Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

pamphlet

  • Eric Neuhoff, Prix Renaudot essai 2019

    Unknown.jpegLe cinéma a toujours été un plaisir solitaire, mais un plaisir solitaire collectif. On y allait le samedi soir en famille ou dans l'après-midi avec son amoureuse. Les salles étaient pleines. Elles rassemblaient une communauté de solitaires (et de silencieux). Elles ne sentaient pas le pop-corn. On ne vous assignait pas une place numérotée…

    Et chaque semaine, il y avait un nouveau chef-d'œuvre. Un spasme d'émotion.

    Le nouveau Fellini. Le nouveau Truffaut. Le nouveau Woody Allen. Le nouveau Sautet ! Le nouveau Godard ! Le nouveau Kubrick ! Quelle époque !

    Oui, mais ça c'était autrefois, quand le cinéma (français) était encore vivant.

    Aujourd'hui, à l'époque des Ch'tis et des Tuche 3, qu'en est-il des jeunes réalisateurs ? « Cette génération a une fâcheuse tendance à insister sur le côté emmerdant. Quelque chose a été détruit au royaume du 7ème art. Comme ces réalisateurs sont compassés, hésitants, maladroits ! Ce sont des cérébraux. Ils se tiennent le front entre les mains. Comme ils souffrent ! On ne se doute pas du mal qu'ils se donnent. Évidemment : ils ne sont pas faits pour ça. »

    Dans son dernier pamphlet, (Très) cher cinéma français*, le journaliste et écrivain Éric Neuhoff n'y va pas avec le dos de la cuillère. Et il a bien raison.

    shopping.jpeg« Leur but devrait être de mettre le cinéma à feu et à sang. Mais non, ils rêvent d'avoir la couvertures des Inrocks. Ce sont de grands sensibles, des écorchés vifs. Il ne faut pas compter sur eux pour nous dévoiler de grands pans mystérieux d'un monde inconnu. Tout cela ne semble pas fait pour durer. Sous nos yeux, l'art déguerpit des écrans sans demander son reste. Nous assistons, impuissants, à cette désertion. Grosses comédies, drames psychologiques raplapla, polars verbeux, voilà le programme. »

    Où sont passés les Trintignant, les Maurice Ronet, les Belmondo ? Et, du côté des dames, Johanna Shimkus, Jeanne Moreau, BB ? Il nous reste, c'est vrai, Catherine Deneuve et Isabelle Huppert (Neuhoff lui taille un costard de première!). Mais où sont les garces irrésistibles et fêlées d'autrefois (Garbo, Dietrich, Betty Davis, Marilyn) ?  

    Pour Éric Neuhoff, le cinéma, c'était bien mieux avant. On peut difficilement le contredire. Qui se souvient du nom d'un réalisateur français d'aujourd'hui ? Personne. Les acteurs, comme les réalisateurs, sont devenus interchangeables.

    « De profundis le cinéma français. On ne peut même pas lui accoler le doux, le beau nom de divertissement. Il était un art forain, il s'est transformé en cours du soir. On y bâille ferme. La distraction est bannie. Rigolos, s'abstenir. » 

    On le voit : Neuhoff est drôle, excessif, injuste. Son livre est un régal de cruauté. Aucun jeune cinéaste ne trouve grâce à ses yeux.

    Aucun ? Non. Il reste Arnaud Desplechin, le génial réalisateur de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), ou encore Rois et Reine, ou encore Un conte de Noël. Unknown-1.jpegOu, dernièrement, Roubaix, une lumière, un des plus grands films que j'ai vus cette année. Neuhoff sauve Desplechin du carnage. Et il a bien raison. Avec lui, le cinéma retrouve ses lettres de noblesse, surprend, bouleverse. (Photo : Arnaud Deplechin avec les deux héroïnes de son film, Léa Seydoux et Sara Forestier)

    Bref, il faut lire ce livre décapant et bienvenu, qui dresse une état des lieux assez sombre du cinéma français, le cinéma le plus subventionné au monde, envahi, désormais, par les « faits de société », les modes vite démodées, les scénarios faciles et les dialogues débiles. 

    Il est important de savoir que cela n'a pas toujours été comme ça!

    * Éric Neuhoff, (Très) cher cinéma français, Albin Michel, 2019.

  • La France Moixie

    DownloadedFile.jpegLa France est un grand pays. Elle l'a toujours été. Patrie des Droits de l'Homme, berceau de la Révolution, elle a donné naissance aux plus grands artistes et écrivains, tant en peinture, qu'en musique ou en littérature. Elle a fait rayonner universellement une langue qui est devenue, assez vite, la langue de la diplomatie. C'est la France lumineuse, celle de Voltaire, Beaumarchais, Flaubert, Claudel, Camus, etc. Celle de la Résistance et de la Raison. Mais il y a aussi une autre France, profonde, ténébreuse, qui aime à se vautrer dans la boue des idées reçues, du racisme et de l'insulte. C'est la France de Yann Moix, médiocre cinéaste et écrivain raté. La France des pamphlets antisémites, des rafles et de la collaboration (un sport national). Une France à peine moins éternelle que l'autre, hélas, la France des Lumières.

    A propos la Suisse, Yann Moix déclarait récemment au Matin (CH) : « Oui, c'est vrai, je déteste la Suisse. C'est un pays qui me dégoûte depuis longtemps. Je ne l'ai jamais aimé. C'est Gestapoland, j'ai toujours l'impression que quelqu'un va m'arrêter, là-bas. Ce qui m'énerve par-dessus tout, c'est cette espèce de neutralité sous laquelle on se déguise pour ne jamais avoir à s'engager. Au final, on est plus salaud que les salauds. » Et plus loin : « Il y en a ras le bol de la Suisse! Chaque fois qu'on en entend parler, c'est pour des histoires du même genre. S'il y a un pays inutile, c'est bien celui-là! C'est une dictature soft, nulle, qui ne génère rien, ne propose rien, ne fait qu'entériner les décisions des autres. La Suisse, c'est le néant. » Etc.

    Inutile de commenter les propos de Yann Moix, tant ils respirent à la fois la haine, la stupidité et l'ignorance crasse de la réalité helvétique.

    Autre manifestation de cette France moisie, dont Yann Moix est le triste représentant et qui gagne chaque jour du terrain : la rumeur qui, la semaine dernière, a enflammé le Web : Carla S. aurait trompé son petit Nicolas de mari ! De simple rumeur (en fait, une plaisanterie privée entre journalistes sur Twitter) cette « nouvelle » a fait le tour du monde et est devenue, en quelques heures, l'« information » la plus importante du moment. Quelle époque formidable ! Cette hystérie collective est un symptôme particulièrement inquiétant, selon moi, de cette France profonde, éternelle elle aussi, médiocre, infâme, qui cultive le ragot — ce qu'on pourrait appeler « le French cancan » —, à la manière de Yann Moix, pour éviter ou ignorer les vraies questions. Celles qui fâchent (le chômage, la dette extérieure, l'« identité nationale », les questions environnementales, etc.)

    La France moisie, c'est aussi ça : préférer le cancan au vrai débat, et l'insulte à la confrontation libre des idées.