Alors que les États-Unis fêtent avec panache leur nouveau président, dans un show très hollywoodien (avec quelques guests stars comme Dustin Hoffman, Leonardo di Caprio, Bruce Springsteen), la Suisse fait son cinéma à Soleure. Bien sûr, cela n'a rien à voir : c'est modeste, discret, plein de rancunes et de rancœurs, d'obscurs metteurs en scène et d'éphémères starlettes. Comme on le rappelle à l'envi, le cinéma suisse a connu ses heures de gloire dans les années 70-80, autour de la brillante équipe des Tanner, Goretta, Soutter et autres Yersin. Depuis, il cherche un second souffle. Et surtout un patron, réclamé cependant par toute la profession. Ce patron a été nommé : il s'agit de Nicolas Bideau, fils de. En quelques années, Bideau a réussi à décupler le budget alloué au cinéma par la Confédération, qui reste le principal pourvoyeur de fonds du 7ème art en Suisse. Il a voulu aussi mettre en place une nouvelle politique du cinéma (réclamée par tous les réalisateurs) en misant sur certains films davantage « grand public » que les films suisses traditionnels. À ce jeu-là, il a connu de belles réussites (Eugen, Vitus, Grounding, Home) et quelques échecs (Max & Co). Plusieurs réalisateurs ont saisi ce prétexte pour réclamer la tête de Nicolas Bideau : trop autoritaire, trop bavard, pas assez suisse. Après avoir supplié qu'on leur donne un père, ils veulent maintenant l'abattre. C'est de bonne guerre. Prisonniers de leur autisme, ils ne veulent pas quitter leur petite marge où ils règnent en maîtres. Vincent Plüss vaut-il mieux que Freddy Murer? Le noir et blanc de Lionel Baier fait-il oublier celui de Tanner ou de Godard? Notre cinéma est-il exportable ou ne doit-il s'adresser qu'à ceux qui le subventionnent? Vastes questions. La grogne qui règne à Soleure montre bien qu'il y a un débat. Tant mieux. C'est la preuve que le cinéma suisse est encore vivant. Mais à force de vouloir tuer le Père (grande gueule comme Jean-Luc), ceux qui mènent la fronde risquent un jour de se retrouver orphelins, sans moyens, sans famille, sans personne à qui adresser leurs jérémiades. Ce jour-là sera vraiment dramatique. Il signera la mort du cinéma suisse.
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La Suisse fait son cinéma
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La TSR peut faire mieux (ter)
Aux dernières nouvelles, nos quatre Genevois des Petits déballages entre amis ont réussi leur coup : avec près de 150'000 spectateurs (soit 28% de taux d'audience), ils ont largement rempli leur contrat. La TSR doit être contente. Et surtout Gilles Marchand qui ne pense que chiffres, taux de pénétration, impact publicitaire, etc.Franchement, cela nous réjouit. Comme est réjouissante l'annonce d'une seconde saison, elle aussi composée de 12 épisodes, qui devrait être tournée l'été prochain en vue de la rentrée 2009. Car on ne le dira jmais assez: c'est un grand plaisir de voir sur le petit écran quelques-uns des meilleurs comédiens de Suisse romande : la lumineuse Barbara Tobola, le fils-à-maman Laurent Deshusses, l'excellent Julien Georges (que l'on peut découvrir, ces jours-ci, dans la très belle Disparition de Suzy Certitude, au Théâtre du Loup, à Genève), la mutine Isabelle Caillat, etc.On se réjouit déjà de retrouver cette joyeuse bande en septembre. Mais, de grâce, que notre TSR engage de vrais dialoguistes, ude vrais scénaristes, des réalisateurs dignes de ce nom! Sans voulolir à tout prix prendre exemple sur ce qui se fait à l'étranger (les séries américaines ont des moyens qui défient toute concurrence), regardons tout de même en France, par exemple. Voilà un pays qui a su remplacer ses séries vieillissantes des années 80 (Julie Lescaut, Navarro, Commissaire Moulin) par de nouvelles séries drôles, vives, ouvertes sur le monde moderne, pleines d'invention. Regardez par exemple Clara Sheller, sur France 2 : c'est enlevé, mordant, plein d'esprit (« dans les relations amoureuses, les hommes empilent et les femmes font disparaître ! »). Non seulement les comédiens sont bons, mais ils s'appuient sur une « bible » solide, les dialoguent sont rebondissent, la réalisation est inventive…Alors, chère TSR, encore un effort! Osez la nouveauté, l'invention, la surprise! Quittez la télé de papa ! C'est très bien de faire appel aux comédiens romands, mais faites appel aussi aux scénaristes, aux écrivains, aux réalisateurs (Bron, Berger, Ursula Meier, etc.) romands! Ces Petits arrangements n'en seront que plus attrayants et réussis!Lien permanent Catégories : all that jazz -
Le comble du vide
À quoi sert l’art contemporain ?
