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  • Cafés littéraires

    J'étais hier soir, en galante compagnie, à la Potinière, le délicieux café-restaurant du Jardin anglais. Une fois par mois, les éditions Encre Fraîche y invitent deux auteurs à dialoguer, autour d'un thème choisi d'avance. Cela s'appelle les Mardis de l'Encre. Ils sont animés par une jeune femme gracieuse et pétulante, Sita Pottacheruva. Mardi, les invités se nommaient Eugène (Prix des Auditeurs de la RSR pour La Vallée de la jeunesse*) et Jérôme Meizoz (pour son dernier livre, Père et passe**, beau portrait de son père, dont nous avons parlé ici même). images.jpeg
    On ne dira jamais assez l'importance de ces rendez-vous, toujours un peu clandestins (sans ram-dam médiatique : juste le bouche-à-oreille), qui permettent aux auteurs de rencontrer leurs lecteurs — et réciproquement. Ou mieux : de se retrouver, autour des livres, mais en chair et en os, si j'ose dire, de vivre voix et face à face.
    images-1.jpegEugène s'est expliqué sur l'origine et la construction de son livre, dans lequel il se raconte à travers 22 objets qui lui ont fait du bien, ou du mal. Cette sorte d'« analyse transactionnelle », caustique et pleine d'humour, n'a pas été sans conséquence sur le cours de sa vie, ni de ses relations avec les autres. Jérôme Meizoz, à sa manière discrète et authentique, a raconté en quoi son livre, qui se voulait une sorte d'exorcisme face à la maladie de son père, lui a permis de tisser d'autres liens avec cet homme taciturne, grand travailleur, qui ne prenait la parole que dans les grandes occasions pour déclamer des «bouts rimés»…
    Menée tambour battant par Sita Pottacheruva, la discussion qui a suivi s'est révélée instructive et émouvante, chacun des deux auteurs jouant la carte de la sincérité.
    Ne manquez pas les prochains rendez-vous de ces chaleureux Mardi de l'Encre, le premier mardi de chaque mois, à la Potinière.
    Mardi 4 novembre 2008 : La nouvelle. Valentine Sergo, comédienne, metteuse en scène et auteure (Histoires de la porte d’à côté, Editions Encre Fraîche, 2008) et Sébastien Ramseier, écrivain (Sugar Daddy, Editions Encre Fraîche, 2006).
    Mardi 2 décembre 2008 : Projets inédits au féminin. Françoise Roubaudi, enseignante et auteure (Les enfants des rues m’ont appris à écouter les oiseaux, Editions Encre Fraîche, 2008), Eliane Longet (enseignante, fondatrice et marionnettiste de la troupe des Croquettes, présidente de l’association Graine de Baobab, Burkina Faso) et Catherine Nickbarte (présidente de l’association Buakhao White Lotus Foundation, Thaïlande).
    Mardi 3 février 2009 : La science-fiction en Suisse romande avec Lucas Moreno, www.utopod.com et Jean-François Thomas.
    Mardi 3 mars 2009 : L’autobiographie en bande dessinée (en coll. avec la Galerie Papiers Gras, Genève) avec Frédérik Peeters et Pierre Wazem.
    Mardi 7 avril 2009 : Le roman noir avec Jean-Michel Olivier et Jean-Jacques Busino.
    Mardi 5 mai 2009 : Photographes et littérature avec Olivier Delhoume.
    Mardi 2 juin 2009 : Carte blanche à Olivier Delhoume.

    * Eugène, La Vallée de la jeunesse, Editions La Joie de Lire, 2007.
    ** Jérôme Meizoz, Père et passe, Editions d'En-Bas et Le Temps qu'il fait, 2007.
     

  • Maxime éternel

    images-1.jpgLaissons de côté, pour un temps, les miasmes de Wall Street et les gargouillis de la politique fédérale. Et laissons de côté, tant qu’à faire, le champ de bataille de la littérature romande (où de bien nobles combats restent encore à mener). Et revenons à nos amours. Les vraies, les passionnées : celles de l’adolescence.
    Je vous l’accorde : il ne passe pas souvent sur Couleurs 3, ni Espace 2 , ni Europe 1, ni RTL, ni Radio-Lac. Pourtant, le dernier disque de Maxime le Forestier, intitulé Restons amants, est un petit bijou de poésie et de musique. Bien sûr, depuis son premier disque (1972 !), Maxime a bien changé. Le ton n’est plus, ici, aux attaques contre l’armée (Parachutiste), ni aux protest-songs engagées (assassinant de Pierre Goldman). Non, le dernier album fait la part belle aux  « chansons vertes » évoquant le destin de la Terre, au désordre des sentiments, à la poésie douce-amère de l’amour.
    Écoutez :
    Restons amants des hôtels sombres
    Des rendez-vous dissimulés
    Où vont s’entrelacer les ombres
    Au danger, mélangées…

