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  • Une stèle pour Décaillet

    pascal décaillet et micheline calmy-rey

    Rendons justice à Pascal Décaillet : sans sa verve, son énergie intarissable, son talent d'orateur grec, la politique genevoise ne serait pas ce qu'elle est. En d'autres termes, elle ne serait pas du tout. Non seulement, Décaillet offre une tribune à celles et ceux qui n'ont rien à dire (ou plutôt dont les idées sont minuscules, tâtonnantes, souvent opportunistes) mais encore ils les met en valeur, leur offre une vitrine officiclelle qui leur confère un semblant d'existence.

    Il faut suivre les débats de « Genève à chaud » sur Léman Bleu pour s'en convaincre presque tous les jours. Décaillet brille, termine les phrases de ses invités peu loquaces, remet en perspective les idées (très souvent rabâchées) de ses hôtes d'un soir. Grâce à lui, Eric Stauffer (qu'il est le seul, d'ailleurs, à pouvoir faire taire) paraît intelligent. Grâce à lui, Guy Mettan (ah! la « Saint-Maurice Connection »!) retrouve son latin. Grâce à lui, Jean Romain nous parle de ses problèmes de thermomètre. Grâce à lui, Micheline Calmy-Rey fait moins peur. Et Doris Leuthard a les prunelles moins exorbitées…

    Combien de discussions interminables brusquement sauvées de l'ennui par un bon mot, un clin d'œil, une référence à Saint-Simon ou à Léon Bloy! Souvent, je me dis que Genève ne mérite pas Pascal Décaillet, qu'il faudrait laisser les politiques mariner longuement dans leur inexistence. Mais heureusement, il est là, toujours sur le qui vive, pour relancer, expliquer, donner des couleurs aux discours insipides qui sont balbutiés à l'antenne.

    Si j'étais député, je proposerais illico qu'on élève une stèle à Pascal Décaillet pour tout ce qu'il a donné à notre république. Mais le monde politique est ingrat. Surtout après les élections. En attendant l'érection de sa stèle, rendons grâce, encore une fois, à Saint Décaillet.

    Lien permanent Catégories : badinage
  • Servette : une histoire genevoise

    Servette : une histoire genevoise

     

    Soyez fous : prenez l’avion, le train, le paquebot ! Allez à Parme, à Liverpool, à Barcelone, à Malte, à Istanbul, à Hambourg, à Dublin ! À Auxerre ! À Bruges ! Et là-bas, demandez aux gens que vous rencontrez ce qu’évoque, pour eux, le beau nom de Genève.
    Évoqueront-ils les prouesses de Laurent Moutinot, qui — après avoir autorisé la mendicité, puis l’avoir interdite, avant de l’autoriser de nouveau — semble placer l’essentiel de son énergie dans sa pipe ? Ou le génial Christian Ferrazzino, fasciné par les sanisettes de grand luxe ? Évoqueront-ils Robert Cramer qui, lui-même opposé au double mandat, accepte pourtant d’aller siéger à Berne, parce que ses collègues du Conseil d’État l’y ont poussé (voulaient-ils se débarrasser de lui ?) ? Ou encore l’illustre Grand-Théâtre, si mal géré depuis des lustres, qui monopolise l’essentiel des subventions culturelles pour une poignée de spectateurs cachemire-caviar ?

    J’ai bien peur que non.

    Alors qu’est-ce que Genève à l’étranger ?

    La réponse tient en deux mots : le Jet d’eau et Servette.

