Derrière les dunes, au pied de l'antique citadelle, la plage est oubliée. Des couples de baigneurs sommeillent dans la lumière éparse. Un vent tiède et salé balaie le sable en tourbillons. Comme des vers luisants, des pêcheurs au flambeau glissent le long des côtes. Un homme marche à travers les roseaux. Il se fraie un chemin vers la mer. Judith est restée à l'hôtel. Simon l'a quittée le cœur libre, abandonné, radieux dans la lumière mourante. Il traverse un éperon de roches jaunâtres. Il s'assied. Son corps prend peu à peu la chaleur des pierres. Il est en embuscade, il ne sait pas ce qu'il attend.
Immobile, ténébreuse, une femme se tient devant la mer immense. D'une voix monocorde, elle fredonne une vieille chanson de marinier. Elle redresse la tête, lui lance un regard de défi. Elle s'agenouille pour baigner son visage. Elle porte une combinaison de plongée sous-marine, un masque rouge et noir, un long trident d'argent. Sous le nylon lustré on devine ses seins durs. Elle s'avance jusqu'à l'eau qui lentement, inexorablement, l'engloutit toute entière.
Alors, sans hésiter, il se jette dans le vide...
Au crépuscule, l'île apparaît enfin, pleine d'arbustes étranges, ondoyants, ébouriffés. Leurs tiges frêles, hautes de deux mètres, arborent à leur sommet des touffes de fils verts, longs, minces et souples comme des cheveux d'enfants.
A l'aube, on quitte le port de Trapani, longue jetée grise et bitumeuse, sur un paquebot branlant qui met le cap sur la haute mer. Les plus intrépides restent sur le pont, à regarder la terre qui s'éloigne. Les autres passagers, terrés à fond de cale, somnolent vaguement, le visage défait, cherchant à conjurer la houle inexorable qui gagne leurs entrailles. On ne voit plus les côtes de Sicile. On n'aperçoit pas encore le rivage africain.