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Ecrivain de la comédie romande - Page 261

  • La TSR peut faire mieux (ter)

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    Aux dernières nouvelles, nos quatre Genevois des Petits déballages entre amis ont réussi leur coup : avec près de 150'000 spectateurs (soit 28% de taux d'audience), ils ont largement rempli leur contrat. La TSR doit être contente. Et surtout Gilles Marchand qui ne pense que chiffres, taux de pénétration, impact publicitaire, etc.
    Franchement, cela nous réjouit. Comme est réjouissante l'annonce d'une seconde saison, elle aussi composée de 12 épisodes, qui devrait être tournée l'été prochain en vue de la rentrée 2009. Car on ne le dira jmais assez: c'est un grand plaisir de voir sur le petit écran quelques-uns des meilleurs comédiens de Suisse romande : la lumineuse Barbara Tobola, le fils-à-maman Laurent Deshusses, l'excellent Julien Georges (que l'on peut découvrir, ces jours-ci, dans la très belle Disparition de Suzy Certitude, au Théâtre du Loup, à Genève), la mutine Isabelle Caillat, etc.
    On se réjouit déjà de retrouver cette joyeuse bande en septembre. Mais, de grâce, que notre TSR engage de vrais dialoguistes, ude vrais scénaristes, des réalisateurs dignes de ce nom! Sans voulolir à tout prix prendre exemple sur ce qui se fait à l'étranger (les séries américaines ont des moyens qui défient toute concurrence), regardons tout de même en France, par exemple. Voilà un pays qui a su remplacer ses séries vieillissantes des années 80 (Julie Lescaut, Navarro, Commissaire Moulin) par de nouvelles séries drôles, vives, ouvertes sur le monde moderne, pleines d'invention. Regardez par exemple Clara Sheller, sur France 2 : c'est enlevé, mordant, plein d'esprit (« dans les relations amoureuses, les hommes empilent et les femmes font disparaître ! »). Non seulement les comédiens sont bons, mais ils s'appuient sur une « bible » solide, les dialoguent sont rebondissent, la réalisation est inventive…
    Alors, chère TSR, encore un effort! Osez la nouveauté, l'invention, la surprise! Quittez la télé de papa ! C'est très bien de faire appel aux comédiens romands, mais faites appel aussi aux scénaristes, aux écrivains, aux réalisateurs (Bron, Berger, Ursula Meier, etc.) romands! Ces Petits arrangements n'en seront que plus attrayants et réussis!
     

  • Nouvelles rencontres au Rameau d'Or

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    Ne cherchez plus : le rendez-vous à ne pas manquer, c'est aujourd'hui, lmercredi 26 novembre, dès 17 heures, à la librairie du Rameau d'Or, 17 Bd. Georges-Favon, 1204 Genève !
    À cette occasion,  une belle brochette d'écrivain(e)s suisses présenteront leur dernier livre, et seront heureux de vous le dédicacer…
    Ariane Laroux, à qui l'on doit les Portraits parlés de grandes personnalités comme Georges Haldas, Nicolas Bouvier, la Dalaï Lama, Michael Gorbatchov, publie Déjeuners chez Germaine Tillion, une série d'entretiens illustrés par sa plume.
    Laurence Chauvy, auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles, signera ses Messagères.
    À cette occasion, le comédien Jean-Luc Bideau lira des extraits de la pièce d'Eduard Bass, Les onze de Klapzuba, une très belle fable sur le football-roi.
    Last but not least. la genevoise (d'adoption) Barbara Polla signera son dernier livre, un très beau récit autobiographique, intitulé À toi bien sûr, qui interroge les rapports complexes entre une mère et sa fille.
    Pour vous mettre l'eau à la bouche…
     