    C’est-à-dire : l’arrogance et la beauté gratuite, l’aspiration vers les étoiles et la passion du beau jeu, la jouissance inattendue et le désir de vibrer…

    Les deux symboles de Genève ont à peu près le même âge et la même histoire. Si la mort du Jet d’eau ne semble pas d’actualité, l’histoire (et le prochain procès de Marc Roger) dira comment, au fil des ans et des décisions imbéciles, le club de football genevois a perdu peu à peu de sa superbe. Comment il s’est enfoncé dans les dettes, les promesses illusoires, la spirale folle des salaires…

    Si Servette — véritable baromètre de la vie genevoise — va mal, flirtant avec la relégation en Première Ligue, est-ce si étonnant ? Si le club frise le code, que dire du canton qui est au bord de la faillite ? Si le club n’arrive plus à gérer sa destinée, que dire des politiques responsables du Stade de la Praille qui ont construit une arène magnifique, hélas pour une équipe fantôme ? Et que dire de Genève, qui se rêvait ville internationale, et qui n’est qu’un gros bourg de province, en marge de l’Europe active et bouillonnante d’idées ?

    Car la déroute du Servette est celle de tous les Genevois, roulés en boule, depuis des lustres, dans la sécurité bourgeoise, les rites étouffants de la vie provinciale. C’est la déroute d’une ville qui a construit sa paix à force de silence et d’aveuglement, et qui n’aime pas les « questions sans réponse », comme dirait Saint-Exupéry. Une ville confite dans la routine et le secret bancaire, qui retient ses émotions et tremble à la perspective d’entreprendre une action. Une ville et un canton si mal gouvernés qu’ils connaissent le plus fort taux de chômage helvétique, et la pire crise du logement. Une ville qui préfère les vespasiennes aux clubs de football, les pistes cyclables à la culture ?

    J’ignore si Servette mérite Genève. Je suis sûr, en revanche, que Genève ne mérite pas Servette — même si tous deux, dorénavant, évoluent dans des ligues inférieures.

     

  • Minutes heureuses et sanglantes

    images.jpeg Calvin est à la mode et Genève lui fait sa fête. À vrai dire, il en prend pour son grade, le grand théologien genevois (d'adoption) ! Le spectacle concocté par François Rochaix, sur un texte de Michel Beretti, enfoncera le clou au mois de juillet. On se réjouit déjà. En attendant, comme une mise en bouche, voici Le Maître des minutes, qu'on peut aller découvrir à Saint-Gervais jusqu'à la fin du mois. Un spectacle épatant, fort, riche en couleurs et admirablement joué. Le texte et la mise en scène sont signées Dominique Ziegler et Nicolas Buri. Ziegler est un agitateur d'idées, d'images et de paroles qui a le vent en poupe. Ses spectacles, à cent lieues de la doxa officielle du théâtre contemporain, sont toujours des événements. C'est un Suisse au-dessus de tout soupçon! Quant à Nicolas Buri, nous avons déjà souligné les qualités de son excellent Pierre de scandale (éditions d'autre part, voir ici), une biographie tout à fait saisissante et personnelle du grand homme célébré aujourd'hui.

    Je ne vous résumerai pas Le Maître des minutes : il faut aller le découvrir séance tenante au Temple de Saint-Gervais, puis au théâtre du même nom. Le spectacle réserve bien des surprises. Pas tellement au niveau du contenu, car on y insiste sur l'expèce de dictature morale que Calvin a imposée à cette brave ville de Genève (assortie de toute sorte de procès, supplices, mises à mort ou bannissements) qui n'en demandait pas tant. Mais plutôt au niveau des personnages mis en scène : une tenancière de cabaret, un sonneur de cloches (le magnifique Roland Vouilloz), un excellent syndic (Bernard Escalon), un pasteur un peu dépassé (le très bon Alexandre Blanchet), une belle allumeuse (Pascale Vachoux), etc. Tous absolument crédibles, intéressants et surtout faits d'une pâte humaine qui nous ressemble. Et au niveau d'une réflexion sur le temps et sa maîtrise, obsession calvinienne fort bien développée dans la pièce. Et qui connaît de beaux jours encore maintenant...

    En un mot, une belle soirée comme le théâtre nous en réserve parfois, vivante et émouvante.

    * Le Maître des minutes, Calvin, le guetteur et l'horloge, de Dominique Ziegler et Nicolas Buri, au Théâtre Saint-Gervais jusqu'au 28 juin. Tous les soirs à 20h30.