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Ecrivain de la comédie romande - Page 147

  • Après l'Orgie (J-9)

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    Le titre, d'abord : Après l'Orgie.

    Il est tiré d'une citation du sociologue et philosophe français Jean Baudrillard, mise en exergue du roman :

    « Ce fut une orgie totale, de réel, de rationnel, de sexuel, de critique et d’anti-critique, de croissance et de crise de croissance.
    Nous avons parcouru tous les chemins de la production et de la surproduction virtuelle d’objets, de signes, de messages, d’idéologies, de plaisirs.
    Aujourd’hui, tout est libéré, les jeux sont faits et nous nous retrouvons collectivement
    devant la question cruciale : QUE FAIRE APRÈS L’ORGIE ? »


    Jean Baudrillard, grand amateur de photographie lui-même, a beaucoup analysé les sortilèges de l'image, et la place qu'elle occupe dans notre société. Mode, publicité, propagande politique. Sans oublier, bien sûr, notre passion pour les écrans qui filtrent notre vision du monde : télévision, iPod, iPad, iPhone, PC, etc. Baudrillard appelait ça règne du simulacre.

    Après l'Orgie explore les pistes de l'image et du simulacre qui occupent, désormais, la place de Dieu dans notre vie.

    © illustration : Après l’orgie de Fidencio Lucano Nava, sculpture en marbre, 1909.

  • Après l'Orgie (J-10)

    olivier_orgie_270-z.jpgLe 4 septembre, on trouvera, dans toutes les bonnes librairies, Après l'Orgie, mon dernier livre. En attendant le jour fatidique, voici, j'espère, de quoi attiser votre curiosité…

    Le roman met en scène le tête-à-tête, qui tourne au corps à
    corps, entre un psy et sa patiente, Ming, 25 ans, née à Shangai et
    soeur d’Adam dans L’Amour nègre. Enfant, elle a été adoptée par
    un couple d’acteurs américains. Elle a connu la vie facile aux États-
    Unis, mais aussi l’exil en Suisse. Elle vient le consulter pour aller
    mieux, avouer ce qu’elle a sur la conscience. Mais raconte-t-elle
    la vérité ? Toute la vérité ? L’effort du psy sera d’accoucher sa
    patiente pour mettre des mots sur ses maux. En se demandant si celle-ci ne le mène pas en bateau…
    Ming incarne, à sa manière, le combat d’une femme qui cherche à se libérer des liens
    qui l’emprisonnent : son origine, son éducation, la tyrannie de l’image, la violence masculine,
    l’obsession du corps parfait, etc. Elle doit trouver sa voie dans le spectacle – la société qui fait
    d’elle une image.
    Dans la seconde moitié du livre, Ming vit en Italie. Elle évolue dans le milieu de la mode,
    puis de la télévision, puis de la politique (les trois sont étroitement liés). Elle devient l’égérie
    d’un couturier (Jim Terby), puis d’un chef de gouvernement (Papi). C’est l’occasion de faire
    le portrait d’un monde en déliquescence, fondé précisément sur l’image et la politiquespectacle.
    Un monde à bout de souffle.
    Le roman pourrait s’appeler Satyricon 2012. C’est une fresque acide et drolatique sur la
    société d’aujourd’hui dans l’esprit du Satyricon attribué à Pétrone, et mis en images par Fellini.
    Ses gourous (photographes, designers, couturiers). Ses icônes du moment (stars de cinéma ou
    de la télévision, joueurs de football, hommes politiques). Son ennui larvé. Son obsession du
    plaisir. Son désir d’éternelle jeunesse réalisé grâce aux miracles de la chirurgie esthétique.
    Papi – caricature de Silvio Berlusconi – incarne à lui seul ces travers. Lui aussi, dans le
    livre, est à bout de souffle : il a voulu faire de sa vie une orgie continuelle (sexe, pouvoir, ivresse, festins). Il est l’incarnation de l’homo festivus qui vit dans le spectacle et pour la fête. Il a goûté à tous les plaisirs. Il a remodelé son corps. Il a joui de chaque instant.

    Mais une question se pose alors : que faire après l’orgie ? Que reste-t-il à vivre une fois qu’on a tout exploré ?

  • Une vie palpitante

    Ma mère est née entre deux guerres. Mais les combats qu’elle a livrés, sa vie durant, sont innombrables. Elle est née à Trieste, autrefois métropole austro-hongroise, peu après que la ville est passée aux mains des irrédentistes et se met à parler italien. Vingt ans plus tard, Trieste est prise par les Allemands, avant d’être occupée, pendant 40 jours, par les troupes du Maréchal Tito en 1945, puis libérée par les soldats néo-zélandais. En 1947, la ville devient alors territoire libre.

    C’est précisément cette année-là que ma mère abandonne un pays dévasté par la guerre. Elle a 22 ans. Elle quitte l’Université, où elle poursuit des études de Lettres, et ses parents, ses deux sœurs et son frère. Sur les conseils d’un pasteur du Piémont, elle prend le train, comme une foule d’émigrants, pour un petit pays dont elle connaît à peine le nom : la Suisse. Elle atterrit à Nyon, dans une clinique privée, la Métairie, où elle devient infirmière en psychiatrie. En quelques mois, elle apprend le français, sa troisième langue après l’allemand et l’italien. La vie n’est pas facile. Les médecins sont tout-puissants, et les mains, baladeuses. Elle se bat pour se faire respecter.

    Une Étrangère est constamment au commencement de son histoire.

    Les bals. L’envie de s’évader. Une autre vie. Elle se marie avec un beau jeune homme, vaudois, rêvant, lui aussi, de fuite et de voyages. C’est compter sans la belle-famille qui veut dicter sa loi. « Vous irez travailler et nous garderons votre enfant. » Ma mère enchaîne les tâches alimentaires. Petite main dans un atelier d’abat-jour. Vendeuse dans un grand magasin de bas. Dactylo pour une compagnie d’assurance. C’est, à chaque fois, un nouveau combat. Toute sa vie, une Étrangère doit faire ses preuves.

    De guerre lasse, ma mère récupère son enfant, quitte Nyon et sa belle-famille possessive, et s’installe à Genève, ville où l’on parle toutes les langues. Nouveau départ. Nouvelles luttes. Elle se bat pour faire valoir ses diplômes italiens. Peine perdue. La Suisse ne reconnaît pas les certificats d’étude étrangers. Une huile du DIP, au nom prédestiné, Monsieur Christe, séduit par son accent, l’engage à l’essai. C’est une nouvelle vie qui commence.

    Trente années d’enseignement heureux, puis les derniers combats. La longue maladie de mon père. Le cœur qui se met à battre la chamade. Les doigts déformés par les lessives à l’eau de Javel. Les yeux usés et la vue qui s’éteint au fil des jours.

    Ma mère fête aujourd’hui ses 87 ans. Parmi les membres de sa famille, c’est elle qui a vécu le plus longtemps. Elle aura traversé les frontières et les langues. Les petites et les grandes guerres. Élevé deux enfants et deux petits-enfants. Enseigné à plus de six cents jeunes garnements.

    Une vie de guerrière, indignée, silencieuse, minuscule. Humaine, rien qu’humaine. Toute une femme, faite de toutes les femmes et qui les vaut toutes et que vaut n'importe qui, comme dirait Jean-Paul Sartre.

    Mais une vie palpitante.