Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

féminisme

  • L'affaire Polanski nous rend fous (et folles) !

    Unknown-1.jpegL'affaire Polanski rend fou : elle concentre en elle bien des passions incandescentes. Le néoféminisme, d'abord, teinté de misandrie et de politique, mais aussi la pédophilie, les violences sexuelles, sans oublier un élément déterminant, l'antisémitisme. Cela fait beaucoup pour un seul homme ! Mais cela explique aussi les vagues de haine, d'incompréhension et de bêtise que suscite cette « affaire » sur les réseaux sociaux. 

    On l'oublie bien sûr, car notre époque est amnésique, mais l'« affaire » a déjà fait un mort — au moins. Rappelez-vous, en octobre 2009, l'écrivain Jacques Chesseximages.jpeg (©photo de Patrick Gilliéron Lopreno), pris à partie, au sujet de Roman Polanski par un médecin du nord-vaudois (qui a courageusement pris la fuite), s'écroulait dans la bibliothèque du gymnase d'Yverdon, victime d'une crise cardiaque…

    À cette époque, j'avais consacré une chronique à cette « affaire » (lire ici), puis encore deux autres. Jamais je n'ai eu autant de commentaires (au total une centaine), mélangeant tous les aspects du scandale présumé, mais portant avant tout sur la question des violences pédophiles (d'innombrables témoignages de victimes abusées). Bien avant la vague #MeToo. Preuve que la parole des victimes ne demandait qu'à être entendue.

    Pendant dix ans, l'« affaire Polanski » s'est faite oublier. Or le feu couvait sous la braise. Le réalisateur a beaucoup travaillé. Mais il a fallu attendre J'accuse, un-poster-du-film-j-accuse-de-roman-polanski-photo-prise-le-13-novembre-2019_6251358.jpgun film magnifique qui tout à la fois dénonce l'antisémitisme et célèbre le courage de l'homme qui a osé défendre Dreyfus, pour qu'un nouveau scandale éclate. Je ne reviendrai pas sur ce nouveau lynchage qui a permis à certaines féministes excitées de réclamer qu'« on gaze » Polanski…IMG_3898-2.JPG

    Aujourd'hui, lors d'une misérable cérémonie des Césars, on se moque de sa taille (« un nain»), on écorche son nom (Jean-Pierre Daroussin), on oblige un comédien à faire le salut nazi sur scène (!). Pour rire, bien sûr. Une écrivaine néo-punk à la dérive, amoureuse des frères Kouachi, crache son venin dans Libération sur un réalisateur de films dont le talent la dépasse. On en revient aux bonnes vieilles méthodes en vigueur en Allemagne ou en URSS il n'y a pas si longtemps. Et cela ne scandalise personne…

    Vite ! Passons à une autre « affaire » !

  • Une Passion noire

    par Jean-François Duval

    Passion noire jpeg.jpgUne Passion noire. C’est par cette expression que, d’entrée de jeu, le narrateur du nouveau roman de Jean-Michel Olivier paru à l’Age d’homme désigne ce qui donne un sens à sa vie : l’écriture, la littérature. Il a 35 ans, lit Michel Leiris (fameux auteurs de L’Age d’homme…). De sa mère qu’il surnomme Mégère (Kerouac appelait la sienne Mémère), il a les yeux verts et l’on ne sait de qui il tient son long nez sinon peut-être de Pinocchio, car tous deux jouissent du même merveilleux privilège de faire de l’affabulation leur terrain de jeu favori. Un domaine où l’on se régale jours et nuits (comme dans cet autre roman d’Olivier, Nuit blanche, 2001) de quantité de mots et de phrases d’une précise et limpide exactitude. Mots dont le narrateur avoue se nourrir avec une belle et exigeante fringale. 

    En cela le narrateur de Passion noire, qui se nomme Simon Malet, se révèle à l’évidence l’un des avatars de Jean-Michel Olivier lui-même, qui nous a déjà donné de bien beaux romans, depuis La mémoire engloutie (Mercure de France, 1990) jusqu’à L’Amour nègre, prix Interallié 2010. 

