les Lisières*, Olivier Adam, nous raconte, pour la énième fois, l'histoire d'un homme abandonné par son épouse, et séparé de ses enfants. Avec force détails et serrements de cœur. L'inénarrable Christine Angot, dans Une semaine de vacances**, nous ressert la resucée de son inceste (une fellation au jambon-beurre) en ne nous épargnant aucun détail. Telle autre, Félicité Herzog***, avec une rage inassouvie, déboulonne la statue de son père, dans un style au plus près du trottoir.
« Le réalisme, disait mon cher professeur Roger Dragonetti, c'est la lèpre de la littérature. » Et cette lèpre, semble-t-il, a gagné aujourd'hui toute la littérature…
De l'autre côté, il y a le poème, la fable, le roman philosophique ou satirique. Cette littérature commence avec Homère et passe (pour aller vite) par Rabelais, La Fontaine, Swift, Voltaire, Nerval et, plus près de nous, Joyce, Kafka, Céline, Kundera, Quignard****, etc. Il s'agit toujours de rendre compte du monde et de ses aberrations, mais en créant un langage singulier. À chaque époque sa langue, me direz-vous. Rien de plus vrai.
Et le romancier (le poète en mouvement) doit inventer la sienne pour provoquer (découvrir, dévoiler) la vérité.
* Olivier Adam, Les Lisières, Flammarion, 2012.
** Christine Angot, Une semaine de vacances, Flammarion, 2012.
*** Félicité Herzog, Un héros, Grasset, 2012.
**** Pascal Quignard, Les désarçonnés, 2012.