    v978-2-8251-3908-0_1.gifVoici un livre étrange et envoûtant : la femme qui écrit s’avance ici sans masque, un miroir à la main. Ce miroir, elle le tend à sa mère, qui porte le même prénom qu’elle, Barbara, pour arracher au temps quelques images, des souvenirs d’enfance, des sensations qu’elle croyait oubliées, mais qui surgissent, brusquement, sous le regard de la mère. Séquence après séquence, grâce au miroir magique, Barbara sort de l’ombre, renaît une seconde fois, en 1922, avec des yeux vairons qui lui donnent, tout de suite, la conscience d’être unique. Celle qui suivait son père partout, aimait à se cacher sous les tables, avait peur de l’orage comme du feu, adorait chanter en famille et dessiner, cette Barbara-là voulait être médecin. Au fil des pages, sa figure ressurgit, sous la plume de sa fille, avec une précision mêlée de tendresse et de fascination.
    Mais ce miroir, le plus souvent tendu vers la mère adorée, la femme qui écrit le retourne également vers elle-même, dans un jeu de reflets vertigineux. Ainsi chaque confidence en amène-t-elle une autre : il suffit que Barbara (mère) évoque ses premières amours pour que Barbara (fille) évoque les siennes, étrangement semblables. De même pour l’amour de la langue, mais cette fois aux antipodes l’une de l’autre : alors que Barbara (fille) ressent, sur les bancs de l’école, un formidable sentiment de puissance quand elle écrit, Barbara mère avoue n’avoir jamais été « une héroïne du verbe. »
    Ce jeu de miroir, constante oscillation entre passé et présent, entre mère et fille, donne le vertige. L’image et son reflet — tantôt disjoints, tantôt superposés — ébranle nos certitudes et nous oblige à nous poser cette question : qui, des deux Barbara, est la mère de l’autre ? Est-ce la première, native de Linde, qui a vraiment donné naissance à l’autre ? Ou la seconde, médecin bien connu à Genève, écrivain et galeriste, qui, grâce à l’écriture, a engendré la première ?
    Procédant, comme en peinture, par petites touches successives, ce portrait tout en facettes n'évite aucun sujet, et ne triche jamais. Ainsi, sur le chapitre de la sexualité, apprend-on que la mère, comme plus tard sa fille, a connu des désirs précoces, une curiosité vive pour les hommes, frère,  camarades de classe, maîtres d'école, que la vie ne fera qu'exacerber. L'une aura des amants ; l'autre sucera longtemps son pouce, délicieux expédient sexuel. Nul exhibitionnisme dans ces aveux impudiques, mais le désir, toujours, de saisir au plus près une vérité intime et dérobée.
    Même émotion, mélange de surprise et d'effroi, quand la petite fille, ignorante des menstruations, découvre toute seule, au grenier, ces torchons pliés que les femmes, à l'époque, portaient comme une sorte de ceinture, quand elles avaient leurs règles. « La peau comme le lait et les joues comme le sang. Naissance, puberté, maternité. Le lait et le sang. Blanche Neige et Rose Rouge. »
    La mère voulait être médecin, comme la fille, mais pour d'autres raisons. Elle sera d'abord jeune fille au pair, c'est-à-dire servante, puis « bonne à tout faire ». Les temps sont difficiles. C'est la Seconde Guerre mondiale. Une mystérieuse maladie la sauvera de ses tâches humiliantes. C'est pendant sa convalescence qu'elle découvre la poésie : Verlaine, Rimbaud, la modernité en peinture et en littérature : sa vocation d'artiste-peintre. Une vraie révolution. Puis elle rencontrera Otto, « cet esthète colossal », qui tombera amoureux d'elle et qu'elle épousera bientôt. Un amour né sous le signe de la beauté, car « l'esthétique est une nécessité, une éthique de vie, une discipline, un chemin. » Est-ce un hasard si, là encore, sans y avoir jamais été forcée, la fille placera elle aussi sa vie sous le signe de l'esthétique, animant une galerie de peinture contemporaine et créant, à Genève, un institut de beauté ?
    La vie que nous révèle Barbara Polla — celle de sa mère inextricablement liée à la sienne — est une vie faite d'émerveillements. Merveille de la nature, des fleurs sauvages et des herbes folles, des bêtes qui peuplent le jardin de Choulex quand elle peint. Merveille des livres qui peu à peu envahissent la maison : Hugo, Balzac, Colette, les écrivains contemporains, une fois de plus. Pour elle, tout est source de surprise et de joie, d'émotion, de découverte. Chaque instant vécu, chaque nouvelle expérience élargit l'horizon. Celle qui, jusqu'à la fin, « voulait vivre dans la vie », aura vécu une vie merveilleuse et, en tous points, unique.
    « À moi le silence, dit la mère ; à toi la parole ».
    Cette douce injonction, dernière volonté maternelle, Barbara Polla, sa fille, va y répondre à sa manière, par l'écriture, en démêlant les fils si compliqués de la filiation. Tâche impossible : comment séparer, à jamais, les deux Barbara? La fille, ici, le dit très bien : ce n'est pas la mort qui marque une séparation définitive, mais la naissance, bien plus brutale que la mort. « Séparation de corps. De corps et de bien — alors que la mort n'est qu'une simple transformation. » Cette impossible séparation, la narratrice va tout de même en rendre compte dans ce récit qui ressemble souvent à un dialogue : une conversation intime, par delà le silence et la mort, entre une mère et sa fille.
    A toi bien sûr : le titre s'adresse à la mère, à qui le livre est dédié. Mais il s'adresse aussi à chaque lecteur (toi, moi) en l'invitant à renouer, à sa manière, le fil interrompu d'une relation qui passe autant par la chair que par l'esprit, par les gestes que par les mots.
    Des mots qui triomphent, ici, des tracas de la vie, du silence et du scandale de la mort.

