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Ecrivain de la comédie romande - Page 216

  • La comète Federer

    9FMu_LQm4B8J.jpegQue dire encore sur Roger Federer ? Toujours la même chose : ce n'est pas le plus fort, certes, mais c'est simplement le meilleur.

    Comme Martina Hingis, il y a quelques années, avec les « déménageuses » du tennis féminin, il a su dominer les gros bras d'aujourd'hui (Nadal, Del Potro, Murray) et l'armada des lifteurs de fond de court qui rendent une partie de tennis aussi passionnante qu'un débat politique sur la TSR. Disons-le sans ambages et avec fierté : Federer a tout pour lui. D'abord, ce qui est assez normal, il possède à la perfection tous les coups du tennis (croyez-en l'expérience de quelqu'un qui n'a jamais réussi à frapper un revers de sa vie !). Techniquement, Federer est parfait. Il sait défendre comme il sait attaquer. Il est le roi du lob, comme le prince de l'amortie. Son service est un modèle du genre, puissant, rapide, précis, et illisible pour la plupart de ses adversaires.

    Mais la technique, bien sûr, n'est pas tout. Regardez-le jouer : Federer est tantôt le roseau qui ploie sous les coups forcenés d'un adversaire teigneux et revanchard, mais ne rompt jamais, tantôt la biche aux pieds agiles qui vient finir en beauté le point au filet. Il encaisse tous les coups. On dirait que le vent, le soleil ou le public hostile n'ont pas d'effet sur lui. Il est fort comme un roc : c'est bien un monolithe. Une étoile filante.

    À l'heure où la Suisse, par les bêtises réitérées de son gouvernement, se ridiculise à l'étranger, Federer montre la voie à suivre. Souplesse du corps. Élégance des gestes. Intelligence suprême du jeu. Le jour où la Suisse aura des politiques (et des banquiers) à la hauteur de ce prince des courts, elle deviendra assûrément un grand pays !

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  • For Blondesen only

    Pour mon ami Blondesen, un extrait (inédit) de mon prochain roman. En lui souhaitant un prompt rétablissement…

    Appelez-moi Adam.

    Je suis né en Afrique, il y a longtemps, dans un petit village coincé entre la mer et un volcan éteint. Mon père était petit et redouté. Il avait dix épouses et une kyrielle d’enfants. C’était le seul et le meilleur moyen qu’il avait trouvé pour ne pas travailler. Il passait ses journées sous l’aloès avec une calebasse remplie de vin de palme à rêver d’évasion ou de massacre. Le soir, il titubait d’une case à l’autre et distribuait des volées de bambou.

    Malheur à celui qui croisait son chemin !

    À cette époque, notre village comptait une centaine d'âmes (je ne parle pas des morts, bien plus nombreux que les vivants). Il était adossé, au nord, au flanc d'un volcan souffreteux, et dominait une longue crête boisée qu'il fallait traverser pour arriver au fleuve, le plus souvent à sec. Les cases étaient des huttes de terre rouge au toit de chaume. Elles dessinaient une sorte de colimaçon: au centre, se trouvaient les cases des femmes, tandis que les hommes occupaient toute la périphérie, elle-même protégée par une double haie d'épieux tranchants.

    Une piste rudimentaire reliait le village à la ville de Blondie, distante de cinquante kilomètres. De temps à autre, une jeep l'empruntait. Elle s'arrêtait au centre du village, dans un nuage de poussière. Des militaires en descendaient, le fusil sur l'épaule, le visage luisant de transpiration. Ils allaient dans la case de mon père. Les Reines leur apportaient à boire et à manger. Les plus jeunes, parfumées au soumaré, les cheveux ornés de perles multicolores, restaient dans la case jusqu'au soir. Moi et les autres on collait notre oreille aux fenêtres. On entendait des cris bizarres, des couinements de chauve-souris. Le soir tombait. Comme on éloigne les mouches à merde, les Reines nous chassaient avec des touffes d'ortie. Enfin, les militaires sortaient, le fusil à la main, l'uniforme débraillé. Ils remontaient dans leur vieille land-rover, les yeux brillants, emmenant avec eux d'autres femmes du village. La voiture repartait comme elle était venue, dans un bruit effroyable de pistons. On revoyait rarement les femmes aux épaules garnies de chapelets de soumaré. Mais on avait la paix pendant des lunes.

