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après l'orgie - Page 4

  • Tous les goûts sont dans ma nature (Après l'Orgie J-3)

    images.jpeg- Vous êtes attirée par les femmes ?
    - Tous les goûts sont dans ma nature.
    - Précisez.
    - Homme ou femme, je m’en fous. Du moment que je prends mon pied. Ça vous choque ?
    - Oh, vous savez, Mademoiselle Ming, aujourd’hui plus rien ne me choque !
    - Vous faites des progrès.
    - Merci. J’apprécie vos encouragements. Mais les progrès, c’est à vous de les faire. À vous de descendre au charbon. Avec Justine, ça va plus loin que les baisers ?
    - Parfois elle va chercher des trucs dans sa chambre à coucher.
    - Quels trucs ?
    - Des canards en plastique. Des engins de trente centimètres qui bougent tout seuls. Des dauphins bleus en bois de rose qui ont la gueule ouverte.
    - On appelle cela des sextoys, Mademoiselle Ming.
    - Parfois, elle amène aussi des courgettes. Des calebasses. Des concombres. C’est selon la saison.
    - Justine a la fibre écolo. C’est bien. Mais que faites-vous avec ces cucurbitacées ?
    - À votre avis ?
    - Donnez-moi des détails.
    - Ça vous excite ?
    - Je veux la vérité.
    - On se touche. On s’embrasse. On se donne du plaisir toute la nuit.
    - Entre femmes ?
    - Aux Nymphéas, il n’y a pas d’hommes. C’est la règle. Alors on s’arrange comme on peut.
    - Et ça vous plaît ?
    - Savez-vous que les Suisses sont les champions du monde du plaisir solitaire ?
    - Vous me l’apprenez.
    - 82 % des hommes et 78 % des femmes se masturbenttous les jours. C’est pour cela que le pays carbure plein pot. Le secret de la réussite. C’est aussi la meilleure manière de maîtriser la courbe capricieuse des naissances.
    - Moi j’aime mieux faire l’amour à deux.
    - Je vous comprends.
    - On est moins seul.
    - « Les plus grands plaisirs naissent des répugnances vaincues. »
    - Qui a dit ça ?
    - Le marquis de Sade.
    - Je vois vos références. C’est Justine qui vous donne le goût de ces lectures ?
    images-1.jpeg- Elle nous apprend à jouir librement de nous-mêmes. Parmi ces jeunes filles modèles, certaines sont vierges. Sans expérience. Mais la plupart ont déjà eu plusieurs amants. Cela n’a rien changé. Elles sont constamment dans l’image. Condamnées à faire semblant. La volupté ne fait pas partie de leurs attentes. On leur a dit que c’était sale. Dangereux.
    - « Nous naissons entre la fiente et l’urine », disait saint Augustin.
    - Le plaisir vous isole des autres. Mais il vous en rapproche aussi. C’est le paradoxe. Soudain on ne s’appartient plus. On oublie l’étiquette. Les bonnes manières. Les millions de papa. Les lettres de maman qui n’arriventjamais. Notre prison dorée. La vie qui nous attend derrière les grilles. Le vide éblouissant du ciel.

  • Aux Nymphéas (Après l'Orgie J-4)