    Jean-Michel Olivier
     
     

  • Le comble du vide

    images.jpegÀ quoi sert l’art contemporain ?
    — À rien ! vous répondront, d’une même voix, ses détracteurs et ses thuriféraires.
    Pour les premiers, l’art ne sert à rien parce qu’il est inutile, il coûte cher, il ne remplit aucune fonction sociale. C’est à peine s’il procure un semblant de plaisir — et encore est-ce un plaisir rare et honteux. Pour les seconds, l’art ne sert à rien non plus : il est indépendant du monde comme des modes, des marchés financiers, des soucis politiques. Coupé de tout, il évolue désormais en vase clos, se nourrit de ses multiples reflets, jouit de son inanité sonore ou visuelle comme si elle était un gage suprême d’affranchissement.
    Il y a vingt ans (voir ici l’article de Jean-Louis Kuffer), Jeff Koons exposait à Lausanne des sérigraphies sur lesquelles on voyait l’artiste éjaculer sur le derrière de sa femme (la fameuse Cicciolina). Cette bagatelle se négociait autour des 50'000 dollars. Ce qui fait cher, vous en conviendrez, la goutte de liqueur séminale…
    Aujourd’hui, l’art atteint des sommets dans sa quête du néant. Grâce à Sylvie Fleury et Miguel Barcelo, il touche même au comble du vide. Tout le monde sait (car les meilleures gazettes l’ont rapporté) que la première expose au Mamco de Genève ses shopping bags, ses Dog Toys géants et, sur de splendides présentoirs, des chaussures de marque qu’elle n’a portées qu’une seule fois. « Avec de faux Mondrian en fourrure synthétique, avec des slogans tirés de publicités, sortes de pensées ready-made – BE GOOD, BE BAD, JUST BE ou YES TO ALL qui parodient la série Art as idea as idea de Joseph Kosuth  – , Sylvie Fleury crée des ponts entre l’histoire des formes modernistes et le système de la mode » nous explique, fort heureusement, un critique.
    5716a71.jpgSur l’autre rive du lac, dans le prestigieux Palais des Nations, on a inauguré mardi, en présence de 750 invités (dont le roi Juan Carlos d’Espagne) et en grande pompe, une œuvre qui décore le plafond de la toute nouvelle salle des Droits de l’Homme. Due au talent du célèbre artiste Miguel Barcelo, cette fresque en trois dimensions représente, sous la forme de stalactites de couleur peintes au karcher, le monde dans sa diversité multiculturelle. Pour être d’une rare laideur, l’œuvre n’en a pas moins coûté près de 20 millions d’euros. Son financement ressemble au règlement de la crise des subprimes. Des entreprises privées ont fourni 60% de l’argent. Le reste est sorti du budget du ministère espagnol des affaires étrangères, dont une partie est débitée du compte destiné à l’aide au développement des pays pauvres…
    Comme on le voit, le vide n’a pas de prix. Qu’il s’agisse d’escarpins Dior ou de sacs Chanel, de giclures colorées imitant l’intérieur d’une fausse grotte, il se vend bien et a pignon sur rue. Ce qui n’est pas très rassurant…
    Peut-être faut-il souhaiter, comme dans le cas des subprimes, une manière de tsunami artistique, comparable à la révolution impressionniste ou aux débuts de l’abstraction, qui ferait table rase de tous les imposteurs et permettrait à l’art (ce qu’il en reste) de rejaillir sous d’autres formes, ailleurs, et sur d’autres bases ?