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Ecrivain de la comédie romande - Page 18

  • Un roman mythologique (Jean-Pierre Rochat)

    images-1.jpegIl y a une petite musique de Jean-Pierre Rochat dont on suit fidèlement, année après année, livre après livre, les mésaventures drolatiques. On se souvient de l'excellent Écrivain suisse allemand*, paru en 2012, Prix Michel-Dentan 2013, et de Petite Brume**, paru en 2017, qui racontait son amour des animaux et la sinistre mise aux enchères de sa ferme. 

    On retrouve Rochat aujourd'hui, avec Roman de gares***, chassé de chez lui, condamné à marcher dans la montagne avec son petit âne et son baluchon — un conte de Grimm qui lorgnerait du côté de Stephen King. Chacun de ses livres est une tranche de vie, précise, rêveuse, drolatique. Dans son malheur, abandonné de tous, grugé par les nouveaux propriétaires de son domaine, Rochat trouve toujours une lueur d'espoir. On dirait que le destin — facétieux, mais toujours favorable — ne l'oublie pas. Il prend la forme, ici, de rencontres inattendues, deux femmes amoureuses de ses livres, Marianne et Dina, qui sont l'amorce d'un nouveau départ — d'une nouvelle vie, pour ce paysan sans terre à qui seule reste l'écriture.

    images-2.jpegLe talent de Rochat, si rare aujourd'hui, c'est qu'en racontant sa propre histoire, souvent banale et ironique, il trace aussi les bases d'une mythologie. Ce qu'il écrit se donne à lire comme un feuilleton hyper-réaliste (un roman de gare), mais aussi comme un conte fantastique plein de surprises et d'émotions. C'est le roman d'un être émerveillé par l'existence, la nature, les femmes, à qui la mort fait les yeux doux, mais qui se laisse entraîner dans de nouvelles amours improbables. Les femmes qu'il rencontre — et avec qui il vivra quelques bribes de passion torride — ne sont pas libres comme lui, qui a tout perdu. La première est mariée et la seconde séparée, mais encore sous le joug d'un ex menaçant. Rochat décrit magnifiquement, avec une (fausse) candeur naturelle, les étapes de ces idylles passionnées, presque désespérées, dont on sent la fragilité à chaque instant. images-3.jpegCes deux épisodes, au début et à la fin du livre, sont entrecoupés par des évocations autobiographiques de sa jeunesse (sa première fugue, son séjour en maison de correction, son arrivée à la montagne). Cela donne au livre une force et une originalité surprenantes, tout en nuances impressionnistes, sans avoir l'air d'y toucher. 

    * Jean-Pierre Rochat, L'écrivain suisse allemand, éditions d'autre part, 2012.

    ** Jean-Pierre Rochat, Petite Brume, éditions d'autre part, 2017.

    *** Jean-Pierre Rochat, Roman de gares, éditions d'autre part, 2020.

  • Tuer le Maître (Olivier Chapuis)

    detail_blonaysan.jpgIl y a quelque chose d'œdipien dans le dernier livre d'Olivier Chapuis, Balles neuves*, qui est centré sur la passion (et la détestation) de Roger Federer. À vrai dire, une passion dévorante et (auto)destructrice. Dans ce livre à tiroirs, il s'agit bien de tuer le Maître, Rodgeur en personne, responsable du malheur d'Axel Chang, le personnage principal du récit en abîme. 

    Le narrateur — coaché par BK, un écrivain alémanique à succès — se lance dans l'écriture d'un texte qui met un peu de temps à démarrer. On fait la connaissance de Marie, l'épouse d'Axel, des trois enfants du couple, des familles réciproques (curieuse soirée passée avec la belle-famille Dubochet, pas encore Prix Nobel, à admirer les coups géniaux de RF) Federer-AO-2020-11-696x464.jpeget, bien sûr, du héros lui-même, Axel Chang, qui est chef de rayon des appareils électro-ménagers d'un grand magasin. C'est un anti-héros qui mène une vie banale, sans surprise et sans émotions. Mais peu à peu le drame se noue autour du Maître, précisément, adoré par Marie (« quel homme, ce RF ! ») et abhorré par Axel qui ronge son frein en se cachant dans la cuisine. Cette faille infime va s'élargir au fil du livre et provoquer même la séparation du couple. Le récit de cette déchirure est bien mené, avec force détails et épisodes symboliques. Manque, peut-être, dans ce récit trop lisse, un peu de théâtralisation (c'est d'ailleurs le reproche que fait au narrateur le coach littéraire).

    images-2.jpegIl ne faut pas déflorer la fin de ce texte tout en effets de miroir. Disons seulement qu'il progresse logiquement vers son terme, en accomplissant son mot d'ordre : tuer le Maître. Mais de quel maître s'agit-il ? Aux yeux du monde, RF n'est plus un homme, même plus un maître. C'est une icône universelle qu'on ne peut briser de ses mains. Intouchable. Éternelle. Et comment tuer le Maître sans se tuer soi-même ? C'est la morale de ce roman fort bien écrit par Olivier Chapuis qui explore parfaitement les deux faces de la gloire, mais aussi de l'amour et de la haine.

    Un livre à mettre sous le sapin !

    * Olivier Chapuis, Balles neuves, BSN Press, 2020.

     

  • Rendons grâce au Covid !

    images-1.jpegRendons grâce au Covid-19 : il nous aura beaucoup crétinisés !

    Mais aussi infantilisés. Et encore culpabilisés.

    Nous seulement on nous a pris pour des enfants, indociles et stupides, mais on nous a fait comprendre, par des conseils qui se sont transformés en menaces, que si l'on est malades, c'est un peu de notre faute, quand même, parce que l'on n'a pas appliqué les sacro-saints gestes-barrière.

    Le Covid-19 — c'est-à-dire son traitement par les autorités politiques et sanitaires (qui sont les mêmes depuis 9 mois) — nous aura aussi appris à faire une distinction fondamentale entre ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas. Distinction d'abord politique, économique et idéologique.

    D'un côté, l'essentiel, donc : le télétravail, les diverses administrations, les magasins d'alimentation (surtout les grands), les transports en commun, les coiffeurs et les tatoueurs, etc. Tout ce dont ne peut se passer.

    De l'autre, l'inessentiel : les cafés et les restaurants, les manifestations sportives et, bien sûr, tout en bas de la liste, les théâtres, les cinémas, les concerts de musique, etc. Tout ce dont on peut facilement se passer. Autrement dit, le superflu.

    Ce que les pires idéologues de droite comme de gauche n'avaient jamais même songé à proposer, le Covid-19 l'a réussi du premier coup.

    Chapeau ! 

    On savait depuis longtemps le désintérêt des politiques pour la culture (au sens large du terme) qui, pourtant, occupe beaucoup de gens et représente une source importante de revenus. Mais un tel mépris, qui aurait pu l'imaginer ?