    La musique, ici, est de Julien Clerc, qui en connaît un bout en matière de refrains entêtants, de mélodies limpides, d’atmosphères feutrées : un chef-d’œuvre.
    Ecoutez encore :
    Restons amants des impatiences
    Des minutes qui sont comptées
    Des trésors de rus et de science
    Pour se retrouver…

    Même si la voix de Maxime n’a pas changé d’un quart de ton, les chansons, elles, alternent les tempi lents et rapides, les mesures en 5/4, voire même en 7/4. Ce qui n’est pas le moindre de leurs charmes.
    Mais écoutez encore :
    Restons amants des corps à corpss
    Des peaux qui savent se trouver
    Là sont les cœurs qui battent encore
    L’un à l’autre mêlés…

    Ce qui fait du bien, avec Maxime Le Forestier, ce n’est pas de replonger, corps et âme, dans l’adolescence disparue, mais de voir que, le temps passant, l’on peut grandir ensemble et vivre encore dans le désir, éternellement.
    La petite mort
    L’éternité…


  • Le bonheur est dans le jazz

    images.jpegDe souvenirs il est question dans l’imposant volume publié par les Editions Slatkine, intitulé Le Bonheur était dans le jazz*. Le grand Pierre Bourru (que tous les amateurs de jazz romands connaissent bien) se confie ici à Claude Tappolet, historien et auteur de plusieurs essais sur la vie musicale.
    Parler de jazz en Suisse romande, c’est évidemment parler de Pierre Bourru qui a œuvré, sa vie durant, à mieux faire connaître, et apprécier, cette « musique de nègres et de fous ». Grâce à Tappolet, on revient sur les débuts de Bourru (lui-même batteur émérite) qui s’est lancé, sans aucune expérience, mais avec la foi naïve des vrais amoureux de musique, dans l’organisation de concerts. On est impressionné (regardez le glossaire !) par le nombre de musiciens (et les plus grands) que Pierre Bourru a fait venir à Genève, le plus souvent au Victoria-Hall. Si l’on avait enregistré un disque à chaque fois, on aurait là tout simplement le meilleur du jazz contemporain. Cela commence, en 1949 par Sidney Bechet, puis Bill Coleman, Duke Ellington et cet immense génie du piano qu’est Oscar Peterson (premier concert à Genève en 1969), avec qui Bourru entretiendra des liens privilégiés, puisqu’il viendra plusieurs fois à Genève (mémorable concert avec Count Basie, pendant lequel le vieux Count vient rejoindre le jeune Oscar en deuxième partie, et improvise un bœuf qui dure la moitié de la nuit !). Si l’on voulait citer quelques noms, citons encore Lionel Hampton, la divine Ella Fitzgerald, Ray Charles et le facétieux Erroll Garner que Pierre Bourru emmènera dans le meilleur restaurant de Genève, croyant lui faire plaisir, et qui commandera, à la stupeur du maître de cuisine, « du saumon avec beaucoup de rondelles d’oignons » !
    Les anecdotes fourmillent dans ce livre savoureux et passionnant. Une dernière, pour la route. En 1972, Pierre Bourru est au bord du dépôt de bilan, après un concert mémorable avec Miles Davis qui fut un flop (300 personnes à peine au Victoria-Hall !). Un ami lui conseille d’accueillir un jeune chanteur canadien, mélancolique et taciturne, un peu illuminé, qui passe régulièrement de la scène à un monastère zen, sort un livre tous les cinq ans et donne peu de concerts. Pierre Bourru, qui ne le connaît pas, organise sa venue à Genève. C’est ainsi que le 14 avril 1972 (votre serviteur y était !), Leonard Cohen chante devant un public déchaîné (on refuse 400 personnes aux portes du Victoria-Hall) pour la première fois en Suisse et en Europe ! Et Pierre Bourru, grâce à ce pari, de retrouver sa mise !
    * Le Bonheur était dans le jazz par Pierre Bourru, souvenirs recueillis par Claude Tappolet, Slatkine, 2004.