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Ecrivain de la comédie romande - Page 277

  • Patrice Duret ou le charme des fées

    772533361.jpgNouvelles ? Poèmes ? Récit autobiographique ? Les Ravisseuses*, le dernier livre de Patrice Duret (né en 1965 à Genève), frappe d’abord par son étrangeté. C’est une suite de 24 textes (allusion aux heures d’une journée d’amour ?), tantôt narratifs, tantôt poétiques, tantôt écrits sous la forme d’une lettre ou d’une carte postale. Groupés le plus souvent par trois (narration, lettre, carte postale), ils décrivent les diverses étapes d’un itinéraire amoureux qui ressemble fort à une initiation, au sens nervalien du terme (c’est-à-dire ésotérique et mystique). Balisés de symboles (la bulle, la tour, le bain, la route) qui dessinent une nouvelle Carte du tendre, ces textes évoquent, à chaque station, une figure féminine (Sylvaine, Pasqualita, Isis, Aline…), dont le narrateur réactive et ressuscite, si j’ose dire, la rencontre. C’est une manière, à la fois, de regarder en arrière vers les visages disparus ou effacés par le temps, et de rendre hommage à sa Béatrice : la femme qui guide ses pas, et vers laquelle convergent toutes les évocations. Il y a beaucoup de fraîcheur et de poésie dans ce voyage à travers les sentiments amoureux.
    Cela n’étonnera personne si l’on sait que Patrice Duret, qui a reçu le Prix-Rod, en 2006, pour Le Chevreuil, est aussi, et avant tout, un poète (il dirige d’ailleurs les éditions du Miel de l’Ours, à Genève). On reconnaît, dans Les Ravisseuses, sa musique et sa poésie à fleur d’émotion. Perdu « au milieu du chemin de la vie », le poète tombe sous le charme des femmes qu’il rencontre, à la fois ravissantes et ravisseuses, c’est-à-dire voleuses d’âme. C’est peu dire qu’il n’en sortira pas indemne. Chacune, en même temps qu’elle lui vole une partie de lui-même, le révèle et aide le poète-pèlerin à se réapproprier (« J’aimerais que l’écriture serve à cela, à se réapproprier l’intime de notre rencontre »). C’est pourquoi ce court récit-poème à la force d’un exorcisme et d’un aveu. Exorcisme, d’abord, parce qu’il brûle les images du passé, tout en les célébrant une dernière fois. Aveu, ensuite, parce que tout le livre, entre les lignes, est une déclaration d’amour à l’ultime ravisseuse, innommée, qui relègue dans l’ombre, mais pas dans l'oubli, toutes les autres.
    *Patrice Duret, Les Ravisseuses, Zoé, 2008. 

  • Un Marc Roger vaut mieux que deux tu-l'auras!

