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Ecrivain de la comédie romande - Page 287

  • Desperate Swiss Housewife

    claude-inga barbey
    La littérature romande a depuis quelque temps sa desperate housewife : Claude-Inga Barbey.
    On ne présente plus la Monique de Bergamote, ni celle qui livre, chaque semaine, ses états d’âme aux auditeurs de la Première. Depuis l’année 2000, Claude-Inga Barbey a écrit des chroniques (Petite dépression centrée sur le jardin), un roman (Le Palais de sucre) et des nouvelles (Le Portrait de Madame Mélo), tous publiés aux éditions d’Autre Part.
    Aujourd’hui, elle nous donne un roman, Les petits arrangements, qui ressemble à une confession déguisée. Claude-Inga Barbey y endosse le rôle de Pénélope, l’épouse délaissée, qui voit son Ulysse partir à l’étranger pour un séminaire dont il ne reviendra pas indemne, ni seul… La trame est simple, son évolution inéluctable. Tout le monde la connaît. Pourtant, en fin de course, contrairement à ce qui se passe chez Homère, Ulysse quittera Pénélope pour une collègue plus jeune qu’elle…
    Construit en résonance avec L’Odyssée, ces Petits arrangements se lisent vite et bien. Ils ne sont pas portés par un grand souffle littéraire, mais témoignent d’une urgence qui touche le lecteur : dire la douleur de l’abandon, la vie qui continue sans l’autre, les mille et un soucis de la vie quotidienne. C’est là, sans doute, que Claude-Inga Barbey excelle : dans l’évocation des tracas ordinaires, des longues lessives déprimantes de la ménagère au foyer, de l’ennui qui la ronge comme un cancer, à l’image de la Susan des Desperate Housewives ou de la Monique de Bergamote.
    Claude-Inga Barbey, Petits arrangements, éditions d'Autre Part, 2007. 


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  • Devine qui vient dîner…

    J’étais, hier soir, sur La Première, invité par Michèle Durand-Vallade, et invitant, à mon tour, l’écrivain tuniso-moudonois Rafik Ben Salah. Autant dire en excellente compagnie…
    Disons-le sans ambages : la radio (romande en particulier) possède sur ses concurrents de la presse écrite d’immenses avantages. Lesquels ? D’abord, ce luxe exorbitant à notre époque de frénésie et d’oubli : elle dispose du temps, une plage de temps, plus ou moins étendue, qu’elle offre à l’invité (vous, moi), et qui est une plage de liberté absolue. Ensuite, elle n’est pas, contrairement à la presse écrite, esclave des contingences économiques : peu de censure (ou d’autocensure), aucun annonceur qui vous dicte sa loi, aucun racolage (pas besoin de pages people à la radio), etc. Enfin, elle offre le contact et la chaleur humaine.
    J’étais donc l’invité, pour un soir, avec mon ami Rafik Ben Salah, de la chaleureuse (et espiègle) Michèle Durand-Vallade. Discussion libre, vive, passionnée (c’est si rare en Suisse romande) au cours de laquelle chacun peut non seulement développer les idées qui lui sont chères, mais également ouvrir son cœur. Ce qui, dans le contexte actuel sinistré de la presse romande, est impossible.
    C’est une grande bouffée d’air, pour un écrivain (et, hier soir, il y en avait deux), de pouvoir parler de son travail, de ses envies, de ses regrets, de ses ambitions. Là où la presse effleure un livre (quand elle ne le passe pas simplement sous silence), la radio prend le temps d’approfondir, de questionner, de retourner le couteau dans la plaie. À ce jeu-là, Michèle Durand-Vallade est experte. Sa chaleur, son écoute, sa vivacité donnent lieu à de passionnants moments de vérité.
    Alors un conseil: éteignez votre télévision ou transformez votre poste en aquarium, et écoutez, quand la nuit tombe, Devine qui vient dîner ce soir ou Drôle d’histoires avec Lolita et Miruna Coca-Cozma : ce sont de vrais moments de bonheur.

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  • Hommage à Anne-Lise Thurler

    anne-lise thurler
    Anne-Lise Thurler nous a quittés, jeudi dernier, à Villeneuve, des suites d'une longue maladie. Elle avait 48 ans. C'était l'auteur d'une œuvre extrêmement prometteuse, au ton personnel et sincère, aux thèmes poignants, à l'écriture  limpide et classique.  
    Lors du dernier Salon de Genève, un livre paru chez Zoé frappa tous les esprits. C’est le très beau et très impitoyable récit qu’Anne-Lise Thurler consacre à son enfance fribourgeoise — et d’abord à sa mère. La Fille au balcon*, c’est son titre, se présente comme une sorte de confession, de lettre ouverte à la mère disparue. Portée par une urgence qu’on devine poignante, Anne-Lise Thurler veut en découdre une dernière fois (mais n’est-ce pas, déjà, le thème plus ou moins caché de tous ses livres précédents ?) avec cette mère aimée et haïe qui n’a cessé de rejeter sa fille, de ne pas la comprendre, de refuser l’amour que celle-ci lui portait. Dans un récit où se mêlent deux voix (l’une s’adresse au lecteur, et l’autre à la mère), Anne-Lise Thurler reconstitue avec une précision terrible le roman familial des Thurler-Valloton, puis certains moments particulièrement douloureux de son enfance, marquée par un père à la fois illustre et absent, et une mère toute-puissante qui ne tardera pas à devenir abusive.
    Mariages déçus, solitude, folie rampante : tel est le lot, semble-t-il, de presque toutes les femmes de cette famille, malheureuses en mariages, fragiles, guettées par la neurasthénie. Cette reconstitution minutieuse est à la fois une recherche de preuves à charge (Anne-Lise instruit le procès de sa mère) et une terrible descente aux enfers. Car, à aucun moment, l’auteur ne triche. La vérité qu’elle traque sans merci risque à tout instant de l’engloutir. Mais avec beaucoup de force, Anne-Lise Thurler mène sa barque jusqu’au bout. Il ne suffit jamais d’exhumer de mauvais souvenirs, de ressasser une enfance malheureuse et l’incompréhension d’une mère dont la faute essentielle est d’être restée à jamais une enfant. Il faut aller plus loin. Vers le pardon, la réconciliation. C’est sur ce sentiment que s’achève son livre qui a la force d’un exorcisme. Un très grand livre.
    Anne-Lise Thurler, La Fille au balcon, éditions Zoé, 2007.

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