Indispensable à la survie de l'être humain, c'est une maîtresse jalouse, qui parfois prend le masque du savoir-vivre, de la politesse ou de la décence. Certains prétendent la mépriser, mais c'est en fait ceux qui la servent le mieux. C'est le fonds de commerce de tout homme (ou femme) politique. Et cela semble, de plus en plus, être une spécialité genevoise. Vous avez reconnu : l'hypocrisie.
Seul un écologiste, à Genève, peut être assez naïf ou assez fou pour réclamer le ministère de la Culture, depuis toujours réputé ingérable. Patrice Mugny est cet homme-là. Saluons donc son courage. Car il en faut pour empoigner tous les dossiers pourris du paysage culturel genevois (le PCG) et, envers et contre tous, prendre finalement une décision. Ce que personne, au fond, ne lui pardonne.
Petit rappel des faits : quand Mugny prend le rênes de la culture genevoise, en 2003, tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut un grand coup de balais dans certaines institutions culturelles particulièrement poussiéreuses, ou atteintes de dysfonctionnement chronique. Tout le monde ? C'est-à-dire le microcosme culturel, les députés et même le public. Quelles institutions ? Le Musée d'Ethnographie, tout d'abord, dont le personnel ne cesse de se plaindre, menaçant même de faire grève. Mugny crève l'abcès et licencie le directeur en place. Première volée de bois vert de la part même de ceux (les députés, la presse, les hypocrites) qui réclamaient un changement. Bientôt c'est au tour du Grand-Théâtre : la révolte gronde parmi le personnel. On déplore des dépressions, du surmenage et même un suicide. Mugny se renseigne, comme il a coutume de le faire, et, une fois encore, il tranche dans le vif, se séparant de la diva d'opérette qui dirigeait l'institution. Bronca dans la République! Ceux-là même qui dénonçaient la situation dramatique de l'Opéra tombent à bras raccourcis sur le magistrat, coupable de tous les maux, écolo soixante-huitard, ignare en grande musique et même joueur d'accordéon…
La coupe est pleine ! Comme les vautours de Lucky Luke, les hypocrites attendent la curée…
Aujourd'hui, Mugny crée une fois de plus le scandale en commandant un audit que tout le monde réclamait (le personnel du MHA, les députés, la presse, le public) à propos d'un Musée dont chacun s'accorde à dire — parmi les Genevois comme les nombreux visiteurs étrangers de notre belle ville — qu'il est indigne de Genève, parce qu'il manque de rayonnement, d'imagination, de visibilité (parlez à ces mêmes visiteurs du Musée de l'Hermitage, à Lausanne, ou de la Fondation Giannada, à Martigny, et vous verrez leurs réactions). Bref, depuis des lustres, Genève a mal à ses musées. Une fois encore, tout le monde le sait, tout le monde le murmure. Mais lorsqu'un magistrat prend ses responsabilités (ce qu'on attend de lui), il est exécuté sur la place publique! Par ceux-là même qui le suppliaient d'agir…
Le prochain coup de Mugny, chacun peut le prévoir : il concerne le théatre de la Comédie, qui a perdu depuis quelques années l'aura considérable qu'il avait acquise sous le règne de Benno Besson, puis de Claude Stratz. De théâtre au rayonnement national, voire international (on se souvient des tournées triomphantes de L'Oiseau vert ou de L'École des Mères de Marivaux, mise en scène par Stratz), la Comédie est devenue un théâtre d'ambition régionale, régatant avec peine avec d'autres institutions plus dynamiques comme Carouge ou le Forum de Meyrin. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Les députés, le public, la presse, les hypocrites. Mais on rechigne à couper une tête, parce qu'il s'agit d'une femme…
Diriger la culture n'est pas une sinécure, surtout à Genève, où chacun a sa propre idée sur la question. Il faut être fou pour rêver de ce poste. Ou idéaliste. Ou écolo. Ou joueur d'accordéon. Patrice Mugny est ce fou-là. Politics is a dirty business, but somebody has got to do it. La politique est un sale boulot, mais quelqu'un doit le faire. Alors soyons reconnaissants à notre « ayatollah vert » de prendre enfin les décisions (bonnes ou mauvaises, l'avenir seul le dira) que chacun, plus ou moins ouvertement, réclamait dans la République. Le public. La presse. Les hypocrites.
Pour son premier roman, on peut dire que Nicolas Buri (né en 1965 à Genève) ne manque pas de souffle, ni d’ambition. Pierre de scandale* met en scène, dans un livre haletant, rien moins que Jean Calvin lui-même. Revisitant, après tant d’autres, mais de manière absolument personnelle, la vie mouvementée du grand réformateur français. Tout commence en 1515, date fatidique de la bataille de Marignan, et surtout de la mort de sa mère. À partir de ce choc, de la haine larvée qu’il voue à son père, Calvin va s’affranchir des siens, quitter sa modeste province pour aller suivre, à Paris, l’enseignement des maîtres de l’époque. C’est là qu’il croisera Rabelais (rencontre à vrai dire improbable), aura des démêlés avec les représentants de l’Inquisition, rencontrera Michel Servet. Dans une langue âpre et précise, jubilatoire, Buri décrit le périple de celui qui n’est encore qu’un pèlerin catholique assez ordinaire. Il faudra des voyages, des rencontres, des illuminations, pour que Calvin se forge un destin qui marquera durablement l’Europe, et singulièrement Genève, la nouvelle Rome protestante.
Impayables, les socialistes genevois! Alors que le monde traverse une crise (financière, mais aussi politique et sociale) sans précédent, alors que Genève a besoin de personalités fortes et compétentes, ils choisissent, une fois de plus, le compromis, la pseudo-parité, l'éloge du juste de milieu. « Soyons médiocres ! » semble être leur mot d'ordre. Pourtant, samedi, lors de la désignation du ticket socialiste pour le futur Conseil d'État, les membres du PS avaient le choix. Quatre candidats pour un poste : Mmes Rielle-Fehlmann, Torracinta-Emery et Pürro et M. Tornare. Sur le papier, déjà, la lutte était inégale. Tout s'est avéré joué d'avance. L'intrigue, les complots souterrains, l'alliance des pleutres et des vélléitaires, la mesquinerie, les revanchards ont fait le reste. Le choix final s'est porté sur deux noms, qui ne font la paire que sur les photos. Charles Beer, donc, malgré un bilan désastreux (qui va s'alourdir encore dans les mois qui viennent) et Véronique Pürro, déjà éjectée une fois des joutes électorales, sont les deux dindons de la farce.