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Ecrivain de la comédie romande - Page 286

  • L'archipel Popescu


    Un livre hors norme aura marqué l’année 2007 : La Symphonie du loup de Marius Daniel Popescu. Pourquoi hors norme ? D’abord si l’on sait que son auteur — son nom l’indique — est roumain d’origine, qu’il habite à Lausanne (où il est conducteur de bus) et qu’il écrit en français, sa langue d’adoption. Hors norme, ensuite, parce que cette longue et singulière symphonie échappe à toute classification de genre : c’est à la fois un roman, une confession autobiographique, un témoignage poignant sur les années Ceaucescu et un poème aux accents personnels et bouleversants.
    Impossible, donc, de résumer, cette Symphonie du loup qui déferle comme une vague de mots qui tantôt vous emporte, vous arrache corps et âme, tantôt vous fascine et vous égare, et tantôt (cela arrive quelquefois) vous agace, vous fait demander grâce ! Car le torrent de Popescu est puissant, volcanique, généreux. On sent que dans ce premier livre, l’auteur a tout mis de lui-même, en profusion et en excès. On sent aussi à chaque page qu’il ne triche jamais. Il écrit ce qui doit être écrit, parfois de manière brouillonne ou maladroite. Mais ce long récit recèle des véritables moments de poésie : son évocation de l’enfance, par exemple, ou la description implacable des années communistes. Jean-Louis Kuffer a raison de souligner l’aspect épique de ce texte inclassable, écrit en langue seconde, qui mélange tous les genres, pour entraîner le lecteur dans un vertige sans fin.
    Marius Daniel Popescu, La Symphonie du Loup, roman, éditions José Corti, 2007.

     

  • Le théâtre de Viala

     

    Pour les théâtreux de ma génération, le nom de Michel Viala évoque un univers à la fois singulier et foisonnant. Sans doute le plus grand auteur suisse (romand) des années 70-80. On se souvient de ses pièces cultes, comme Séance (1974), Le Parc (1977) ou encore ce texte au titre magnifique : Par Dieu qu’on me laisse rentrer chez moi (1979). Chacune des créations de Viala constituait, ces années-là, des événements à ne pas manquer. On se souvient aussi de L’Invitation, le chef-d’œuvre de Goretta, qui mettait en scène François Simon, Jean-Luc Bideau, Corinne Coderey et tant d’autres : le scénario et les dialogues étaient signés Viala. On mentionnera enfin les récits de Viala, dont le poignant Jumeau, récit de la vie dramatique du frère de l’auteur, paru en 1996 et qui sera repris, cette année, dans la collection Poche Suisse.
    C’est l’éditeur Bernard Campiche qui a eu l’idée excellente de rassembler tout le théâtre de Viala en deux gros volumes, le premier reprenant les monologues et les pièces à deux personnages ; et le second, les pièces à grande distribution. D’un coup, l’univers âpre et violent de Viala nous revient comme l’essence même du théâtre de ces années de grande liberté créatrice — à des lieues du théâtre politiquement correct d’aujourd’hui. Il faut relire Vacances, par exemple, que Philippe Luscher vient de mettre en scène avec succès à Genève et à Lausanne, ou Est-ce que les fous jouent-ils ? Ils témoignent d’un regard aiguisé sur le monde moderne et d’un souci constant de la vérité du théâtre. Ils témoignent aussi d’un écorchement et d’une blessure que seule la parole, parfois, parvient à soulager. Ils mettent en scène, enfin, des personnages simples et modestes dont l’amour est sans cesse entravé par les vicissitudes de la comédie sociale.
    Michel Viala, Théâtre incomplet, tome 1 et 2, éditions Bernard Campiche, 2007. 

     

  • La critique passe-plats


    zidane chez astérix
    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le dernier Astérix vient de sortir. Pas la BD, bien sûr, qui, depuis la mort du génial René Goscinny, ne crée plus jamais l'événement, malgré le talent d'Albert Uderzo. Non, le FILM. THE MOVIE. Avec tout ce que la France compte de talents de première et seconde zone. En vrac, pour ne froisser personne : Gérard Depardieu, Alain Delon, Clovis Cornillac et même… l'inénarrable Zizou, le roi du coup de boule. dans le rôle de Numérodix…
    Si vous n'avez pas remarqué la sortie du film, c'est que, sans doute, vous n'achetez pas les journaux ou que vous vivez sur une autre planète. Car comment échapper à cette campagne de promotion tous azimuts? Une page entière dans Le Matin dimanche, deux pages dans L'Hebdo, des articles substantiels dans le Temps, la Tdg, TVGuide, et j'en passe… Partout, les mêmes salades, les mêmes interviews creuses, les mêmes anecdotes lues mille fois ailleurs.
    À se demander si les critiques de cinéma lisent les journaux où écrivent leurs collègues…
    Bref, de la pure propagande, sans l'ombre d'une réflexion personnelle. C'est aujourd'hui le rôle de la critique cinématographique : passer les plats, résumer l'histoire, gommer toutes les questions, mettre en valeur le produit promu à force de millions…
    Le drame, dans cette nouvelle économie du cinéma (plus le budget de promotion est important, plus on parle du film dans les médias), ce n'est pas que des milliers de spectateurs aillent voir le dernier Astérix (si seulement c'était le dernier!) qui, après tout, n'est pas pire que la plupart des films français qui sortent dans nos salles. Non, le drame, c'est que les grosses machines comme Astérix occultent les vrais films, les vrais bons films.
    Vous voulez des exemples?
    Alors courez, toutes affaires cessantes, voir le dernier film de Sean Penn, Into the Wild, un pur chef-d'œuvre de par son scénario, ses acteurs, sa musique, ses images. Jean-Louis Kuffer en a largement parlé sur son blog : le film de Sean Penn, d'une pureté absolue de sentiments, d'intelligence artistique, est un des grands films de ce début de millénaire.
    L'autre film à ne pas manquer, c'est le très beau film de Jacob Berger, 1 journée, qui passe actuellement en Suisse romande. Un film qui nous bouleverse avec, là encore, une honnêteté rare, une justesse de ton, un sens magnifique du dialogue et de la mise en scène. Jacob Berger, enfant de Meyrin, filme la ville où il a grandi avec amour et précision, sans jamais tricher, comme seuls les grands réalisateurs savent le faire. Après Aime ton père, qui mettait en scène les Depardieu père et fils, Berger sonde ici un couple qui avance tout au bord de l'abîme, sans s'en rendre compte, en confiant le récit tantôt à la femme, tantôt à l'homme et tantôt à l'enfant. Du grand art.
     

    Lien permanent Catégories : badinage