Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ecrivain de la comédie romande - Page 178

  • La vie est une combat

    images.jpegLa vie est un combat. Le cinéma américain ne cesse de nous le rappeler. Le plus souvent, la boxe est la métaphore de ce combat. Cela donne Rocky (1, 2, 3…), Hurricane, et surtout Raging Bull, le chef-d'œuvre de Scorsese. Difficile à surpasser. Alors, en allant voir The Fighter, le dernier film de David O. Russel, je m'attendais à suivre l'itinéraire somme toute assez banal du boxeur d'origine pauvre qui parvient, grâce à son sport et sa ténacité, à sortir de sa condition et à être reconnu pour son talent. Sa pugnacité.

    En bien, The Fighter parle de tout autre chose, au fond. Bien sûr, c'est aussi l'histoire édifiante d'un boxeur qui, après avoir connu moultes humiliations, parvient enfin à réaliser son rêve : devenir professionnel et, pourquoi pas, champion du monde. La boxe est bien le prétexte et l'arrière-plan du film. Mais The Fighter est d'abord un film extraordinaire sur une famille recomposée qui vit le rêve américain comme une névrose. Pour réaliser son rêve, Micky (émouvant Mark Wahlberg) doit d'abord affronter son frère, ex-boxeur devenu addict au crack (extraordinaire Christian Bale, Oscar du meilleur second rôle), puis affronter sa mère (terrible Melissa Leo), mégère peroxydée qui règne sur sa tribu comme une mante religieuse. Sans parler de ses innombrables sœurs, infernal gynécée…

    images-1.jpegLa vie est un combat, certes. Contre soi-même, contre la société. Contre sa famille, d'abord. Il faut tuer son frère, dont l'ombre envahissante menace à chaque instant de vous engloutir. Il faut s'arracher aux griffes de sa mère qui préférera toujours son frère junkie parce qu'ainsi, shooté à mort, il n'échappe pas à sa toute-puissance castratrice . Oui, The Fighter est un film œdipien. Pour advenir à soi-même, il faut d'abord tuer les autres. Ceux qui sont le plus proches. Dans le film, Micky y parvient grâce à Charlene (délicieuse Amy Adams) qui l'aide à rompre les amarres.

    La boxe est l'archétype du rêve américain. Mais c'est aussi la métaphore de l'écriture, de la peinture, de la musique. Pour écrire, il faut tuer beaucoup de monde. Il faut se battre contre soi-même, contre sa famille, contre la société. Kafka l'a très bien dit : « La société ne veut pas que j'écrive. Mais moi je le dois. » Il faut une discipline spartiate (pourquoi écrire quand on pourrait aller se promener, je vous le demande ?). Des arrangements familiaux (comment écrire quand les enfants jouent dans l'appartement ?!). Une résistance farouche à la pensée dominante (pourquoi écrire, ou peindre, ou faire de la musique, quand il y a des choses tellement plus importantes à faire ?).

    Courage, les amis ! The Fighter montre que le rêve est possible. Il suffit de se battre…

  • Marcher, écrire (Daniel de Roulet)

    images-11.jpeg

    C’est un petit livre intrigant et savoureux que Daniel de Roulet nous donne avec L’Envol du marcheur.* Il s’agit d’un de journal de bord tenu pendant près de trois semaines au cours d’un périple qui l’a conduit à pied de Paris à Bâle. Pourquoi ce défi ? Parce qu’un autre Suisse, en mai 1966, avait inauguré ce parcours. Il s’appelait Kübler. Sa fille avait été la femme de Boris Vian et lui-même venait de perdre sa femme. De son voyage, il avait fait un livre, illustré de ses croquis, que de Roulet reçut un jour de sa mère.

    Lire la suite

  • Germain Clavien : une vie en poésie

    images-2.jpeg

    C’est un livre grave et léger, plein de sagesse et d’expérience, d’émerveillements et de questions, que le dernier ouvrage de Germain Clavien, poète, chroniqueur et auteur de cette longue Lettre à l’imaginaire, dont le vingtième volume, En 2003, Rouvre, a paru en 2008.

    Notre vie* se présente comme une sorte de journal de bord poétique qui s’étend sur une année, d’avril 2009 à avril 2010. Il suit le rythme du soleil et des saisons. Il est plein de bruit et de fureur, de colères, de révoltes, de bonheurs indicibles. Son titre, déjà, est un programme : il s’agit de surprendre la vie qui vient et qui s’en va, avec son cortège de douleurs et de découvertes, de hasards heureux, et d'insondables mélancolies. Une vie entière en poésie : De ce qui me tient à cœur/ Et oriente ma vie/J’ai retenu le meilleur/ Et l’ai mis en poésie. On suit le poète sur le chemin de la nature, accompagné de ses animaux tutélaires, le lézard, l’écureuil, le rossignol, en proie aux questions  lancinantes : pour qui, pourquoi vivons-nous ? Quel est le sens de notre bref passage sur terre ? C’est dans la nature que le poète retrouve la source de sa parole. « Un poème au matin/ Éclaire une journée » écrivait le philosophe Gaston Bachelard. Clavien s’inspire de cet adage pour creuser la nature et les mots. Chercher l’image juste, le rythme qui colle à l’image, la musique qui donne élan et beauté à la phrase. On retrouve chez lui l’obsession de Livre de Mallarmé : le poète a pour mission de dire la nature et les hommes dans un Livre qui les cernerait au plus près, les contiendrait entièrement. Et ce désir du Livre est d’autant plus profond, chez Clavien, que la mort fait planer son ombre menaçante. « La mort on l’apprivoise/ Mais comment dire adieu/ À de telles merveilles/ Sans que le cœur se serre… »

    Il y a urgence, une fois encore, à dire le monde comme il va, ou ne va pas.

    images-1.jpegCette vie en poésie, Clavien nous le rappelle à chaque instant, c’est notre vie. Comme le monde plein de violence et d’injustices qui nous entoure est notre monde. Non pas un monde tombé du ciel ou venu de nulle part. Mais le monde que les hommes ont façonné à leur image. Un monde souvent déchiré par les guerres ou pollué par les bruits de moteurs (Clavien dédie même un poème aux tristes F/A 18  de l’armée suisse !). Oui, cette terre est celle des hommes. Nous n’en avons pas d’autre. Comme les mots du poète qui la chante sont les nôtres, assurément. Des mots simples et forts, directs et justes. Des mots remplis de sève et d’émotion qui traquent la vie dans ce qu’elle a de plus intense et de plus mystérieux.

    Notre vie est un magnifique chant d’amour, mais aussi un chant d’adieu, qui restera dans nos mémoires.

    * Germain Clavien, Notre vie, poèmes, Poche Suisse, L’Âge d’Homme, 2010.