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cartes postales

  • Cartes postales (15) : Carthage

    images-14.jpegDerrière les dunes, au pied de l'antique citadelle, la plage est oubliée. Des couples de baigneurs sommeillent dans la lumière éparse. Un vent tiède et salé balaie le sable en tourbillons. Comme des vers luisants, des pêcheurs au flambeau glissent le long des côtes. Un homme marche à travers les roseaux. Il se fraie un chemin vers la mer. Judith est restée à l'hôtel. Simon l'a quittée le cœur libre, abandonné, radieux dans la lumière mourante. Il traverse un éperon de roches jaunâtres. Il s'assied. Son corps prend peu à peu la chaleur des pierres. Il est en embuscade, il ne sait pas ce qu'il attend.

    Immobile, ténébreuse, une femme se tient devant la mer immense. D'une voix monocorde, elle fredonne une vieille chanson de marinier. Elle redresse la tête, lui lance un regard de défi. Elle s'agenouille pour baigner son visage. Elle porte une combinaison de plongée sous-marine, un masque rouge et noir, un long trident d'argent. Sous le nylon lustré on devine ses seins durs. Elle s'avance jusqu'à l'eau qui lentement, inexorablement, l'engloutit toute entière.

    Alors, sans hésiter, il se jette dans le vide...

     

  • Cartes postales (13) : Cyanée

    images-12.jpegAu crépuscule, l'île apparaît enfin, pleine d'arbustes étranges, ondoyants, ébouriffés. Leurs tiges frêles, hautes de deux mètres, arborent à leur sommet des touffes de fils verts, longs, minces et souples comme des cheveux d'enfants.

    Ici, à force de silence, les hommes sont devenus des plantes jetées dans l'eau des sources par quelque dieu vengeur et facétieux.

    Ce roseau frémissant, plein de murmures filés et mystérieux, qui ploie sous le vent d'est sans jamais se briser, gardien de la pensée des morts, les paysans d'ici l'appellent la parruca : le papyrus de Cyanée.

  • Cartes postales (14) : la Goulette

    images-13.jpegA l'aube, on quitte le port de Trapani, longue jetée grise et bitumeuse, sur un paquebot branlant qui met le cap sur la haute mer. Les plus intrépides restent sur le pont, à regarder la terre qui s'éloigne. Les autres passagers, terrés à fond de cale, somnolent vaguement, le visage défait, cherchant à conjurer la houle inexorable qui gagne leurs entrailles. On ne voit plus les côtes de Sicile. On n'aperçoit pas encore le rivage africain.

    Miracle du passage de la rive perdue à la rive espérée, réinventée à chaque fois qu'on traverse la mer. Quelques heures plus tard, dans les coursives, sur l'entrepont, dans les petits salons miteux, règne une étrange agitation. Chacun quitte sa cabine, s'enfuit sur le pont supérieur. Au loin, on aperçoit le port de la Goulette. Tunis à la grâce ombrageuse. Si l'on ferme les yeux, la première chose que l'on perçoit, tandis que le bateau rejoint la terre aride, c'est un parfum inoubliable : les grappes blanches du jasmin.