    Jolie trajectoire pour un auteur romand dont, il faut y insister, l’écriture apparaît certainement comme l’une des plus fluides en Suisse romande, tant l’auteur semble faire preuve d’une déconcertante aisance et facilité (par opposition à la pesante lourdeur qu’on trouve chez tant d’autres). De Jean-Michel Olivier le lecteur a souvent l’envie de dire : cet écrivain-là écrit comme il respire. 

    Le narrateur cependant ne l’ignore pas : attention aux passions noires, elles sont vénéneuses ! D’autant plus quand il s’agit de littérature, tant la part de l’écrivain en ce bas monde – aujourd’hui plus que jamais – est devenue maudite. Qui s’y frotte s’y pique. Même si ses livres ne sont pas sans remporter quelque succès, le narrateur de Passion noire pourrait bien l’apprendre à ses dépens (n’y aura-t-il pas un retournement final ?). Il a son lectorat, un nom, des fidèles (surtout féminines) qui le suivent, une certaine reconnaissance. En dehors du temps qu’il peut consacrer au roman qu’il a en chantier, il lui faut naturellement nourrir son public de bien d’autres façons que par son seul talent d’écriture, c’est-à-dire satisfaire et répondre aux sollicitations et obligations qui sont celles de tout écrivain d’aujourd’hui. Il est invité à des colloques, en Europe, en Afrique, aux Amériques où il croise et retrouve ses pairs, soumis au même diktat. Il faut le savoir : les aventures et les tribulations d’un écrivain au XXIe siècle ne le cèdent souvent en rien à celles d’un Chinois en Chine. 

    C’est un secret de polichinelle : les événements littéraires – salons, rencontres, lectures, séances de dédicaces, etc – sont aujourd’hui devenus d’une importance capitale pour tout auteur qui souhaite percer et acquérir une certaine visibilité aux yeux du public. Unknown-1.jpegC’est d’ailleurs sans doute pourquoi plusieurs romanciers d’aujourd’hui se sont emparés de cette problématique pour en faire la thématique même de leurs ouvrages, en l’abordant d’un regard résolument critique (on pense par exemple au roman de François Bégaudeau, La Politesse, Verticales, 2015, qui serait à placer sur le même rayon que Passion noire). 

    Dans Passion noire, Simon Malet joue le jeu tout en en ayant parfaitement conscience : il semble bien que désormais le public ne sache plus vraiment jouir d’un livre à moins qu’il ne soit implicitement convenu qu’on puisse mettre un visage sur le nom de son auteur, le regarder à la télévision, le rencontrer, lui dire son admiration, souligner les points communs qu’on entretient certainement avec lui (« Ah, vous exprimez magnifiquement ce que je ressens ! »). 

    Voilà : la littérature tient désormais, pour le lecteur, dans un exercice d’admiration perpétuel, comme si d’ « admirer » l’amenait lui-même à se sentir davantage exister, à la façon d’un reflet, comme dans un miroir. Conséquence pour l’auteur : il est bien malgré lui amené à devenir l’INTERLOCUTEUR VIRTUEL de ses lecteurs et surtout lectrices, non pas en tant qu’écrivain mais en tant que personne. C’est-à-dire qu’on exige de lui qu’il jaillisse en lieu et place de son œuvre elle-même ! Si l’œuvre est lue, ce n’est que dans la mesure où elle offre un miroir dans lequel la lectrice (puisque le lectorat est essentiellement féminin) pourra se découvrir si belle, si belle… et mieux se révéler à elle-même. Si bien que le malentendu est le plus souvent complet : au contact de ses lectrices et pourvu qu’il n’ait pas écrit un simple roman à l’intrigue purement policière, tout auteur d’aujourd’hui s’aperçoit après trois phrases échangées que celles-ci n’ont pas lu, pas compris le livre qu’il a cru écrire… 

    Tout cela, le narrateur de Passion noire l’a très vite appris. Il s’y est fait, tous les auteurs s’y font. Il reçoit quantité de lettres de lectrices, ne répond qu’à quelques-unes, le plus souvent excédé, car il y a de la furie chez certaines admiratrices (chers amis écrivains, vous le savez comme moi). Unknown-2.jpegIl a compris ce dont témoignent des siècles d’histoire littéraire, depuis le roman courtois de Chrétien de Troyes jusqu’à Femmes de Sollers ou Cinquante nuances de Grey : ce sont les femmes qui lisent (les hommes ont autre chose à faire, comme de regarder un match de foot ou siroter une bière). 

