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après l'orgie - Page 3

  • Après l'Orgie

    olivier_orgie_270-z.jpgÀ partir d'aujourd'hui, dans toutes les bonnes librairies de France, de Belgique, du Québec, de Suisse et de Navarre…

    Ne manquez pas, aussi, dans le journal Coopération de cette semaine, à paraître mardi 4 septembre, l'interview-vérité avec Pablo Davida ! 

  • L'attentat bouffe (Après l'Orgie J-1)

    images-6.jpeg- Mais dites-moi, à la longue, Papi n’est-il pas fatigué de tout ce cirque ?
    - Comment l’avez-vous deviné ?
    - Je suis fin psychologue.
    - Avec le temps, c’est vrai, la lassitude s’installe. Surtout depuis ce mardi de décembre sur la Piazza Duomo à Milan…
    - Que s’est-il passé ?
    - Papi serrait tranquillement des mains. Comme d’habitude. Au milieu d’une forêt d’appareils numériques. Micros. Caméras de TV. Il y a beaucoup d’admiratrices. Une foule de gens qui veulent embrasser le Messie. Le toucher. Papi adore ces bains de foule. Ça lui donne une seconde jeunesse. Il a besoin de cette chaleur des corps agglutinés.
    - Et alors ?
    - Un homme se hisse sur la pointe des pieds. Il lève la main. Il lance quelque chose au-dessus de la foule. Une statuette de la tour de Pise. En bronze, tout de même. Papi reçoit la chose en pleine figure. images-2.jpegIl baisse la tête. Il porte à son visage un bout d’étoffe ponceau. Hugo Boss. Pour essuyer le sang qui coule. Il n’a pas mal. Il ne comprend pas ce qui lui arrive.
    - C’est une opération de com ?
    - Vous l’avez deviné !
    - Qui a manigancé cela ?
    - Bibi.
    - Vous êtes diabolique, Mademoiselle Ming ! Papi est au courant ?

    - Non. Pour que l’opération ait une chance de succès, il vaut mieux que la victime ne sache rien. C’est le principe de tous les attentats, d’ailleurs.
    - Comment réagit-il ?
    - Il rentre dans la voiture blindée, poussé par ses gardes du corps. Les journalistes, les photographes se pressent autour de lui, attirés par l’odeur du sang. Comme les requins. Je suis dans la voiture. Quand je le vois s’asseoir sur la banquette, le visage dans les mains, je lui dis de se ressaisir. Le Chef ne pleure pas. Je le sermonne. Avec vigueur. Le corps du roi ne peut pas mourir. Jamais. Il me regarde. Les yeux mouillés. Il doit sortir de la voiture. Sourire à l’agresseur. Montrer qu’il est invulnérable. Après quelques secondes, Papi se dresse sur le marchepied. Il montre son visage. Couvert de sang. Il offre cette image à toutes les caméras du monde. Il brave la mort en souriant. Avec ses dents cassées. Icône de l’héroïsme. Nous
    avons tous un corps. Mais le vôtre est mortel. Éphémère. Tandis que mon corps est sacré. L’éternité est devant moi. C’est le message à faire passer.
    - Qui est l’agresseur ?
    images.jpeg- Un fou. Du nom de Massimo Tartaglia. Aussitôt arrêté par la police. Un type que j’ai payé. Grassement. Je suis allée le voir dans son asile. Près de Varèse. Il plantait des
    épingles dans des cactus en pot. Il tirait la langue. Absorbé par sa tâche. Il voulait devenir Pape. Je ne suis pas certaine qu’il ait compris le sens de sa mission. Mais il l’a exécutée tip top.
    - Une fois de plus, Papi a donc triomphé de la mort ?
    - En apparence. Ce coup sur la tête l’a sonné plus qu’il ne veut l’admettre. Comme si cette tour de Pise en miniature lui avait fait perdre l’équilibre. Peut-être, d’ailleurs,
    que le choc a détruit une partie de ses neurones. Commotion cérébrale. Petite hémorragie interne. Quoi qu’il en soit, il n’est plus comme avant. La politique ne l’intéresse plus. Du tout.
    - Ce n’est pas nouveau.
    - Non. Mais cette fois il s’en fout carrément. Il délègue ses pouvoirs aux ministres, qu’il méprise. Il ne lit plus les nouveaux projets de loi. Les journaux. Les magazines people. Il n’écoute plus ses conseillers personnels. Il passe toutes ses journées devant la télévision. À visionner des DVD. Et même des VHS. Ça lui rappelle les premiers temps de sa gloire. La terreur est greffée sur son visage.

