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cate blanchett

  • Un film vertigineux

    images.jpeg Hollywood a fait son cinéma, dans la nuit de dimanche à lundi, et distribué ses oscars. Rires et larmes.  Cris de rage. Déceptions. Polémique. Rien que de très habituel. Pour un peu, on se serait cru aux Journées du cinéma suisse de Soleure! Manquait juste Nicolas Bideau…

    Le beau film de Danny Boyle, Slumdog millionnaire, a presque tout raflé. Au détriment de l'autre grand favori, L'étrange histoire de Benjamin Button, avec Brad Pitt et Cate Blanchett, qui n'a eu que des miettes. Certains ont crié à l'infamie et à la trahison. D'autres ont parlé de « pornographie de la misère » à propos du film de Boyle qui, comme on l'a dit ici, se passe pour l'essentiel dans les bidonvilles de Bombay. Les critiques de cinéma aiment toujours à s'échauffer pour rien…

    Mais revenons au perdant et disons-le tout net: il faut aller voir cette Etrange histoire de Benjamin Button, réalisé par David Fincher, qui est un film admirable. D'abord par le scénario, impeccable, tiré d'une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald. Preuve qu'un grand film repose toujours sur un grand scénario. Et que le meilleur scénariste et dialoguiste est encore un écrivain! Si seulement les cinéastes français (et romands) pouvaient s'en inspirer ! Ensuite par l'interprétation de Brad Pitt, acteur convenable, sans plus, transfiguré ici par son rôle de BB, vivant sa vie à l'envers, vieillard à la naissance et nouveau-né au moment de mourir. Que dire aussi de Cate Blanchett qui illumine l'écran à chacune de ses apparitions, joue juste et bien, confère une bouleversante profondeur à son personnage de danseuse, vivant, pour sa part, une vie à l'endroit. Par la réalisation, enfin, à la fois souple et nette, rythmée et surprenante, de David Fincher, qui donne là son plus beau film.

    Mais l'histoire, me direz-vous, n'est-elle pas un peu fort de café? Ce destin à l'envers, ce vieillard vagissant, ce bébé qui meurt à 80 ans, qui peut vraiment y croire?

    Eh bien, si le film met du temps à déployer ses sortilèges, figurez-vous qu'on y croit. C'est la magie du cinéma américain,qui nous fait souvent avaler les plus grosses couleuvres. Ce destin renversé, renversant, cette vie qui commence par la fin, nous fait réfléchir au sens du temps. Il ébranle nos bonnes vieilles habitudes de pensée, nous qui sommes captifs du temps des horloges, linéaire, régulier, implacable. Or ce temps des horloges n'est qu'une convention humaine comme une autre (la monnaie, le calendrier, etc). Arbitraire, artificielle. Sans doute calqué sur le rythme biologique de l'homme qui va de sa naissance à sa mort. Or il existe un autre temps. Des autres temps. Le film nous invite à les explorer. Comme il nous invite à nous interroger sur les temps parallèles, synchrones ou séparés. Vivons-nous tous le même instant en même temps? Chacun ne vit-il pas sa propre temporalité? Sommes-nous d'ailleurs toujours synchrones avec nous-mêmes?

    La scène la plus vertigineuse du film advient quand les deux protagonistes, Brad et Cate, qui se sont croisés plusieurs fois sans jamais se rencontrer vraiment, s'aperçoivent qu'ils ont presque le même âge. Mais que cet instant magique, unique, ne va pas durer. Et que le temps lui-même va les séparer, irrémédiablement, puisque Benjamin va rajeunir, tandis que Daisy prendra chaque jour quelques nouvelles rides. L'amour n'est pas synchrone, même s'il est réciproque. Une faille, toujours, creuse le temps, qui n'a pas la même valeur pour chacun d'entre nous. C'est peut-être pour cette raison que nous ne savons pas aimer comme nous aimerions aimer…

    * L'Étrange histoire de Benjamin Button, de David Fincher, avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Julia Ormond.  Actuellement dans les salles de Suisse romande.