Louise Anne Bouchard est née à Montréal et vit en Suisse depuis douze ans. Photographe de formation, scénariste et dialoguiste de films, elle publie, tous les deux ans, de brefs romans convulsifs et déroutants. On se souvient des Sans-soleil, paru en 1999, qui retraçait dans une langue inimitable l'arrivée, dans un petit village valaisan, d'une étrangère aussi étrange qu'irréductible. Roman des rapports amoureux, de l'ouverture (ou de la fermeture) à l'autre, des bouleversements progressifs d'hommes et de femmes en proie à la passion…
L'étrange et l'étranger se retrouvent dans le dernier livre de Louise Anne Bouchard. Et d'abord dans le titre, Vai piano, en italien, qui signifie “ va lentement ”. Dans le thème, ensuite, puisque le roman raconte le voyage en Sicile d'une belle étrangère qui va tomber dans les bras (ou plutôt les filets) d'un médecin de Taormina. L'histoire serait banale sans la présence, constante et clandestine, du mari défunt qui suit son ex pas à pas, jour après jour, et surtout nuit après nuit. Mort et enterré, pourtant, le mari n'a de cesse d'espionner sa femme, à qui il s'adresse continuellement, dans une sorte de lettre ouverte adressée à celle qu'il a perdue, mais qu'il continue de maîtriser et de manipuler d'outre-tombe.
Tout, chez Louise Anne Bouchard, est affaire de regards et de mots. Regard d'une incroyable cruauté, parfois, qui transperce les apparences, refuse les faux-semblants, fait éclater au fil des pages une vérité qui tantôt dérange (mais il ne faut pas tomber dans le piège de cette provocation), et tantôt éclaire d'une lumière nouvelle les relations amoureuses (car chaque roman de Louise Anne Bouchard est le récit d'une passion extrême, vécue jusqu'à son paroxysme). Langage d'une grande inventivité, ensuite, d'une musique nerveuse, d'une cadence régulière, preuve d'une grande maîtrise de la langue. Quand les regards et les mots se confondent, ou plutôt se répondent, cela donne un feu d'artifice. Un vrai régal !
* Louise Anne Bouchard, Vai piano, roman, l'Âge d'Homme, 2001.
On ne présente plus Michèle Auer, qui travailla longtemps dans l'édition parisienne avant de venir s'installer, avec son mari Micha, du côté de Genève : quiconque s'intéresse, de près ou de loin, à la photographie, en Suisse comme en Europe, a rencontré cette femme de caractère qui collectionne les images et les appareils de photo, les beaux livres et les œufs de toute sorte.
Ce texte, à peu près inconnu du public, est pourtant un chef-d'œuvre, autant qu'une curiosité. Il traite, en précurseur, de l'art photographique, et plus précisément de la question de l'imitation, de l'esthétique et de la ressemblance en photographie. Ecrit en réaction à la publication d'un ouvrage paru en 1941 à Paris, Excursions daguerriennes. Vues et monuments les plus remarquables du globe (reprise dans le volume d'Ides et Calendes) le texte de Töpffer, écrit trois ans après la découverte de Daguerre, extrêmement clair et réfléchi, intitulé fort explicitement De la plaque Daguerre : le corps moins l'âme, nous introduit directement aux problématiques les plus contemporaines sur l'image et sa reproduction.