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  • Deux Prix Rod pour 2010 !

    images.jpegAprès Alexandre Voisard en 2008, le Prix Rod distingue cette année deux très bons écrivains romands : Olivier Beetschen, poète et animateur de la Revue de Belles-Lettres (photo de gauche) pour son recueil Après la comète* (voir ici) et Jil Silberstein (photo de droite), journaliste et écrivain au long cours, pour son récit Une Vie sans toi** (voir ici).images-1.jpeg

    Fondé en 1996 par Mousse Boulanger et Jacques Chessex, ce (double) Prix Rod 2010 sera remis samedi 20 mars à 11 heures à l'Estrée, à Ropraz, un charmant village vaudois entre Lausanne et Moudon.

    Venez fêter les lauréats avec nous !

    Il y aura de la musique (la guitare de Gabor Kristof), un apéritif offert par la commune et la littérature sera à l'honneur toute la journée !


  • L'autre Chessex

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    On croyait tout savoir sur Jacques Chessex. Mais lequel ? Le romancier à succès, Prix Goncourt 73 pour L’Ogre, traduit dans une vingtaine de langues ? Le poète, le critique d’art, le chroniqueur ? Le peintre ? Mais il y a toujours un autre Chessex. Grâce à Michel Moret, nous découvrons Chessex épistolier. Dans un livre qui tient à la fois de l’hommage et de l’amitié, Une vie nouvelle* (dont on peut se demander, toutefois, si Chessex aurait autorisé la publication) il publie une vingtaine de lettres écrites entre janvier et avril 2005. Soit entre la naissance du Christ et sa Résurrection.

    Jacques Chessex écrivait tout le temps. C’est un mythe qui agace beaucoup de monde. Il écrivait des romans et des nouvelles pour Paris. Des chroniques pour les journaux suisses. Des poèmes publiés chez Campiche et Grasset. Mais c’était également un fou de lettres. La légende, toujours, veut qu’il ait écrit près de 10'000 lettres au seul Jérôme Garcin (pour ma part, j’en ai reçu près d’une centaine). Parmi celles qu’il a reçues, Michel Moret a choisi d’en publier une vingtaine, en les accompagnant de leur fac-simile. C’est une très bonne idée. Car le style de Chessex passe d’abord par son écriture, sa graphie. Une écriture à la fois souple et aérée, presque sans rature, harmonieuse, précise. Une écriture où chaque mot, chaque lettre, même, compte.

    Plutôt qu’une correspondance, c’est un soliloque que publie Michel Moret (qui a laissé de côté les lettres qu’il a lui-même écrites à Chessex). On entend que la voix du Maître. Tantôt sous forme de poème matinal (Chessex aimait se lever tôt), tantôt de récit de voyage (Chessex aime écrire dans le train), tantôt encore de méditation sur la nature ou le temps qu’il fait. On découvre dans ces lettres un Chessex qui n’est pas inconnu, bien sûr, pour peu qu’on ait fréquenté l’écrivain de Ropraz, mais un Chessex qui pose le masque, provisoirement, et ose montrer sa tendresse, ses coups de cœur (pour les livres du Père Longchamp) ou ses détestations (le dernier livre de Michel Onfray). Comme toujours, c’est brillant et injuste. Il y a une voix inimitable, un regard sur le monde, une présence.

    Ce qui apparaît dans ces quelques lettres, entre naissance et résurrection, c’est le désir de légèreté, de dépouillement, de réconciliation de Chessex avec le monde et avec lui-même. Peu d’écrivains auront été aussi déchirés que Chessex. Ces lettres montrent qu’au-delà des blessures il y a cette volonté d’apaisement et d’allègement. Ce n’est pas un hasard si cette volonté est associée, dans ces lettres, avec la neige et le désir de Dieu (qui donneront la matière de deux livres à venir).

    Ce petit livre, gage d’amitié et de reconnaissance, montre une autre facette d’un écrivain protéiforme, tout à la fois secret et lumineux. C’est une facette éphémère (de janvier à avril 2005), liée à un moment de la vie de l’écrivain. Une facette qui bientôt changera de couleur et d’aspect. Mais une facette importante pour qui veut mieux comprendre cet homme aux multiples talents qui a commencé par écrire des poèmes et s’est penché, à la fin de sa vie, sur le destin du crâne du Divin Marquis de Sade.

     

    * Jacques Chessex, Une vie nouvelle, lettres à Michel Moret, éditions de l’Aire, 2009.

    ** Jacques Chessex, Le dernier crâne de M. de Sade, roman, Grasset, 2010.

  • Le brave médecin et l'écrivain

    aEdm3WqX0r8J.jpeg Je n'aimerais pas être à la place du médecin yverdonois, le docteur D., qui, ayant interpellé violemment l'écrivain Jacques Chessex, vendredi 9 octobre, lors d'un débat public, a provoqué le malaise qui causé la mort de l'écrivain. Ce médecin courageux (qui s'est éclipsé sans même attendre la réponse que Chessex lui destinait) s'explique aujourd'hui dans 24 Heures (voir ici). Que valent ces explications ? Pas grand-chose, bien sûr, en regard de la mort d'un écrivain. D'autant qu'elles sont émaillées de mensonges (le docteur D. prétend avoir appelé plusieurs fois Chessex pour lui parler et être tombé sur son répondeur : pas de chance, Chessex n'en avait pas !) et lestées de mauvaise foi (« Je ne savais pas que Chessex était si malade » prétend le Tartuffe, décidément peu clairvoyant). C'est la rengaine habituelle du : « Désolé, mais je n'y suis pour rien. »

    Faut-il voir là — comme le suggère notre ami Freud — un désir inconscient de meurtre qui, pour le malheur de l'écrivain comme du médecin, s'est réalisé ce soir-là, à Yverdon ? S'agit-il, comme veut le faire accroire le docteur D., d'une simple réaction aux propos  enflammés de l'écrivain sur l'affaire Polanski ? Le vrai coupable n'est-il pas l'écrivain, au fond, qui s'est permis de défendre le cinéaste franco-polonais ? Etc.

    Les interprétations, on le voit, sont multiples. Elles ne changeront rien, hélas, à la triste réalité. Jacques Chessex est mort parmi les livres, subissant, une dernière fois, les attaques d'un brave médecin vaudois, pétri de bonne conscience, et sans doute radical.