L'avantage des écrivains, c'est de vivre leur vie à l'endroit et à l'envers, comme Benjamin Button (voir chronique précédente), ici et ailleurs, autrefois et maintenant. En même temps. Philippe Sollers nous le rappelle dans son dernier roman, Les voyageurs du temps*. Par l'écriture, mais aussi la lecture, nous faisons l'expérience d'un temps sans limites. Nous voyageons avec Montaigne dans les campagnes bordelaises, nous pleurons avec lui la mort de ses enfants, nous passons de Virgile à Houellebecq, de Quignard à Pline le Jeune, de Racine à Chiacchiari, de Laclos à Sagan, de Duras à Melville, de Dostoïevski à Haldas… Nous parcourons le temps dans tous les sens, à notre rythme et selon notre bon plaisir. Nous avons vécu l'avenir (pas si radieux que ça. au fond) et nous vivrons notre passé, qui est toujours à découvrir.
Comme Benjamin Button, je suis venu au monde comme un vieillard, riche de toutes les expériences, et je mourrai comme un nouveau-né, aussi naïf et ingénu qu'au premier jour…
Il y a, dans la lecture, une expérience proprement paradisiaque: nous pouvons retrouver, à notre guise, tous les visages que nous avons aimés, et qui sont là, à portée de la main, dans ces petits volumes de papier qu'on peut souvent glisser dans notre poche. Au coin d'une rue, à Paris, mais aussi à Lisbonne ou à Lausanne, à Londres ou à New York, Sollers fait des rencontres surprenantes. Il n'est jamais dépaysé : ce sont des connaissances de longue date. Mais quel bonheur de rencontrer Rimbaud, à 17 ans, alors qu'il invente les plus beaux poèmes de la langue française. Ou Isidore Ducasse, dit le Comte de Lautréamont, qui s'isole dans son alcôve pour scander les strophes des Chants de Maldoror! Et Pessoa, qui se confond avec son ombre, sur cette petite place de Lisbonne embaumée de grands acacias en fleurs… Et Casanova, figure tutélaire de Sollers, qui saute dans une gondole pour s'enfuir de Venise…
Il faut lire ce faux roman, sans intrigue ni suspense, comme une magnifique promenade littéraire à travers les lieux et les époques, les visages, les siècles, les grandes ombres du passé. La promenade n'est pas finie. Elle se poursuit de livre en livre, toujours à inventer. Comme il n'a pas de commencement, le temps n'a pas de fin non plus. À nous de l'explorer à notre guise…
Oui, faisons la fête à tous ces voyageurs, promeneurs immobiles, solitaires, insatiables chercheurs de l'or du temps…
* Philippe Sollers, Les voyageurs du temps, roman, Gallimard, 2008.
Hollywood a fait son cinéma, dans la nuit de dimanche à lundi, et distribué ses oscars. Rires et larmes. Cris de rage. Déceptions. Polémique. Rien que de très habituel. Pour un peu, on se serait cru aux Journées du cinéma suisse de Soleure! Manquait juste Nicolas Bideau…
Impayables, les socialistes genevois! Alors que le monde traverse une crise (financière, mais aussi politique et sociale) sans précédent, alors que Genève a besoin de personalités fortes et compétentes, ils choisissent, une fois de plus, le compromis, la pseudo-parité, l'éloge du juste de milieu. « Soyons médiocres ! » semble être leur mot d'ordre. Pourtant, samedi, lors de la désignation du ticket socialiste pour le futur Conseil d'État, les membres du PS avaient le choix. Quatre candidats pour un poste : Mmes Rielle-Fehlmann, Torracinta-Emery et Pürro et M. Tornare. Sur le papier, déjà, la lutte était inégale. Tout s'est avéré joué d'avance. L'intrigue, les complots souterrains, l'alliance des pleutres et des vélléitaires, la mesquinerie, les revanchards ont fait le reste. Le choix final s'est porté sur deux noms, qui ne font la paire que sur les photos. Charles Beer, donc, malgré un bilan désastreux (qui va s'alourdir encore dans les mois qui viennent) et Véronique Pürro, déjà éjectée une fois des joutes électorales, sont les deux dindons de la farce.