Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ecrivain de la comédie romande - Page 213

  • Adam (6)

    DownloadedFile.jpeg

    Mon bonheur, c’est le foot. Le football est un sport universel. Même les sauvages peuvent y jouer. On organise des matches dans l’allée de palmiers. Parfois avec un vrai ballon de cuir qui va vite et qui est difficile à maîtriser. Un cadeau des soldats qui viennent faire la fête au village. Mais ce ballon n’a pas la vie très longue. Dès le premier match, il crève en heurtant l’épine d’un arbuste. Ou un chacal l’emporte dans sa gueule. Alors on fabrique une balle grossière avec une pelote de résine séchée ou des feuilles de bananier. Cette balle est parfaite. Ni trop rapide, ni trop petite. On joue pieds nus, dans la poussière de la corniche. Même à midi, sous le soleil, on ne connaît pas la fatigue. Je joue à tous les postes, tantôt gardien de but, tantôt défenseur et tantôt attaquant. La joie est la même partout. Quand on arrête un penalty, quand on fait une passe décisive ou quand on marque un but. On ne fait pas souvent trembler les filets, parce qu’on n’a pas de filets, mais des pierres qui marquent les poteaux. On s’écorche les pieds sur les cailloux. On râle comme des hyènes. On se bat jusqu’au bout pour gagner. Le soir, on est couvert de poussière et de sang et on va se baigner dans la mer. Les filles viennent nous taquiner. On oublie de revenir au village.

  • Adam (5)

    DownloadedFile.jpeg

    La nuit, dans la forêt profonde, on entend le tam-tam des négresses qui astiquent le bambou des nègres.

    « Tapez ! Tapez plus fort ! Plus vous taperez, plus mon ventre se chargera d’ondes électriques… Tapez, tapez ! »

    Encore aujourd’hui, mon sommeil est rythmé par les cris, les coups sur les tam-tams, la magie de cette musique nègre.

    J’ai toujours aimé le mot nègre. Il a une longue histoire de crimes, de joies et de douleurs, d’abjection. C’est une musique ancienne à mes oreilles. La couleur de la nuit et de l’encre, des passions clandestines. La couleur de l’amour. L’amour nègre, évidemment. Certains l’aboient comme une insulte. Ce n’est pas de leur faute. Ils ont été dressés pour ça. Mais il y a de la fierté, sur cette terre, à être un nègre. On est toujours le nègre de quelqu’un, n’est-ce pas ? L’inconnu. L’esclave ou le valet. Le travailleur au noir.

    C’est ainsi que l’homme blanc a toujours essayé de nommer l’autre, son cousin éloigné. Pour mieux le dominer. Le frère qui ne lui ressemble pas. Qui n’est pas blond, ni blanc de peau, qui n’est pas gai, comme lui, ni optimiste, qui n’a pas toujours le cœur pur.
  • Adam (4)

    DownloadedFile.jpeg Enfant, je dors dans la maison des Reines au centre du village, mais la journée je suis en compagnie des hommes. C’est une horde sans police où les tâches sont réparties librement entre les sexes. Dans la maison des hommes, on pratique chaque année les rites d’initiation des garçons. Vers cinq ans, l’ancêtre des Parrains, d’un geste brusque et précis, doit casser le nez de l’enfant, scellant ainsi son appartenance au clan. À douze ans, le jeune homme est emmené dans la case des Femmes où, l’une après l’autre, elles lui apprennent l’art de l’amour sur la natte.