Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ecrivain de la comédie romande - Page 275

  • Balthus, peintre-pompier

    nu-au-foulard-82b.jpgY a-t-il, aujourd'hui, un peintre plus surfait que Balthus? Tout, dans sa peinture, sent la pose, l'artifice, le mensonge. Sa vie, d'ailleurs, ne vaut pas mieux. Dans une excellente étude, Raphaël Aubert, il y a quelques années, a montré toute l'inanité des titres nobiliaires dont le peintre français d'origine polonaise s'est vanté toute sa vie, tenant à tout prix à descendre d'ancêtres titrés et introuvables. Cette volonté de distinction (apparaître comme le descendant d'une très lointaine et noble lignée) se retrouve dans la plupart des tableaux du peintre aujourd'hui célébré dans le monde entier et qui a dépensé l'essentiel de son énergie à construire sa légende.
    L'exposition d'une trentaire de ses œuvres qui se tient actuellement à la Fondation Gianadda de Martigny en est une preuve supplémentaire. Qu'y voit-on? Un peintre laborieux, méticuleux dans le détail, grand admirateur (jusqu'au plagiat) de Piero della Francesca, doté d'une technique tout à fait estimable, mais d'une inspiration tristement répétitive. Ses tableaux? Parlons-en. Une grande partie (la plus connue, la moins intéressante) s'attache à peindre, dans une aura « hamiltonnienne » de scandale, les émois troubles de l'adolescence. Ce sont d'habitude de très jeunes filles, blouse entrouverte, jambes écartées, qui regardent le spectateur du tableau avec une lascivité de bon aloi (mais qui sonne faux, également). Ailleurs, des scènes toujours teintées d'une sensualité d'autant plus lourde qu'elles sont rendues avec un souci rare du détail.
    Adulé par certains, méprisé par d'autres, il m'apparaît, aujourd'hui, comme le peintre pompier par excellence. Celui qui, par ses tableaux, essaie de résister à la révolution piscturale du XXe siècle, qui est une révolution iconoclaste. C'est le barrage bourgeois aux inventions folles d'un Picasso ou d'un Braque, par exemple. Aux délires polychromes d'un Kandinski ou d'un Mondrian. Au génie vraiment inovateur d'un Miro ou d'un Fernand Léger.
    Peintre pompier, le Comte Balthus aura marqué pourtant son siècle pour la raison toute simple qu'il n'en a jamais fait partie.
    Si vous ne me croyez pas, allez-y voir vous-mêmes!

  • Pressées, les oranges!

    1689625854.jpgL'équipe des Pays-Bas, qui a fait exploser hier soir le verrou italien, nous a réconciliés avec le football. Finies les affaires de fric! Balayée la psychose des hooligans! Foin des tristes calculs d'apothicaire de Domenech ou Donadoni! Place au jeu! Et sur ce chapitre, croyez-moi, les Bataves en connaissent un rayon! Inventif, dynamique, faisant circuler le ballon à toute vitesse entre les lignes, alternant passes courtes et passes longues, utilisant toute la largeur du terrain, etc., ils ont donné aux Italiens une leçon de football. Ce n'est une surprise que pour les néophytes. Car, de tout temps, les Hollandais ont eu leur propre philosophie du jeu, basée sur un engagement physique de chaque instant, une grande habileté technique, une générosité qui, si elle n'est pas toujours payante, assure au spectacle une tension et une folie sans pareilles. Renouant avec la grande époque des Cruyff, Neeskens et autres, l'équide de Marco Van Basten a fière allure. Comme son aînée, elle va toujours de l'avant, se dépense sans compter. La frileuse équipe de France n'a qu'à bien se tenir. Espérons seulement que les magiciens oranges gardent encore quelques tours dans leur sac pour les prochains matches (il en reste cinq à gagner pour devenir Champions d'Europe) ! Mais que la fête continue!

    Lien permanent Catégories : badinage
  • Fragments du corps amoureux

    381741339.jpgJournaliste au long cours, bien connue des lectrices de Marie-Claire ou du Temps, Isabelle Guisan avait exploré, il y a dix ans, les méandres du chômage et la vie des Suisses du lointain. Dans un petit livre au titre épatant, Le tour du monde en quarante-quatre amants*, elle plonge aujourd’hui dans la fiction en retraçant le parcours sensuel de Laure, une femme libre qui lui ressemble, sans doute, comme une sœur.
    Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, Isabelle Guisan tente d’approcher le mystère du corps. Le sien, d’abord. Le plus familier en même temps que le plus étranger. C’est le corps d’une fillette de trois ans qui recherche le regard de son père, et surtout le contact de son corps quand l’orage gronde, ou quand le sommeil ne vient pas. Ce corps surgi de la grotte maternelle, et qui doit se frayer un chemin dans la jungle du monde. Ce corps toujours en manque (de caresses, d’attention) que Laure, au fil des ans, a de plus en plus de peine à maîtriser.
     Le corps des autres, aussi. Empreint des mêmes manques et de la même violence. Comme ce jeune homme inconnu qui entraîne Laure dans les caves de son immeuble, l’assied sur ses genoux et s’apprête à commettre l’irréparable. Le corps entraperçu, à peine apprivoisé, des amants de passage. Le corps massif de Jérôme qui l’écrase dans le lit. Le corps de la belle Elena, drapée dans « une grandeur romanesque », qui se délite avec l’âge. Le corps cassé par la douleur qui l’oblige à ramper. Ou le corps qui exulte en plein midi, sur une plage déserte, sous le regard désiré/désirant d’un pêcheur d’éponges. Le désir fulgurant de Mourad, qui la couvre de cadeaux et de fleurs, puis lui transperce le ventre, dans sa chambre d’hôtel, avant de piller sa valise et de faire main basse sur son billet d’avion…
    Soigneusement ordonnés et numérotés, ces « souvenirs corporels » se feuillettent comme un album de photographies intimes. Chaque fragment énonce une impression ou un moment particulier de l’histoire de Laure. Aucune tricherie dans ces évocations ciselées avec précision et poésie : Isabelle Guisan traque la vérité de chaque geste, de chaque regard, de chaque caresse. Tantôt opaque et tantôt étranger, le corps de Laure voyage au gré de ses désirs, en quête d’un ailleurs qui se dérobe sans cesse. C’est ainsi que Laure sillonne le monde entier : de l’Irak au Maroc, en passant par l’Amérique et la Crète, Beyrouth et Bénarès, vivant à folle allure sa liberté de journaliste, en aventurière jamais rassasiée de nouvelles sensations.
    Dans la dernière partie du livre, Isabelle Guisan repousse avec force l’image de ces « femmes vieillissantes qui errent sans compagnon dans la vie moderne ». Mais elle sait que sa liberté a un prix. Elle rêve toujours de l’amour de « Michel ». Son corps se fond doucement dans la mer. Elle se dilue dans le son du ressac. Retrouvant, pour toujours, les douceurs de la grotte maternelle.
    * Le tour du corps en quarante-quatre amants par Isabelle Guisan, L’Aire, 2006.