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  • J'ai fait un rêve

    J'ai fait un rêve étrange et inquiétant : j'ai rêvé qu'un matin tous les enfants de flics ou de banquiers, de traders ou de politiciens, de notables, de notaires, pour une raison inattendue, tournaient mal. Ils laissaient pousser leurs cheveux. Ils méprisaient l'argent, et ce qu'il permet de s'acheter. Ils refusaient de suivre le chemin balisé que leurs parents avaient tracé pour eux. Le matin, ils ne lisaient plus Le Matin. Ne regardaient plus la télévision. N'écoutaient plus les chansons nulles du Top 50. Ils se moquaient des Grandes Têtes Molles de leur époque. Simplement et sans violence, ils décidaient de déserter…

    C'est l'une des plus belles chansons de Georges Brassens. Une mélodie sublime brodée sur un poème de Jean Richepin, intitulé Les Philistins.

    Elle m'a toujours fait beaucoup rêver…

  • Champion du monde !

    images.jpegIl n'a pas été invité au grand raout de L'Hebdo la semaine dernière. Pourtant, à tout lui seul, Frédéric Hainard compte plus que les cent Têtes Molles que l'Hebdo a essayé de draguer. Il est jeune et dynamique. C'est un décideur. Il a su se faire élire au Conseil d'Ètat neuchâtelois en camouflant ses erreurs et en dupant les électeurs. Il a les méthodes vigoureuses d'un shérif à qui on ne la fait pas. Et, depuis sa confession filmée de vendredi, il sait toucher au cœur tous les hommes amoureux de plusieurs femmes (ou le contraire). À n'en pas douter, Hainard est un fleuron du libéralisme nouveau : égoïste, rustre, aveuglé par son propre pouvoir, sentimental.

    On se réjouit de lire la suite de ses aventures dans les journaux du matin. Car ce champion du monde nous réserve encore bien des surprises.

  • Les trois visages de l'homme blanc

    1013771711.2.jpgLe lendemain, je marche dans les rues éblouissantes. Depuis le commencement des temps, le monde occidental ne connaît qu’une couleur : BLANC. La seule chose qui me reste, dans cette neige aveuglante, ce sel amer, c’est l’ombre accrochée à mes pieds, cette tache en forme de feuille de bananier qui glisse en silence sur le sol.
    Je suis dans l’autre monde : des mots partout, des mots écrits noir sur blanc ou clignotant de lueurs vives, des mots abandonnés par d’autres hommes, des messages et des signes, une mousson de mots qui donnent le vertige, tracés le plus souvent dans une langue unique, la langue du monde global, Coke the Real Thing, Nespresso : what else ? Why Don’t You Try Me ? Des mots qui tremblent comme des appels à la détresse, regardez-moi, écoutez ma prière, achetez s’il vous plaît ma camelote, des mots comme autant de bouteilles à la mer.
    Genève, un monde en soi.
    Sur les affiches, les mots sont des images et des marques. Ils servent de légendes à des scènes vivantes où reviennent partout de grandes femmes maigres aux jambes transparentes, des voitures rutilantes prises sous tous les angles, des visages d’enfants surpris dans des postures singulières, certains déroulant d’immenses rubans de papier bleu lavande, d’autres au faciès réjoui engloutissant leur poids en céréales, d’autres encore perdus parmi des nègres faméliques et vantant les mérites d’un lait vitaminé…
    Tout à coup, je comprends mon vertige.
    J’ai sous les yeux les trois visages de l’homme occidental :
    la femme qu’il ne sera jamais ;
    la voiture qui incarne la nostalgie de sa virilité ;
    et l’enfant qu’il ne sait plus faire.