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badinage - Page 6

  • Du Cannes, pur sucre!

    Depuis dix ans, le Festival de Cannes, autrefois haut lieu du cinéma, ressemble de plus en plus à « Visions du réel »! Ce ne sont plus les grands films mythiques qui sont primés, mais des œuvres à mi-chemin entre le reality-show et le documentaire. On pense ici aux films des frères Dardenne, monuments de malhonnêteté misérabiliste, ou au film primé cette année, « Entre les murs » du Français Laurent Cantet, qui met en scène des élèves du lycée jouant leur propre rôle, comme leur professeur de français. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le triomphe du politiquement correct…
    Alors, si vous allez au cinéma, ne ratez surtout pas un autre film français (eh oui, il y a de bons films français!), sélectionné lui aussi à Cannes, mais qui n'a eu, grâce à Catherine Deneuve, qu'une récompense subsidiaire. C'est le dernier film d'Arnaud Desplechin, intitulé « Un Conte de Noël ». On ne raconte pas un film de Desplechin, qui met en pratique les fameuses règles du théâtre de situation de Sartre. Qu'est-ce qu'un film? Des acteurs, un texte, des situations. « Un conte de Noël » met en scène une famille déchirée, déchirante, qui se retrouve, pour une fois au complet, dans la maison paternelle, pour un réveillon pas comme les autres. Toute cette famille porte en secret le deuil d'un petit frère mort, et l'angoisse d'une mère qui vient d'apprendre qu'elle souffre du même mal que son fils. La mère est l'admirable Catherine Deneuve. Les fils sont l'excellent Melvil Poupaud et le génial Mathieu Amalric (sans doute le meilleur comédien français actuel). Anne Consigny, qui joue la sœur des deux précédents (on pense, ici, à Marie Desplechin, la romancière, sœur d'Arnaud), Jean-Paul Roussillon, le père aimant et débonnaire, et Chiara Mastroianni, qui trouve ici son premier rôle important, sont magnifiques, eux aussi, de justesse et de générosité.
    Tout le film tourne autour de ça: les liens du sang, le mal et la maladie, le bon sang et le mauvais sang. Servi par des dialogues à couper le souffle et une direction d'acteurs magnifique, « Un conte de Noël » vous empoigne à la gorge et ne vous lâche plus jusqu'à la dernière image — et même au-delà, car on en rêve la nuit! 
    Alors oubliez Indiana Jones ou les palmes périssables de Cannes, et allez voir « Un Conte de Noël », un très grand film.
    *À Genève, au cinéma Scala. 

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  • Les comices littéraires

    97690832.jpgEnfin, ils sont arrivés, ces fameux comices !
    Avec leur lot de Prix, de Distinctions, de médailles du Mérite littéraire…
    La grande foire d'empoigne de Palexpo a commencé. Elle durera cinq jours. Les quotidiens se sont mis sur leur trente-et-un pour publier force suppléments et pages spéciales, eux qui ne parlent de littérature que du bout des lèvres, ou en se pinçant le nez. Grâce à Dieu, on y retrouve toujours les mêmes têtes. Ce qui est rassurant. Les grandes stars parisiennes sont venues faire du tourisme en province, avant de reprendre le TGV ou de passer la nuit au Richemond. Les acteurs à belle gueule, comme Richard Bohringer, se prennent pour des poètes. Alexandre Jardin vient faire sa tournée de popotes. Katherine Pancol, un peu plus empâtée chaque année, vient parler d'amour aux lectrices éplorées des magazines féminins. Un peu plus loin, Boris Becker signe ses raquettes. Là bas, l'imam Ramadan dédicace sa nouvelle traduction du Coran. L'ex-porno star Ovidie, qui se lance dans la littérature pour enfants, exhibe ses tatouages. Alors qu'au stand voisin, Rocco Sifredi dédicace ses livres avec son bel organe. Au stand de l'Illustré, Elisabeth Tessier, repeinte à neuf, vient vanter ses salades. Martina Chyba, baskets roses et lunettes d'adolescente, essaye de faire croire qu'elle est un écrivain.
    Et les journalistes, ces pauvres diables, ne seront pas en reste. L'un devra animer un débat sur la critique littéraire, l'autre une rencontre autour des écrivains gastronomes, le troisième devra se taper Ueli Leuenberger ou Christophe Darbellay (ou pire: les deux à la fois). Un autre, là-bas, animera une dictée. Quant à celui-là, il distribuera un cadeau à tous ceux qui contractent un nouvel abonnement de hebdomadaire favori…
    Dans ce grand carnaval, pourtant, il y a des écrivains. Ils ne font pas la une des journaux. Ils ne couchent pas avec leur fille. Ils n'insultent pas (toujours) la police quand ils sont pris de boisson (ils n'intéressent donc pas les journalistes du Temps). Ils se content d'écrire. Ce qui, ma foi, est une haute ambition, et une tâche souvent ardue.
    Alors, chers lecteurs, si vous voulez rencontrer des écrivains, des vrais, non des intermittents de la plume ou des touristes de passage, venez au stand des éditions Zoé, des éditions de l'Aire, des éditions Bernard Campiche, des éditions de l'Âge d'Homme!
    Venez rencontrer Georges Haldas, Pierre Béguin, Alain Bagnoud, Mickael Perruchoud, Patrice Duret, Eric Eigenmann, Jean Vuilleumier, Michel Floquet, Serge Bimpage, Olivier Chiachiari, Isabelle Fluekiger, Catherine Lovey, votre serviteur, et tant d'autres…
    L'apéro est gratuit! 
     