    Mais au fond, si l’on passe sur les épopées homériques et les chansons de geste médiévales, la littérature a-t-elle jamais été faite pour le genre masculin ? Répétons-le : tout auteur qui pratique les salons du livre d’aujourd’hui le vérifie de manière objective et chiffrée : les femmes composent le 95% des gens qui s’arrêtent devant les stands, réclament des dédicaces, taillent une bavette avec l’auteur. Oui, l’écrivain qui ne veut pas mourir idiot doit écrire pour les femmes. 

    Disons-le par parenthèse : c’est à quoi ont dû se résigner non sans consternation d’illustres auteurs du passé comme Chateaubriand, Vigny, Balzac… Les uns et les autres ont dit leur accablement, leur malheur, leur honte même d’avoir déchu à ce point, en tant que « grands hommes », d’en être réduit à se servir de la plume plutôt que de l’épée. Flaubert est lâchement allé jusqu’à déclarer « Madame Bovary, c’est moi ». Même le barde d’Astérix, une sorte de sentimental et larmoyant Lamartine avant l’heure, témoigne à quel point l’activité littéraire, dès le départ, a pu passer comme ridicule et féminine en regard des exploits du tout puissant Obélix et du tout aussi viril et énergique petit Gaulois. 

    D’où l’une des premières leçons à tirer de Passion noire : il faut être bien courageux, avoir les couilles bien accrochées, au jour d’aujourd’hui, pour écrire encore des romans et croire encore que la littérature, comme au temps d’Homère et des grandes épopées, puisse avoir quelque semblant de virilité (je ne suis pas loin de penser que c’est pour cette raison-là que les nouveaux auteurs tendent à privilégier la veine du roman policier – le sang, le crime, les armes « font » virils et guerriers). 

    On l’a dit, le narrateur de Passion noire a pleine conscience de cette horrible fatalité. En dehors de sa mère, il est tout spécialement poursuivi par une universitaire américaine et – c’est littéralement le plus lourd de son calvaire – par une Marie-Ange Lacroix qui s’évertue à le persuader qu’on n’a jamais vu plus belles âmes sœurs que les leurs, que lui et elle sont absolument faits l’un pour l’autre, etc. Marie-Ange Lacroix, de lettre en lettre, exige de Simon Malet qu’il se rende enfin à cette évidence. 

    Avec ce décapant Passion noire, notre auteur poursuit dans une veine qui était déjà, au moins partiellement, celle de La Mémoire engloutie en 1990 : Unknown-3.jpegla satire, et tout particulièrement la satire sociale est omniprésente sous la plume de Jean-Michel Olivier. Et c’est alors du côté de Voltaire et de ses contes qu’il faudrait peut-être aller chercher des références (qui sait si l’auteur de Candide et de Zadig ne se serait pas emparé avec une même jubilation de la thématique qui a valu à J.-M. Olivier le prix Interallié pour L’Amour nègre ?) 

    Passion noire ne s’arrête cependant pas à la satire sociale, la critique va au-delà, elle est plus générale, touche plus profondément à nos représentations de la réalité. On pourrait avancer que J.-M. Olivier rejoint Guy Debord qui, dès les années 1960, avait dénoncé la « société du spectacle » vers laquelle nous avancions à grands pas, et dont la comédie littéraire d’aujourd’hui participe pleinement (au lieu de répondre à sa vocation critique). Unknown-4.jpegEn fait, à cet égard, Passion noire franchit un nouveau seuil : plutôt que de dénoncer la société du spectacle comme Debord, ce roman-là, et voilà qui est littérairement très efficace, nous propose LE SPECTACLE LUI-MEME DE LA SOCIETE DU SPECTACLE. En quoi Jean-Michel Olivier, avec une belle persévérance et cohérence, poursuit dans la même veine que dans son avant-dernier roman, Après l’orgie (tout juste sorti en Livre de poche), titre légitimement inspiré de Baudrillard et de ses réflexions aiguisées sur les pouvoirs de la simulation. 

    «Miroir, mon beau miroir, dis-moi…»

  • Passion noire, mon nouveau roman

    Encore quelques jours de patience… 

    Passion noire jpeg.jpg