  • Le cyborg (Après l'Orgie J-2)

    images-3.jpeg- L’opération dure longtemps ?
    - Huit heures.
    - C’est long. Comment le chirurgien a-t-il procédé ?
    - D’abord, le type a scanné mon visage. Ensuite l’ordinateur a proposé plusieurs reconstructions faciales. Le chirurgien a choisi une des options dessinées sur l’écran. L’opération a commencé. Il a suivi les directives de l’ordinateur. Il a relevé les pommettes. Il m’a ciselé un nez demadone. Il a remodelé mon front. Il a gonflé mes lèvres avec du collagène. Il a cousu la peau de mon visage.
    - Abrégez. Je ne supporte pas la vue du sang.
    - Il faudra vous y faire.
    - Si vous pouviez m’épargner ce genre de détails.
    - Nous sommes dans la mine. C’est vous qui l’avez dit. Il y a du sang. Des larmes. Une fille défigurée. Un corps en miettes. Puis reconstruit. La seule chose qui me reste d’avant, ce sont mes yeux. Les yeux bleus de mon père. Le chirurgien n’a pas touché à l’iris de mes yeux. Mais tout le reste est différent. Je n’ai plus le visage que ma mère m’a connu.
    - C’est terrible.
    - Au contraire. C’est une aubaine. Dans la vie, on n’a qu’un visage, en principe. De la naissance à la mort. Un seul et même visage. C’est la loi de l’espèce. La base de notre identité. Mais moi j’ai dû apprivoiser le mien. Accepter d’être une autre. Un cyborg.
    - Un quoi ?
    - Un cyborg. Une créature hybride. Imaginée par un ordinateur. Faite de clous. De broches. De morceaux de titane. Une chimère.
    - Pourtant, intérieurement, vous êtes restée la même.
    - Je suis devenue ce qu’on a fait de moi. Une femme fantôme. Qui vit dans la hantise de ce qu’on lui a volé.
    - Et votre corps ?
    images-4.jpeg- Refait, comme mon visage, de A à Z. Rafistolé. Couturé. Sculpté selon les canons de la mode. Et par le meilleur artisan de la région. Le Dr Troy du bistouri.
    - C’est incroyable ! Personne ne vous a demandé votre avis ?
    - Non. Il fallait m’opérer d’urgence. Je n’ai signé aucun papier. J’ai fait confiance au chirurgien. Je n’avais pas le choix.
    - Comment se passe le réveil ?
    - Horrible. Je me réveille dans un lit-cage. Corsetée de partout. Le corps percé de fils. De sondes. De perfusions. Impossible de bouger. Même le petit orteil. Les jambes en
    extension. Une momie enveloppée de bandelettes.
    - Comme Frida Kahlo ?
    - Je pense à elle. Beaucoup. Sur son lit de douleur. images-5.jpegToute sa vie, elle a été crucifiée. Sainte et martyre. Icône de la femme moderne.
    - On s’occupe bien de vous ?
    - Très bien. La clinique Belmont, c’est le Ritz des cliniques privées. Les infirmières sont dévouées. Efficaces.
    Silencieuses. Et le Dr Berner vient me trouver tous les jours. À chaque visite, il coupe un morceau de gaze. Il ôte un voile. Il libère une partie de mon corps entravé. Quand il découvre le résultat, il se met à siffler. Il est fier de ses œuvres. Il me voulait parfaite et je le suis. Son assistante n’arrête pas de prendre des photos. Elle trouve que je suis un chef-d’œuvre.
    - Vous laissez faire ?
    - Je ne dis rien. Je découvre mon corps avec surprise. Ravissement. Le type a l’air si content de me faire plaisir. Moi je découvre dans le miroir un corps étrange. Et étranger. J’ai le visage d’une madone. Un nez droit et fin. Des pommettes hautes. Des yeux légèrement en amande. Tout le monde me répète que j’ai un corps parfait.
    - Et la Nature dans tout ça ? Ne croyez-vous pas qu’elle a son mot à dire ? Dieu n’est-il pas l’unique Créateur ?
    - Ça n’a plus d’importance. Dieu est mort dans les camps. D’ailleurs, nous sommes des simulacres. C’est ce que nous enseignait Justine aux Nymphéas. Et le Dr Berner ne dit pas autre chose. Il fabrique des cyborgs. Des simulacres de simulacres.

    - Vous restez longtemps en clinique ?
    - À peu près cinq semaines. Le temps que mon corps ressuscite. Que la nymphe se mue en papillon.