Depuis dix ans, le Festival de Cannes, autrefois haut lieu du cinéma, ressemble de plus en plus à « Visions du réel »! Ce ne sont plus les grands films mythiques qui sont primés, mais des œuvres à mi-chemin entre le reality-show et le documentaire. On pense ici aux films des frères Dardenne, monuments de malhonnêteté misérabiliste, ou au film primé cette année, « Entre les murs » du Français Laurent Cantet, qui met en scène des élèves du lycée jouant leur propre rôle, comme leur professeur de français. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le triomphe du politiquement correct…
Alors, si vous allez au cinéma, ne ratez surtout pas un autre film français (eh oui, il y a de bons films français!), sélectionné lui aussi à Cannes, mais qui n'a eu, grâce à Catherine Deneuve, qu'une récompense subsidiaire. C'est le dernier film d'Arnaud Desplechin, intitulé « Un Conte de Noël ». On ne raconte pas un film de Desplechin, qui met en pratique les fameuses règles du théâtre de situation de Sartre. Qu'est-ce qu'un film? Des acteurs, un texte, des situations. « Un conte de Noël » met en scène une famille déchirée, déchirante, qui se retrouve, pour une fois au complet, dans la maison paternelle, pour un réveillon pas comme les autres. Toute cette famille porte en secret le deuil d'un petit frère mort, et l'angoisse d'une mère qui vient d'apprendre qu'elle souffre du même mal que son fils. La mère est l'admirable Catherine Deneuve. Les fils sont l'excellent Melvil Poupaud et le génial Mathieu Amalric (sans doute le meilleur comédien français actuel). Anne Consigny, qui joue la sœur des deux précédents (on pense, ici, à Marie Desplechin, la romancière, sœur d'Arnaud), Jean-Paul Roussillon, le père aimant et débonnaire, et Chiara Mastroianni, qui trouve ici son premier rôle important, sont magnifiques, eux aussi, de justesse et de générosité.
Tout le film tourne autour de ça: les liens du sang, le mal et la maladie, le bon sang et le mauvais sang. Servi par des dialogues à couper le souffle et une direction d'acteurs magnifique, « Un conte de Noël » vous empoigne à la gorge et ne vous lâche plus jusqu'à la dernière image — et même au-delà, car on en rêve la nuit!
Alors oubliez Indiana Jones ou les palmes périssables de Cannes, et allez voir « Un Conte de Noël », un très grand film.
*À Genève, au cinéma Scala.
Enfin, ils sont arrivés, ces fameux comices !
Notre époque aime beaucoup les anniversaires : en les fêtant, elle se donne l’illusion d’avancer dans l’Histoire, tout en célébrant l’éternel retour du même. Ainsi, ces jours derniers (car l’anniversaire est toujours fêté en avance, pour court-circuiter la concurrence médiatique) de Mai 68, célébré, autopsié, momifié, dans presque tous les magazines…
Ce qui me frappe, dans ces réactions, c’est que la plupart d’entre elles émanent de personnalités qui n’ont pas vécu elles-mêmes les fameux événements ! À l’époque, Jean Romain avait 15 ans, Pascal Décaillet 10 et Nicolas Sarkozy 13. Autant dire qu’ils sont, tous les trois, de lointains spectateurs d’un séisme auquel ils n’ont ni participé, ni assisté en personne. Peut-être est-ce pour cela qu’ils veulent liquider, d’une même voix, le joli mois de mai. Et son héritage qui — même ses adversaires le reconnaissent — englobe à la fois, le suffrage féminin, la libération sexuelle, la prise en compte des droits des minorités, la révolution télévisuelle, la création de nouveaux média (comme le quotidien Libération) et tant d’autres choses…