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Work in progress - Page 13

  • Adam (4)

    DownloadedFile.jpeg Enfant, je dors dans la maison des Reines au centre du village, mais la journée je suis en compagnie des hommes. C’est une horde sans police où les tâches sont réparties librement entre les sexes. Dans la maison des hommes, on pratique chaque année les rites d’initiation des garçons. Vers cinq ans, l’ancêtre des Parrains, d’un geste brusque et précis, doit casser le nez de l’enfant, scellant ainsi son appartenance au clan. À douze ans, le jeune homme est emmené dans la case des Femmes où, l’une après l’autre, elles lui apprennent l’art de l’amour sur la natte.

  • Adam (3)

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    J’apprends à attraper les criquets en plein vol, je leur arrache la tête et les pattes, je les écrase entre les dents comme du bois de réglisse. J’ai quatre ans et je poursuis ma sœur qui poursuit une sauterelle grise entre les touffes de chardons desséchés. Il fait très chaud. C’est l’éternel été. Le sol est couvert de gros insectes noirs. À chaque pas, leur carapace éclate en faisant de petites explosions. Ma sœur détale à travers la savane. Elle se retourne vers moi et me nargue, une dernière fois, en me tirant la langue. Puis son pied glisse sur une pierre. Mouna perd l’équilibre et disparaît dans le ravin profond. J’arrive, je crie, je vois ma sœur rouler entre les pierres et les racines. Elle ne bouge plus. Elle a la bouche ouverte, la tête fracassée par sa chute. Je me retourne, j’appelle de toutes mes forces. Mais je suis trop loin du village. Personne n’entend mes cris. Dans l’air lourd, les oiseaux noirs tournent en piaillant. Le soir descend. Des buissons s’échappe le cri strident des sauterelles, comme la voix même de la chaleur. Avec la nuit arrivent les chacals et les hyènes. Je leur lance des pierres. J’appelle encore une fois à l’aide. Les charognards se battent pour un bras, une jambe, un simple lambeau de chair. Au matin, il ne reste plus rien. Ma sœur a rejoint la grotte des ancêtres. J’ai la tête qui résonne comme un djembé.

  • Adam (2)

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    J’ai peu de souvenirs de mon enfance. On vit dans les boubous des femmes qui font à manger avec le peu que les hommes rapportent de la chasse. Et on a toujours faim. On invente des jeux idiots. Au printemps, on va se baigner dans la mer et on se laisse emporter par le courant tranquille. On nage avec les raies et les serpents d’eau. Les filles nous taquinent et nous les poursuivons.

    C’était avant la construction du grand barrage.

    L’enfance est un coupe-gorge. Sitôt qu’un enfant vient au monde, c’est la coutume, dans mon village, de le plonger dans un baquet fumant de sang de buffle. On appelle ça le baptême du sang. Tout le village est rassemblé autour du prêtre au crâne tondu, aux veines lézardées par la foudre, à la barbiche grise en pointe, au grand collier de cuir autour du cou. On danse et on chante à tue-tête. Les calebasses de dolo circulent de bouche en bouche. Si le bébé survit, il sera grand et vigoureux, mais il conservera toujours au fond de la bouche le goût de la bête égorgée.