La nuit, dans la forêt profonde, on entend le tam-tam des négresses qui astiquent le bambou des nègres.
« Tapez ! Tapez plus fort ! Plus vous taperez, plus mon ventre se chargera d’ondes électriques… Tapez, tapez ! »
Encore aujourd’hui, mon sommeil est rythmé par les cris, les coups sur les tam-tams, la magie de cette musique nègre.
J’ai toujours aimé le mot nègre. Il a une longue histoire de crimes, de joies et de douleurs, d’abjection. C’est une musique ancienne à mes oreilles. La couleur de la nuit et de l’encre, des passions clandestines. La couleur de l’amour. L’amour nègre, évidemment. Certains l’aboient comme une insulte. Ce n’est pas de leur faute. Ils ont été dressés pour ça. Mais il y a de la fierté, sur cette terre, à être un nègre. On est toujours le nègre de quelqu’un, n’est-ce pas ? L’inconnu. L’esclave ou le valet. Le travailleur au noir.
C’est ainsi que l’homme blanc a toujours essayé de nommer l’autre, son cousin éloigné. Pour mieux le dominer. Le frère qui ne lui ressemble pas. Qui n’est pas blond, ni blanc de peau, qui n’est pas gai, comme lui, ni optimiste, qui n’a pas toujours le cœur pur.