Qui voudrait encore être français, dites-moi, par les temps qui courent ?
Ça a commencé par une chasse à l’homme. Le fugitif s’appelait Depardieu. Gérard, dit Gégé. Ou encore Obélix. On l’a traité de tous les noms : minable, traître à la patrie, salaud. Même les ministres, pour accéder à la notoriété, l’ont traîné dans la boue. Et pourquoi lui ? Pourquoi à ce moment-là ? Parce que la France, comme dit la langue de bois, traverse une crise sans précédent. Chômage, dette extérieure, croissance zéro. Moral dans les chaussettes. Sans doute, François Hollande ne s’attendait-il pas à trouver son pays dans cet état. Le fait est qu’il est au bord du gouffre. À la veille de l’élection présidentielle, Manuel Valls l’avait prédit : « Si on perd, on est mal. Si on gagne, on est mort. »
Quand un pays va mal, c’est bien connu, il faut désigner des coupables. Les exilés fiscaux sont devenus de parfaits boucs émissaires. Impossible de les dénoncer tous : il y en a trop. Des industriels, d’abord, de Guerlain à Jean-Louis David, de Bouygues à Daniel Hechter. Des sportifs, ensuite, de Marion Bartoli à Alain Prost, Monfils, Pioline, Killy, Forget, Alesi. Le plus souvent planqués en Suisse.
Des artistes, enfin, d’Emmanuelle Béart à Johnny, de Patricia Kaas à Daniel Auteuil, sans oublier Marc Lévy et Éric-Emmanuel Schmitt. Comme on voit, rien que du beau monde. Bientôt, il ne restera plus en France qu’un seul chanteur, Michel Sardou, le pire de tous, ce qui n’est pas glorieux !
Cela s’est poursuivi, il y a quelques semaines, avec le grand débat sur « le mariage pour tous ». Pressé par des lobbies puissants, Hollande a lancé le débat, mais à contre cœur, lui qui n’aime pas le mariage et vit avec sa concubine. Et à nouveau, la France s’est embrasée. Pour ou contre, il faut choisir son camp. La logique binaire, toujours. Peut-on critiquer le mariage gay sans être traité, aussitôt, de fasciste ? A-t-on le droit, encore, de poser des questions, sans jeter sur les autres des anathèmes définitifs ? En France, il semblerait que non.
Heureusement, l’Afrique est venue au secours du gentil Hollande. Un conflit oublié qui durait depuis des mois. Des menaces sur le Mali, producteur d’uranium et de pétrole, d’or et de diamant. Ce n’est pas rien. Sans parler du péril islamiste. Il y a toujours des barbus pour lancer une jihad quelque part. Alors, oui, on y va. En fanfare. Cela détourne l’attention des Français de la crise et ça permet, en plus, de faire une bonne action. Au Mali, les enfants font flotter à nouveau le drapeau français. Ouf, l’infâme est repoussé aux confins du désert !
Enfin une bonne nouvelle en ces temps de déprime et de croissance moribonde !
« La politique est un art subtil, écrivait Machiavel, où les hommes prudents savent toujours se faire un mérite des actes auxquels la nécessité les contraint. »
Tous les hommes politiques le répètent : nous n'avons pas le choix. C'est Lui qui fait la loi, Lui qui décide de ce qu'il faut boire ou manger, lire, écouter, apprécier, détester. Il est aveugle et tout-puissant et, pourtant, il ne se trompe jamais. Les livres sont des savonnette
Cécile Brossart et Édouard Stern, l'un comme l'autre, sont tombés dans le piège. Elle, de son enfance en miettes entre une mère dépressive et un père libertin, abusée à 10 ans, quittant l'école à l'adolescence, ne vit que dans l'espoir d'une reconnaissance (qui l'aidera à renaître). Et cette reconnaissance, pour cette femme-enfant, cette « romantique libidinale » (Pascal Bruckner), passe nécessairement par l'amour. Comme par l'argent. D'où le besoin - vital - de monnayer ses faveurs. Non seulement pour gagner sa vie, telle une femme vénale, mais aussi et d'abord pour se sauver. Et lui, de son enfance dorée à Paris, entre un père méprisant et une mère célèbre (c'est la première épouse de Jean-Claude Servan-Schreiber), descendant d'une lignée de banquiers fondée au XIXème à Francfort, grandi dans le silence et le secret, la haine de soi, aspire également - comme Cécile, mais de l'autre côté du miroir - à la reconnaissance. Ses moyens financiers, bien sûr, sont incomparables, et même illimités. Il appartient au gotha de la haute finance. C'est un requin, disent ceux qui l'ont connu, un prédateur qui, à force de raids impitoyables et d'opérations audacieuses, va bâtir la 38e fortune de France. Un homme craint et respecté. Un intouchable.
On comprend mieux, maintenant, ce que ces deux-là faisaient ensemble, la femme-enfant et le requin. Ce qu'ils cherchaient à corps perdu. Et pourquoi ils se sont reconnus.