    39337518.jpgVous connaissez l'histoire de ce gars qui a eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment? Nous sommes en 2004. On s'apprête à mettre un club en faillite, le FC Servette pour ne pas le nommer, quand, surgissant de nulle part, comme Winkelried poussé dans le dos par les siens, un homme s'avance et décide, par défi ou inconscience, de reprendre le club. Ce héros, vous le connaissez, il s'appelle Marc Roger. Il a le tort, aux yeux des notables genevois, d'être Français. Donc étranger. Et chacun sait qu'en tout bon Genevois sommeille un UDC…
    S'il s'avance, ce héros, c'est aussi qu'on l'a poussé en avant, et qu'on lui a fait de nombreuses promesses. On lui a fourni de solides garanties financières (M. Mauss). On lui a promis que le club était assaini (M. Luscher). On a gonflé les chiffres de fréquentation du stade. Autant de promesses mensongères…
    Jovial, naïf, celui qu'on va bientôt surnommer Tartarin se lance dans l'aventure. Seul. Cela ne plaît pas aux notables de la place, qui lui mettent les bâtons dans les roues. Un à un, les financiers qui l'entouraient se défilent. Celui qui devait l'épauler (M. Mauss) joue les fantômes. Un autre, président du Real Madrid, M. Sainz, qui avait promis des millions, retire ses billes, sans honorer ses engagements. Un journal de la place, Le Temps, le diffame gravement, et en toute impunité. Qu'importe! Notre Tartarin reste à la barre jusqu'au naufrage final. Baroud d'honneur…
    Quatre ans plus tard, Marc Roger est toujours en prison préventive. A Genève, cette ville qui l'a si chaleureusement accueilli. C'est vrai qu'il a tenté, par deux fois, d'échapper à la justice, et qu'il s'est fait piquer, comme un bleu, dans un hôtel espagnol, aux premières lueurs de l'aube. Mais tous les avocats du monde s'accordent à dire que la justice s'acharne sur lui. Qu'il est en préventive depuis trop longtemps. Que la peine de prison qui le menace risque d'être inférieure à celle qu'il a déjà purgée. Qu'importe. Il est Français. Il faut faire de son cas un exemple…
    Quoi qu'il en soit, le procès qui devrait (enfin!) s'ouvrir en septembre, risque de valoir son pesant de révélations et de coups de théatre. D'autres notables, inculpés comme lui (M. Mauss, Me Fauconnet), devront s'expliquer publiquement. Et risqueront, eux aussi, la prison ferme. Ce qui n'est que justice. On verra alors qui, dans cette affaire bien genevoise, ressemble à M. Seguin ou au curé de Cucugnan. 
     

    Lien permanent Catégories : sin city
  • À la rencontre des jeunes lecteurs…

    2088726000.jpgLe risque, quand on publie un livre, c'est que quelqu'un le lise! Mais ce risque devient une chance quand les lecteurs, entre douze et quinze ans, qui occupent toute l'aula d'une école, sont assis, là, devant vous, les yeux brillants, et se réjouissent de vous poser les questions qu'ils ont soigneusement préparées. Alors, très vite, le dialogue s'installe, et le livre partagé devient le lieu d'une rencontre…
    C'était mercredi dernier, au collège de Roche-Combe, dans cette belle ville de Nyon où j'ai passé les premières années de ma vie, entre la fabrique d'allumettes et la place Perd-Temps. Grâce à l'initiative de deux enseignantes enthousiastes, Béatrice et Anne-Élisabeth, et du bibliothécaire de l'école, M. Nicod, une dizaine de classes de 7e, 8e et 9e année ont lu, intégralement ou en extraits, L'Enfant secret, un récit dans lequel j'essaie de raconter l'hstoire à la fois banale et hors du comme de mes grands-parents, italiens par ma mère et vaudois de la Côte par mon père. 
    Dans le jeu passionnant des questions, certains élèves, parmi les plus timides en classe, ont pris plusieurs fois la parole, à la grande surprise de leurs professeurs ; tandis que d'autres, qui avaient inscrit dans leur cahier des pages de notes, n'ont pas osé ouvrir la bouche. Il y avait non seulement de la fraîcheur, de la spontanéité, dans la pluie de questions adressées à l'auteur, mais aussi de l'humour, de la tendresse et beaucoup de perspicacité (« Est-ce que le personnage de Julien, dans votre livre, est vraiment heureux de retrouvrer la vue? »). Des questions parfois indiscrètes, souvent retorses, toujours intéressantes. Preuve qu'un livre, quand on prend la peine (et le risque) de s'y plonger, est une source de vie et d'interrogations…
    Deux fois deux heures pleines (les classes étaient divisées en deux groupes), d'une grande intensité, d'échange et de partage. Pour les élèves, enchantés par l'expérience, c'est l'occasion unique de rencontrer celle ou celui qui se cache derrière un livre. Pour l'écrivain, c'est une chance, exceptionnelle, de rencontrer celle ou celui qui, par sa vivacité, sa générosité, donne vie à ce que, modestement, il a essayé fixer par l'écriture.
    Pour tout cela, ces quatre heures d'intense dialogue, je suis reconnaissant aux élèves du collège de Roche-Combe et à leurs magnifiques enseignantes! Merci!