— À rien ! vous répondront, d’une même voix, ses détracteurs et ses thuriféraires.
Pour les premiers, l’art ne sert à rien parce qu’il est inutile, il coûte cher, il ne remplit aucune fonction sociale. C’est à peine s’il procure un semblant de plaisir — et encore est-ce un plaisir rare et honteux. Pour les seconds, l’art ne sert à rien non plus : il est indépendant du monde comme des modes, des marchés financiers, des soucis politiques. Coupé de tout, il évolue désormais en vase clos, se nourrit de ses multiples reflets, jouit de son inanité sonore ou visuelle comme si elle était un gage suprême d’affranchissement.
Il y a vingt ans (voir ici l’article de Jean-Louis Kuffer), Jeff Koons exposait à Lausanne des sérigraphies sur lesquelles on voyait l’artiste éjaculer sur le derrière de sa femme (la fameuse Cicciolina). Cette bagatelle se négociait autour des 50'000 dollars. Ce qui fait cher, vous en conviendrez, la goutte de liqueur séminale…
Aujourd’hui, l’art atteint des sommets dans sa quête du néant. Grâce à Sylvie Fleury et Miguel Barcelo, il touche même au comble du vide. Tout le monde sait (car les meilleures gazettes l’ont rapporté) que la première expose au Mamco de Genève ses shopping bags, ses Dog Toys géants et, sur de splendides présentoirs, des chaussures de marque qu’elle n’a portées qu’une seule fois. « Avec de faux Mondrian en fourrure synthétique, avec des slogans tirés de publicités, sortes de pensées ready-made – BE GOOD, BE BAD, JUST BE ou YES TO ALL qui parodient la série Art as idea as idea de Joseph Kosuth – , Sylvie Fleury crée des ponts entre l’histoire des formes modernistes et le système de la mode » nous explique, fort heureusement, un critique.
Sur l’autre rive du lac, dans le prestigieux Palais des Nations, on a inauguré mardi, en présence de 750 invités (dont le roi Juan Carlos d’Espagne) et en grande pompe, une œuvre qui décore le plafond de la toute nouvelle salle des Droits de l’Homme. Due au talent du célèbre artiste Miguel Barcelo, cette fresque en trois dimensions représente, sous la forme de stalactites de couleur peintes au karcher, le monde dans sa diversité multiculturelle. Pour être d’une rare laideur, l’œuvre n’en a pas moins coûté près de 20 millions d’euros. Son financement ressemble au règlement de la crise des subprimes. Des entreprises privées ont fourni 60% de l’argent. Le reste est sorti du budget du ministère espagnol des affaires étrangères, dont une partie est débitée du compte destiné à l’aide au développement des pays pauvres…
Comme on le voit, le vide n’a pas de prix. Qu’il s’agisse d’escarpins Dior ou de sacs Chanel, de giclures colorées imitant l’intérieur d’une fausse grotte, il se vend bien et a pignon sur rue. Ce qui n’est pas très rassurant…
Peut-être faut-il souhaiter, comme dans le cas des subprimes, une manière de tsunami artistique, comparable à la révolution impressionniste ou aux débuts de l’abstraction, qui ferait table rase de tous les imposteurs et permettrait à l’art (ce qu’il en reste) de rejaillir sous d’autres formes, ailleurs, et sur d’autres bases ?
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