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  • La littérature romande, et après…

    Depuis un siècle, la littérature romande roupillait. Romans abscons. Rêveries de gardiens de chèvre. Confessions de femmes mûres amoureuses de leur psy. Introspections vaseuses, vaguement inspirées de Paris. Dernières nouvelles de ma dépression (ou comment j’ai raté mon suicide)…

    Bref, tout ce que l’Université, un jour de pluie, avait estampillé « littérature romande » et qui a fait bâiller plus d’un lecteur.

    images-2.jpegHeureusement, ces temps mornes ont vécu. Depuis L’Amour nègre et le succès d’un certain Joël Dicker, les vannes se sont ouvertes. Et, miracle, on s’aperçoit qu’il existe une littérature vivante dans notre pays. Le terreau n’a jamais été aussi riche. Beaucoup de jeunes pousses. Et de grande qualité.

    N’en déplaise aux cuistres, on n’avait jamais vu ça auparavant.

    Chaque rentrée littéraire réserve des surprises. Des bonnes et des mauvaises. Je passerai sur ces dernières, qui sont nombreuses. Mais il y a aussi les bonnes, et les très bonnes même. Je pourrais citer dix noms d’écrivains qui n’ont pas la quarantaine, tous surprenants, tous prometteurs : Antonio Albanese, Anne-Frédérique Rochat, Damien Murith, Isabelle Æschlimann, Max Lobe, Aude Seigne, Laure Chappuis, Fred Valet, Marina Salzmann…

    Mais cette rentrée, à mon avis, est marquée par deux livres qui feront date. D’abord, c’est le premier roman d’un auteur né à Nyon, images-1.jpegAntoine Jaquier (photo de droite), qui raconte la descente aux enfers d’un jeune homme, Jacques, pris dans les rets des paradis artificiels. S’il est terrible, impitoyable même par la précision de ses scènes, Ils sont tous morts* brille aussi par son style, musical, épuré, travaillé comme une symphonie en plusieurs mouvements. Une indéniable réussite.

    Ensuite, bien sûr, il y a Mouron, Quentin de son prénom, l’agaçant surdoué de nos Lettres. Il nous avait bluffés avec son premier livre, Au point d’effusion des égouts, un peu déçu avec le second, qui se passait au Canada. images.jpegAvec La Combustion humaine**, il rue dans les brancards. C’est brillant, drôle, bien enlevé. Le jeune auteur canado-suisse (23 ans !) brosse le portrait d’un éditeur de chez nous, Jacques Vaillant-Morel, subtil mélange de plusieurs personnages bien connus. Cet éditeur, fasciné par la Grande Littérature (Proust), est déçu par l’époque morne et frivole que nous vivons et il peine à cacher le mépris qu’il porte à ses auteurs. Bien sûr, il souffre de n’être pas reconnu à sa juste valeur. On ne sait d’où il vient, ni où il va. On se demande même pourquoi il persiste à éditer des livres. Mais à travers ce personnage désabusé, Mouron dresse un état des lieux sans concession du monde littéraire romand. Ses coquetèles. Ses dames de paroisse affectées. Ses responsables de la culture ignares et fanfarons. C’est très drôle, caustique, bien observé, même si le tout, peut-être, ne fait pas un roman, mais une longue nouvelle. En tout cas, cela vaut le détour.

    La littérature romande — si choyée par les dames patronnesses — est morte. Une autre a vu le jour. Elle est vivante et colorée, drôle, tragique, originale et imaginative.

    Personne ne s’en plaindra.

    * Antoine Jaquier, Ils sont tous morts, roman, L’Âge d’Homme, 2013.

    ** Quentin Mouron, La Combustion humaine, roman, Olivier Morattel éditeur, 2013.

  • Rendez-vous au Rameau d'Or

    jeudi 27 sept-1.jpgComment appelle-t-on la sortie d'un livre ? Vernissage ? Naissance ? Suspension de crémaillère ?

    En tout cas, c'est une fête. Orgie de mots et de vins du terroir…

    Elle aura lieu jeudi soir dès 18 heures à la librairie du Rameau d'Or (17 boulevard Georges-Favon, à Genève) et sera par l'excellente Anne-Catherine Clément, journaliste à radio-Cité, qui mettra à la question trois auteurs de l'Âge d'Homme : l'écrivain (et musicien) lausannois Antonio Albanese, pour Le Roman de Don Juan, Olivier Vanghent pour L'Entresort, et votre serviteur, pour Après l'Orgie, second volet de L'Amour nègre, paru en 2010.

    L'entrée est libre, bien sûr, et les vins délicieux.

  • Littérature morte, littérature vivante

    L'écrivain Georges Bataille disait qu'il y a deux sortes de livres : ceux qui sont mauvais, et qui se vendent beaucoup ; et les autres, qu'il faut aller chercher et mériter, et qui se vendent mal. Sans être aussi moral, je dirais, pour ma part, qu'il y a deux sortes de littérature : la littérature morte et la littérature vivante.

    Deux Prix littéraires, attribués récemment en Suisse romande à Jean-Marc Lovay et à Antonio Albanese, en sont l'illustration.

    images-1.jpegLe Prix Lipp, tout d'abord, créé il y a vingt ans par l'extraordinaire Anton Jaeger, directeur de la Brasserie Lipp de Genève, personnage chaleureux et haut en couleur, hélas décédé. Cette année, après moultes tergiversations, le Prix a été attribué à l'écrivain valaisan Jean-Marc Lovay (né en 1948) pour son dixième roman, Tout là-bas avec Capolino*. Je ne dirai jamais que Lovay écrit de mauvais livres. Je suis incapable d'en juger, n'étant jamais parvenu à en terminer un seul. En revanche, il me semble que ses livres relèvent d'une littérature morte. Autrement dit, d'un mode ancien, désuet, suranné, d'écrire, reposant sur le délire et l'hallucination (dans la proximité d'Henri Michaux, le génie en moins), l'absence d'intrigue, de personnages, de relation au monde réel et à l'histoire, etc. Ceux qui lisent régulièrement des livres auront reconnu les années 70 dans toute leur splendeur. L'âge de glace du Nouveau roman et des théories littéraires. La sublimation du Rien.

    antonio-albanese-copyright-hugues-siegenthaler.jpgFace à Lovay, Antonio Albanese, un jeune auteur lausannois (né en 1970) qui vient de recevoir le prestigieux Prix des Auditeurs de la Première, fait figure de nobody. Pourtant, son premier roman, La Chute de l'Homme**, est un coup de maître. Il raconte les mésaventures d'un personnage, critique d'art et père d'une petite fille de sept ans, fait de chair et de sang qui mène une enquête autour d'un tableau mystérieux, lequel va servir bientôt de miroir à sa propre vie. Le style est vif et dynamique, profond, élégant. L'intrigue est bien menée. L'humour brille à chaque page. Difficile, en tout cas, de lâcher le roman avant d'en avoir découvert la chute, précisèment, qui surprend le lecteur. Bref, un petit miracle de roman, comme tombé du ciel, qui laisse augurer d'une brillante suite.

    * Jean-Marc Lovay, Tout là-bas avec Capolino, Zoé, 2009.

    ** Antonio Albanese, La Chute de l'Homme, l'Âge d'Homme, 2009.