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  • Mai 68: les nostalgiques et les allergiques

    110549764.gifNotre époque aime beaucoup les anniversaires : en les fêtant, elle se donne l’illusion d’avancer dans l’Histoire, tout en célébrant l’éternel retour du même. Ainsi, ces jours derniers (car l’anniversaire est toujours fêté en avance, pour court-circuiter la concurrence médiatique) de Mai 68, célébré, autopsié, momifié, dans presque tous les magazines…
    Inutile de citer les numéros spéciaux, ni les innombrables publications que cet événement a suscités (dont un essai sur le football en 68 !). Relevons simplement que la supplément édité par la Tribune de Genève, samedi 26 avril, richement documenté, figure parmi les meilleurs essais de compréhension de cette petite — mais fulgurante — révolution.
    Face à « Mai 68 », il y a deux types de réactions : les nostalgiques et les allergiques. D’un côté, donc, ceux qui regrettent cette période si mouvementée de notre histoire récente, et pleurent des larmes de crocodile sur les pavés qui volaient dans les rues (Bernard Ziegler, Daniel Cohn-Bendit). De l’autre, les allergiques (Nicolas Sarkozy, Pascal Décaillet, Jean Romain) qui vilipendent cette période troublée, où toutes les règles en vigueur ont été malmenées, et parlent même de « catastrophe ».
    831105932.gifCe qui me frappe, dans ces réactions, c’est que la plupart d’entre elles émanent de personnalités qui n’ont pas vécu elles-mêmes les fameux événements ! À l’époque, Jean Romain avait 15 ans, Pascal Décaillet 10 et Nicolas Sarkozy 13. Autant dire qu’ils sont, tous les trois, de lointains spectateurs d’un séisme auquel ils n’ont ni participé, ni assisté en personne. Peut-être est-ce pour cela qu’ils veulent liquider, d’une même voix, le joli mois de mai. Et son héritage qui — même ses adversaires le reconnaissent — englobe à la fois, le suffrage féminin, la libération sexuelle, la prise en compte des droits des minorités, la révolution télévisuelle, la création de nouveaux média (comme le quotidien Libération) et tant d’autres choses…
    Pourquoi donc ce rejet ? Parce qu’ils n’y étaient pas…
    Sans entrer dans le débat, passionnant, des progressistes et des réactionnaires, relevons simplement que les vrais nostalgiques ne sont peut-être pas ceux qu’on croit. On sent chez Décaillet, comme chez Jean Romain, ce rejet d’une vague qui a emporté tout le monde, et les a laissés, bougonnants, nostalgiques, sur l’autre rive de l’Histoire. Et comme on sait, celle-ci ne se répète jamais, ni ne revient en arrière…
    C’est pourquoi il faut goûter, sans nostalgie, mais à sa juste valeur, ce doux parfum de liberté que nous promet, comme chaque année, le joli mois de mai !

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