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Ecrivain de la comédie romande - Page 288

  • Qui veut gagner des millions?


     
    Ne jetez pas la pierre à Hani Ramadan!
    En recevant 255'000 Frs. d'indemnités, pour solde de tout compte, après avoir touché pendant cinq ans son salaire de fonctionnaire au DIP alors qu'il était suspendu, il a eu le mérite de confirmer aux yeux de la population deux idées largement répandues:
    1) les profs, comme on sait, sont payés — et grassement — pour ne rien faire: la preuve par Hani…
    2) on a le droit, dans notre petite République, de défendre les idées les plus détestables (les femmes infidèles doivent être lapidées ; le sida est une punition divine, etc.). Non seulement, ces idées sont exprimées, diffusées largement par des médias complices, mais, en plus, celui qui les exprime reçoit, en guise de récompense, une assez coquette indemnité…
    Mais ne jetons pas la pierre à Hani. Car, enfin, qu'auriez-vous fait à sa place?
    En se battant pour son honneur (et sa retraite), l'imam suspendu n'a fait, au fond, que défendre logiquement ses droits. Bénéficiant, il est vrai, dans cette ahurissante histoire, de l'efficacité unique de Laurent Moutinot (figure emblématique, avec Martine Brunschwig-Graf, du déclin genevois amorcé dans les années 90)…
    La leçon de cette fable?
    Professez des horreurs, accrochez-vous aux idées les plus archaïques, encouragez vos ouailles à se faire respecter de leur(s) épouse(s) ou à la/les battre sinon à coups de baguette, du moins à coups de brosse à dents — cela peut rapporter gros. Il suffit d'un bon avocat et de quelques ministres à la fois moralistes et incompétents. Cela fera de vous un homme riche et célèbre.
     
     

    Lien permanent Catégories : sin city
  • Ce soir, on rase gratis!

    On sait combien les œuvres des artistes européens (chanteurs, cinéastes, écrivains) ont de la peine à traverser l'Atlantique. L'inverse est vrai aussi, parfois. Ainsi le nom de Stephen Sondheim est-il presque inconnu en Europe. C'est à lui que l'on doit, pourtant, les paroles de West Side Story (musique de Leonard Bernstein) et de nombreuses comédies musicales, dont Follies, Into the Woods, etc. Cette lacune, heureusement, est en passe d'être réparée.
    C'est à Genève, au Théâtre du Loup, que Sondheim fait une entrée fracassante avec la création, en français, de Sweeney Todd, le barbier dément de Fleet Street. 
    À mi-chemin de l'opéra et de la comédie musicale, du tableau de mœurs et du thriller, Sweeney Todd raconte les mésaventures d'un barbier anglais devenu serial killer. L'argument est simple ; il pourrait vite être simpliste ou répétitif (quoi de plus ennuyeux qu'un serial killer?). Mais la musique est inclassable. Le texte admirablement adapté par Alain Perroux, qui signe également la mise en scène du spectacle. Et les voix, surtout, sont magnifiques. Avec une scénographie réduite au minimum, peu d'effets spectaculaires, le spectacle est pourtant endiablé d'un bout à l'autre. Cela tient au livret, bien construit, à la musique toujours surprenante et au jeu des comédiens-chanteurs, tous parfaits dans leur rôle.
    Difficile (et injuste) d'isoler quelques interprètes. Mais disons tout de même que le couple formé par Laure Verbrègue et Philippe Cantor (Mrs Lovett et Sweeny Todd) est magnifique de force et de justesse. Julie Martin du Theil est une Johanna à la fois fragile et déterminée. Quant à Stephan McLeod, il donne au juge Turpin une sévérité teintée d'humour qui le rend tout à fait inquiétant.
    Les fans de Johnny Depp seront surpris(es) de retrouver leur idole incarnant le barbier dément de Fleet Street dans le film que Tim Burton a tiré de Sweeney Todd, et qui sort prochainement.
    En attendant, il faut courir au Théâtre du Loup pour admirer les voix, le texte et la musique de Sondheim, et assister au rituel macabre du barbier de Fleet Street, qui chaque soir rase gratis.
    Jusqu'au 27 janvier 2008 à 20h au Théâtre du Loup,
    chemin de la Gravière, Acacias. 

  • Le mystère Lovay

     Il y a un mystère Jean-Marc Lovay. Personne ne l’a lu et personne, presque, ne le lit. Pourtant, l’écrivain valaisan, qui fête aujourd’hui même — et en grande pompe — son soixantième anniversaire, jouit, dans notre petit pays, d’une renommée inversement proportionnelle à son audience réelle…
    Tout avait très bien commencé avec la publication, en 1970, de sa correspondance avec Maurice Chappaz, La Tentation de l’Orient, son meilleur livre, dans lequel Lovay exprimait magnifiquement sa vocation d’écrivain à son aîné et mentor du Châble. Ensuite, Lovay fit un passage par Paris, où il publia deux romans, Les Régions céréalières (1976) et Le Baluchon maudit (1979). La critique française s’émerveilla de cette écriture à la fois dense et hermétique, comme on est fasciné par un patois bizarre, et incompréhensible. Mais le public, hélas, n’a pas suivi. Et Lovay revint en Suisse, à Carouge plus précisément, où il publie désormais ses romans. Là encore, les premiers sont les meilleurs : Le Convoi du Colonel Fürst, paru en 1985, obtint le Prix Dentan. Excellentes, également, car plus ouvertes sur le monde et plus accessibles, les Conférences aux antipodes parues deux ans plus tard. On y retrouve une plume à la fois alerte et rigoureuse, qui n’égare pas son lecteur en chemin.
    La suite est plus inégale. L’univers si singulier des premiers livres se retrouve bien entendu dans les dernières parutions, mais sous une forme caricaturale. La langue est idiosyncrasique (autrement dit, parlée et comprise par une seule personne). L’écriture autrefois vivace et ouverte sur le monde s’est refermée comme un huître. Peu de lecteurs, même assidus et animés des meilleures intentions du monde, y résistent. En outre, comme toutes les œuvres ayant coupé les ponts avec le réel, la sienne est devenue, au fil des ans, répétitive, et comme fossilisée.
    Mais le mystère Lovay subsiste. À défaut de comprendre ses livres, on interroge fébrilement le personnage, fascinant lui aussi, qui ne s’exprime que par énigmes ou allusions cryptées.
    Qu’importe ! Jean-Marc Lovay fait partie de nos petites mythologies. Alors célébrons, comme les autres, Réverbération, le dernier livre du pâtre valaisan, qui explore, comme les précédents, une écriture aux limites de la folie et du fantastique !
    Jean-Marc Lovay, Réverbération, éditions Zoé, 2008.