    images-3.jpeg- Dans les montagnes, j’apprends à jouer de la guitare. C’est un instrument intime. Il a la forme d’un corps à l’abandon. Un corps sur lequel on se penche. Un corps qui est toujours disponible. Toujours à votre écoute.
    - Comme moi.
    - Mouais.
    - Vous chantez aussi ?
    - Tout le temps. La musique me précède. Elle me suit. À Hollywood, elle est partout. Boutiques. Restaurants. Boîtes de nuit. Clubs de gym. Impossible d’y échapper. On ne l’écoute pas vraiment. Mais elle est déjà dans l’oreille. Elle nous fait croire que la vie est une fête permanente. Elle fait le vide dans nos têtes. Elle y verse l’oubli.
    - Comme la drogue. Et aux Nymphéas ?
    - La musique est secrète. Clandestine. On se retrouve la nuit dans nos chambres. Ensemble. Pour écouter la musique qu’on aime. Se tenir compagnie. Chanter des chansons à la mode.
    - Quelles chansons ?
    - Beyonce. Michael Jackson. Mariah Carey.
    - Marie Curie ?
    - Mais non ! Mariah Carey. C’est une chanteuse américaine. Botox et bonnets D.
    - Ah oui, j’aime bien.
    - La nuit, au collège, la vie reprend ses droits. Le couvrefeu donne des ailes à tout le monde. La prof de droit nous invite à venir dans sa chambre. Elle loge dans le donjon. C’est cossu. Discret. Des bâtonnets d’encens brûlent dans des vases. Les murs sont tapissés de photos de Simone de Beauvoir. Frida Kahlo. Stéphanie Pahud. images-5.jpegLa Combattante et la Martyre. Les deux visages de la femme moderne. On siffle une fiasque de tequila. Justine s’enflamme. Elle vitupère. Elle envoie des fléchettes sur la photo d’un type. Là-bas. Contre le mur. Il ressemble à DSK. Elle récite la vulgate féministe. Gisèle Halimi. Isabel Alonzo : « Le prix d’une marchandise diminue quand elle devient trop commune : ainsi la jeune fille n’est rare, exceptionnelle, remarquable, extraordinaire, que si aucune autre ne l’est. Ses compagnes sont des rivales, des ennemies ; elle essaie de les déprécier, de les nier ; elle est jalouse et malveillante. »
    - Mon Dieu !
    images-4.jpeg- Ça vous effraie ? Elle connaît par coeur tout Le Deuxième Sexe. Mais elle lit aussi Cosmo.
    - Ah, vous me rassurez !
    - Elle est incollable sur toutes les guerres de sexe. De religion. D’ailleurs, pour elle, le sexe est une religion.
    - Est-ce la même qui prétend que « la femme libre doit s’évader de trois prisons : la Nature, les moeurs et l’idée que le mâle se fait d’elle » ?
    - Je vois que vous connaissez la chanson.
    - Oh oui. Ma femme
    - Vous êtes marié ?
    - Je l’étais.
    - Séparé alors ?
    - Cela ne vous regarde pas.
    - Votre femme est partie ?
    - Occupez-vous de vos affaires. Quelles sont donc vos lectures ?
    - Avec qui ?
    - Je refuse de répondre. Dites-moi ce que Justine vous fait lire.
    - Qui vous l’a enlevée ?
    - Son analyste.
    - La honte !
    - Restez polie, Mademoiselle Ming ! Ce sont des affaires privées qui ne vous regardent pas. C’est vous qui êtes venue me voir. Pour sortir de l’enfer. Ce n’est pas moi.
    - Et depuis son départ vous êtes malheureux ?
    - Encore une fois, ce ne sont pas vos oignons.
    - Tout ce qui vous touche me regarde.
    - N’inversez pas les rôles ! Le maître ici, c’est moi. C’est moi qui écoute. Moi qui décide. Moi qui interprète. Votre boulot, à vous, c’est de descendre au coeur de vos ténèbres. Dans la boue et le sang. La merde. C’est tout ce que je vous demande. Alors ne perdez pas le fil. Que se passe-t-il ensuite ?
    - Justine nous apprend aussi à devenir des femmes fatales. Et à désobéir.
    - Comment ça ?
    - « S’exfolier le corps devient glam comme dans un hammam de princesse, et bio en plus. Dans ce flacon écrin, une texture épaisse, gris chiné, aux cristaux de canne à sucre et aux éclats de noix de coco. Ensuite, huiles de coco et de noix de cajou prennent le relais et laissent la peau parfumée et satinée. C’est qui le dessert à la nuit tombée ? »
    - C’est beau comme du Beauvoir.
    - Non. C’est Biba.

    *  extrait de Après l'Orgie, roman à paraître le 4 septembre.

  • L'enfant de ça (Après l'Orgie J-5)

    images-1.jpeg- À la fin du tournage, Dol est allée manger au Ritz avec ma mère. Je ne sais pas ce qu’elles ont dit. Ce qu’elles ont fait cette nuit-là sur la terrasse qui domine le port. Je ne sais pas ce qu’il y avait dans l’enveloppe que Dol lui a donnée. 10 000 dollars ? 100 000 ? Peut-être moins. Je n’ai jamais osé lui demander. Quelle est la valeur d’un enfant ?
    - Un enfant n’a pas de prix, voyons !
    - C’est ce qu’on croit. Mais il se négocie un peu partout comme les barils de pétrole. Au cours du jour. Même si ce cours est fluctuant. Même s’il connaît parfois de brusques envolées, quand les enfants sont rares et donc très demandés. En temps de guerre par exemple. D’épidémie ou de famine.
    - Vous connaissez votre sujet.
    - Je suis l’enfant de ça.
    - Et pour une fille, c’est la même chose ?
    - La première chose qui compte, pour une fille, c’est de savoir combien elle vaut. Qu’elle soit adoptée ou non. Le reste n’a pas d’importance.
    - Toutes des putes, c’est ça ? Votre raisonnement me semble assez simpliste.
    - Idem pour les mecs. Mais sur le plan professionnel seulement. Les filles, c’est toujours la même question. Les sentiments. Le boulot. La famille. Combien je vaux aux yeux des autres ? Qu’est-ce qu’il y a dans l’enveloppe ?
    - Au fond, la femme est une marchandise.
    - Oui. Prêtée. Vendue. Adoptée. Échangée. Mariée. Divorcée. Mais toujours désobéissante.
    - Vous n’allez pas vous faire beaucoup d’amies.
    - La vérité est difficile à avaler.
    - Et les féministes ?
    - Je les emmerde. Elles vivent dans le déni. Elles voient la femme comme une victime. Et l’homme comme un bourreau. Inflexible et stupide. Rivé à ses instincts primaires. Un singe en rut. Manger. Baiser. Chier. Dormir. Elles vivent dans la nostalgie du mâle dominant.
    - Ce n’est pas le cas ?
    - Du tout. Il y a longtemps que l’homme a déposé les armes. Il ne domine plus rien. Et surtout pas les femmes. Aujourd’hui il change les couches de bébé. Il mitonne des bons petits plats pour sa moitié. Il fait les courses et la vaisselle. La lessive. Et même parfois le repassage. C’est lui le grillon du foyer. Zen. Égalitaire. Émasculé.
    - En un mot comme en cent, vous avez gagné la guerre ?
    - Pas tout à fait. Mais la victoire est proche.

    * extrait de Après l'Orgie, roman à paraître le 4 septembre.