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mouron

  • Les livres de l'année (6) : Jean-Louis Kuffer

    DownloadedFile-1.jpegCette brève plongée dans L’Échappée libre serait très incomplète si je ne mentionnais l’insatiable curiosité de l’auteur, vampire avéré, pour les nouvelles voix de la littérature — et en particulier la littérature romande.

    Même s’il n’est pas le premier à découvrir le talent de Quentin Mouron, il est tout de suite impressionné par cette écriture qui frappe au cœur et aux tripes dans son premier roman Au point d’effusion des égouts*. Oui, c’est un écrivain, dont on peut attendre beaucoup. De même, il vantera bien vite les mérites d’un faux polar, très bien construit, qui connaîtra un certain succès : La Vérité sur l’affaire Harry Québert**, d’un jeune Genevois de 27 ans, Joël Dicker. JLK aime allumer les mèches de bombes à retardement qui parfois font beaucoup de bruit…

    On peut citer encore d’autres auteurs que JLK décrypte et célèbre à sa manière : Jérôme Meizoz, Douna Loup ou encore Max Lobe, extraordinaire conteur des sagas africaines.DownloadedFile-3.jpeg Toujours à l’affût, JLK est le contraire des éteignoirs qui règnent dans la presse romande, prompts à étouffer toute étincelle, tout début d’enthousiasme, et qui sévissent dans Le Temps ou dans les radios publiques. Même s’il se fait traiter de « fainéant » par un journaliste de L’Hebdo (comment peut-on écrire une ânerie pareille ?), JLK demeure la mémoire vivante de la littérature de ce pays, une mémoire sélective, certes, partiale, toujours guidée par sa passion des nouvelles voix, mais une mémoire singulière, jalouse de son indépendante.

    Si cette belle Échappée libre s’ouvrait sur l’évocation du père et de la mère de l’auteur (sans oublier la marraine de Lucerne, berceau de la mémoire) et les retrouvailles émouvantes avec le barbare Dimitri, le livre s’achève sur la venue des anges. Une cohorte d’anges. images-3.jpegCes messagers de bonnes ou de mauvaises nouvelles, incarnés par les écrivains qui comptent, aux yeux de JLK, comme le singulier et intense Philippe Rahmy, « l’ange de verre », dont le dernier livre, Béton armé, qui promène le lecteur dans la ville fascinante de Shanghai, est une grâce.

    Dans ce désir des anges, qui marque de son empreinte la fin de cette lecture du monde, on croise bien sûr Wim Wenders et Peter Falk. On sent l’auteur préoccupé par ce dernier message qu’apporte l’ange pendant son sommeil. Message toujours à déchiffrer. Non pas parce qu’il est crypté ou réservé aux initiés d’une secte, mais parce que nous ne savons pas le lire.

    Lire le monde, dans ses énigmes et sa splendeur, pour le comprendre et le faire partager, telle est l’ambition de JLK. Cela veut dire aussi : trouver sa place et son bonheur non seulement dans les livres (on est très loin, ici, d’une quelconque Tour d’Ivoire), mais dans le monde réel, les temps qui courent, l’amour de sa bonne amie et de ses filles.

    Et les livres, quelquefois, nous aident à trouver notre place…

    L’Échappée libre commence le premier jour de l’an 2008 ; et il s’achève le 30 juin 2013. Évocation des morts au commencement du livre et adresse aux vivants à la fin sous la forme d’une prière à « l’enfant qui  vient ». Cet enfant a le visage malicieux de Declan, fils d’Andonia Dimitrijevic et petit-fils de Vladimir. C’est un enfant porteur de joie — l’ange qu’annonçait la fin du livre. « Tu vas nous apprendre beaucoup, l’enfant, sans t’en douter, Ta joie a été la nôtre, dès ton premier sourire, et mourir sera plus facile de te savoir en vie. »

    Toujours, chez JLK, ce désir de transmettre le feu sacré des livres !

    DownloadedFile-4.jpegChaque livre est une Odyssée qui raconte les déboires et les mille détours d’un homme exilé de chez lui et en quête d’une patrie — qui est la langue. L’Échappée libre explore le monde et le déchiffre comme si c’était un livre. L’auteur part de la Désirade pour mieux y revenir, comme Ulysse, après tant de pérégrinations, retrouve Ithaque.

    Il y a du pèlerin chez JLK, chercheur de sens comme on dit chercheur d’or.Une quête jamais achevée. Un Graal à trouver dans les livres, mais aussi dans le monde dont la beauté nous brûle les yeux à chaque instant. 

    * Quentin Mouron, Au point d'effusion des égouts, Olivier Morattel éditeur, 2012.

    ** Joël Dicker, La Vérité sur l'affaire Harry Québert, de Fallois-l'Âge d'Homme, 2012.

  • La littérature romande, et après…

    Depuis un siècle, la littérature romande roupillait. Romans abscons. Rêveries de gardiens de chèvre. Confessions de femmes mûres amoureuses de leur psy. Introspections vaseuses, vaguement inspirées de Paris. Dernières nouvelles de ma dépression (ou comment j’ai raté mon suicide)…

    Bref, tout ce que l’Université, un jour de pluie, avait estampillé « littérature romande » et qui a fait bâiller plus d’un lecteur.

    images-2.jpegHeureusement, ces temps mornes ont vécu. Depuis L’Amour nègre et le succès d’un certain Joël Dicker, les vannes se sont ouvertes. Et, miracle, on s’aperçoit qu’il existe une littérature vivante dans notre pays. Le terreau n’a jamais été aussi riche. Beaucoup de jeunes pousses. Et de grande qualité.