    D'autres jours, c'était un car de touristes aux yeux rougis par la chaleur, aux reins cassés par la mauvaise route, qui se garait devant les palissades. Ils ne restaient jamais longtemps. Les femmes s'éventaient nerveusement et les hommes prenaient des photos. Parfois ils nous donnaient du bubble-gum ; plus rarement des pièces de monnaie. Mon père en profitait pour vendre ses vieux trophées : ses défenses d'éléphant, ses gris-gris, ses peaux de crocodile.

    Les gens venaient nous voir par petits groupes ou en troupeaux comme une curiosité. Dans leur regard, il y avait de la fascination, un peu de peur, beaucoup de nostalgie. C’était la nostalgie des temps anciens, la vie sauvage et libre, la communion avec Mère nature — toutes ces conneries. Ce n’est pas nous qu’ils regardaient, la larme à l’œil, mais eux-mêmes en état d’enfance. Ils contemplaient avec tendresse ce qu’ils avaient été, il y a très longtemps, des singes nus, avant que le train de l’histoire, qu’ils appellent civilisation, ne les emmène définitivement du bon côté du monde, sous des climats paisibles, à l’abri du soleil et du besoin. Sous la nostalgie subsistait la peur que cet enfant grandisse et réclame un jour ce qu’on lui avait pris. La peur diffuse qu’on quitte notre village, en hordes bruyantes et bigarrées, qu’on prenne la route du nord et qu’on débarque un jour chez eux, dans leur village, comme ils débarquaient chez nous.

  • Le pire et le meilleur à la télé

    Curieuse coïncidence : les deux émissions passent le même jour, et presque en même temps. La première s’appelle Tard pour Bar : c’est tous les jeudis vers 22h30 sur la TSR. La seconde s’appelle La Grande Librairie : c’est également le jeudi, mais plus tôt, vers 20h35 sur France 5. Avec ces deux émissions, qui prétendent toutes deux présenter l’actualité culturelle et littéraire, la télévision nous propose, chaque semaine, le pire et le meilleur.

    images-1.jpegLe pire, tout d’abord. C’est Tard pour Bar sur la TSR. Nous assistons, jeudi après jeudi, au même débat futile réunissant des invités parfaitement interchangeables venus donner la réplique à un animateur qui ne manque pas une occasion d’étaler son inculture et de ramener sa fraise. La vedette, c’est lui, bien sûr, Michel Zendali. Les livres ? Il ne les lit pas (cela pourrait influencer son jugement). Le théâtre ? Il n’y va pas (ce n’est pas très gai). Quant au reste, l’« actualité culturelle », il en délègue la responsabilité à une charmante jeune femme, Ushanga, qui a deux minutes chaque semaine, montre en main, pour la présenter à l’écran. La seule séquence originale de l’émission est constituée par un micro-trottoir réalisé quelque part en Suisse romande avec quiproquos, double sens et clins d’œil tout à fait savoureux. Mais rien, bien sûr, sur l’actualité du livre, les expositions, les concerts. En un mot : la création en Suisse romande (les créateurs sont rarement invités à Tard pour Bar)

    images-2.jpegLe meilleur, maintenant. C’est donc tous les jeudis sur France 5 à partir de 20h30. Cela s’appelle La Grande Librairie et c’est animé par François Busnel, un ancien journaliste du magazine Lire. Intelligent, subtil, compétent (il a lu tous les livres dont il parle) et surtout doué d’un sens de l’accueil et de l’écoute tout à fait inconnu chez son concurrent culturel (qui ne songe qu’à couper la parole à ses invités et à se mettre en évidence). Et que propose donc Busnel ? Chaque semaine, c’est un feu d’artifice. Excusez du peu : il a fait venir l’écrivain américain Paul Auster pour un entretien exclusif (et en français !) de deux heures ! De même avec James Ellroy. Il est allé rendre visite à Philip Roth à New York. Il a bien sûr convié à son émission Jacques Chessex, Pascal Quignard, Laure Adler, Amélie Nothomb, etc. Par exemple, sa dernière émission réunissait Marie Darrieussecq, Jean-Jacques Schuhl et Philippe Sollers. Plateau exceptionnel qui a ravi non seulement les amateurs de livres, mais aussi ceux qui aiment les rencontres (et les dialogues) au sommet. François Busnel aime les livres et les écrivain(e)s. Cela se voit et cela s’entend. Il aime les rencontres et les débats. Il est à la fois humble et compétent, heureux surtout de recevoir ses invités.

    Alors ce soir, n’hésitez pas, rejoignez tous La Grande Librairie : l’une des rares émissions littéraires que propose la télévision. C’est en effet sur ce plateau, à partir de 20h30, tous les jeudis, que cela se passe.