    N’en déplaise aux cuistres, on n’avait jamais vu ça auparavant.

    Chaque rentrée littéraire réserve des surprises. Des bonnes et des mauvaises. Je passerai sur ces dernières, qui sont nombreuses. Mais il y a aussi les bonnes, et les très bonnes même. Je pourrais citer dix noms d’écrivains qui n’ont pas la quarantaine, tous surprenants, tous prometteurs : Antonio Albanese, Anne-Frédérique Rochat, Damien Murith, Isabelle Æschlimann, Max Lobe, Aude Seigne, Laure Chappuis, Fred Valet, Marina Salzmann…

    Mais cette rentrée, à mon avis, est marquée par deux livres qui feront date. D’abord, c’est le premier roman d’un auteur né à Nyon, images-1.jpegAntoine Jaquier (photo de droite), qui raconte la descente aux enfers d’un jeune homme, Jacques, pris dans les rets des paradis artificiels. S’il est terrible, impitoyable même par la précision de ses scènes, Ils sont tous morts* brille aussi par son style, musical, épuré, travaillé comme une symphonie en plusieurs mouvements. Une indéniable réussite.

    Ensuite, bien sûr, il y a Mouron, Quentin de son prénom, l’agaçant surdoué de nos Lettres. Il nous avait bluffés avec son premier livre, Au point d’effusion des égouts, un peu déçu avec le second, qui se passait au Canada. images.jpegAvec La Combustion humaine**, il rue dans les brancards. C’est brillant, drôle, bien enlevé. Le jeune auteur canado-suisse (23 ans !) brosse le portrait d’un éditeur de chez nous, Jacques Vaillant-Morel, subtil mélange de plusieurs personnages bien connus. Cet éditeur, fasciné par la Grande Littérature (Proust), est déçu par l’époque morne et frivole que nous vivons et il peine à cacher le mépris qu’il porte à ses auteurs. Bien sûr, il souffre de n’être pas reconnu à sa juste valeur. On ne sait d’où il vient, ni où il va. On se demande même pourquoi il persiste à éditer des livres. Mais à travers ce personnage désabusé, Mouron dresse un état des lieux sans concession du monde littéraire romand. Ses coquetèles. Ses dames de paroisse affectées. Ses responsables de la culture ignares et fanfarons. C’est très drôle, caustique, bien observé, même si le tout, peut-être, ne fait pas un roman, mais une longue nouvelle. En tout cas, cela vaut le détour.

    La littérature romande — si choyée par les dames patronnesses — est morte. Une autre a vu le jour. Elle est vivante et colorée, drôle, tragique, originale et imaginative.

    Personne ne s’en plaindra.

    * Antoine Jaquier, Ils sont tous morts, roman, L’Âge d’Homme, 2013.

    ** Quentin Mouron, La Combustion humaine, roman, Olivier Morattel éditeur, 2013.

  • Le projet Parrains-Poulains

    images.jpegLe Projet Parrains&Poulains du Salon du livre et de la
    presse de Genève répond à deux missions: mettre en
    lumière des écrivains romands en début de carrière dont nous estimons qu’ils ont un bel avenir devant eux d’une part, encourager, d’autre part, la transmission entre écrivains.
    L’écrivain est solitaire, par essence. Or, lorsqu’on a choisi de faire de l’écriture une activité essentielle de sa vie d’homme ou de femme, de nombreuses questions se posent: comment concilier vie familiale, vie professionnelle et vie d’artiste? Comment gagner sa vie avec l’écriture? Comment faire face à l’angoisse de la page blanche? Comment être lu? Qui mieux que des écrivains expérimentés, ayant trouvé leurs propres réponses à ces questions, pouvaient faire écho aux
    interrogations profondes de jeunes gens faisant ce pari fou de l’écriture, et parfois démunis devant les difficultés du métier d’écrivain?
    PhotoBlogSalonDuLivreParrainsPoulains.jpgCinq auteurs confirmés, Anne Cuneo, Jean-Louis Kuffer, Jean-Michel Olivier, Amélie Plume et Daniel de Roulet ont accepté de parrainer respectivement Quentin Mouton, Max Lobe, Isabelle Aeschlimann, Anne-Frédérique Rochat et Aude Seigne. Autant de personnalités riches, diverses et fortes qui se sont rencontrées à plusieurs reprises entre janvier et mai 2013, et ont généreusement rédigé pour cette présente publication un texte inédit sur le thème de «Le métier d’écrivain» pour les Parrains et, pour les Poulains, le récit d’une de leur rencontre. Je les remercie pour l’énergie, l’empathie, la curiosité et l’inspiration dont ils ont fait preuve en se prêtant au jeu. Acteur à part entière de la scène culturelle suisse, le Salon du livre et de la presse de Genève est heureux de pouvoir ainsi contribuer à la création littéraire de notre pays.
    Isabelle Falconnier
    Présidente du Salon du livre et de la presse de Genève