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chessex - Page 4

  • La mort du grantécrivain

    77048180.JPG.jpeg Or donc, la Suisse romande a enterré, mercredi, à Lausanne, son grand écrivain. L'air était glacial, la foule, nombreuse. La cérémonie, austère et solennelle, collait bien à l'image que Jacques Chessex s'est construite toute sa vie : celle d'une homme grave, solitaire, tourmenté. Dans ce sens-là, elle fut fidèle. Peu de discours, si l'on excepte le bel hommage de Jérôme Garcin. Un sermon retenu. Des orgues discrètes.

    Avec Jacques Chessex, la littérature romande perd sans doute ce que Dominique Noguez nomme ironiquement — mais affectueusement — un grantécrivain* (en un mot). Qu'est-ce qu'un grantécrivain ? Un écrivain accompli qui vit pour et par l'écriture. Qui écrit tout le temps et publie beaucoup (J.C. a publié plus de 60 livres !). Qui plus est à Paris, la ville lumière, dans l'une des plus prestigieuses maisons d'édition françaises, Grasset, qui publia Céline, Giraudoux, Nourissier, etc. Un écrivain couvert de Prix et de récompenses (la vie de J.C. a été transfigurée par le Goncourt de 1973, le premier et sans doute le seul Goncourt du roman décerné à un écrivain suisse). Et, comme si cela ne suffisait pas, un écrivain à succès (son dernier livre, Un Juif pour l'exemple, s'est vendu à 30'000 exemplaires).

    Ne chipotons pas, comme d'autres, sur les menus défauts de l'homme. Ce serait ridicule, puisqu'un grantécrivain n'est pas un homme comme les autres. Il est admiré, détesté, attaqué, adulé et traîné dans la boue. Il reçoit chaque jour des mots doux et des lettres de menace. Chacun de ses gestes est épié, guetté, photographié ; chacune de ses paroles analysée longuement. Bref, un grantécrivain quitte le silence obligé et l'anonymat des artisans de l'ombre : il devient une figure publique. Les journaux l'adorent ou le descendent en flammes. Son éditeur le tient au chaud. Même la télévision s'intéresse à lui, consécration suprême de la société de spectacle.

    On le voit : J.C. était notre seul grantécrivain. Le seul dont les paroles, répercutées tous azimuts par les média, avaient valeur d'oracle. Il en a profité et il s'en est bien amusé. D'autant qu'à ses débuts, cette même presse ne l'a pas épargné. Davantage qu'un Haldas (que les critiques ignorent), qu'un Chappaz (classé « écrivain régionaliste »), qu'un Jaccottet (poète trop raffiné), voire même qu'un Bouvier (rangé dans le tiroir des « écrivains voyageurs »), Chessex a été sacré de son vivant, ce qui est rare, à la fois pour son œuvre et son sacré caractère. Ce fut le seul à défendre très au-delà des frontières les auteurs romands qu'il appréciait, comme Gustave Roud, Mercanton, Chappaz encore, Corina Bille et beaucoup d'autres.

    Comme le disait Jérôme Garcin, mercredi, à Lausanne : « il ne faut pas pleurer Jacques Chessex, il faut le lire. »

    * Dominique Noguez, Le Grantécrivain et autres textes, Gallimard, 2000.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • L'Ogre des Lettres romandes

    images-1.jpegPendant un demi-siècle, Jacques Chessex a secoué la Suisse romande par ses colères et ses indignations. Répondant, le 9 octobre dernier, lors d'un débat public à Yverdon, à un auditeur anonyme qui l'interpellait sur l'« affaire Polanski », Chessex, une dernière fois, a clamé sa colère contre les bien-pensants et la lâcheté helvétique, et il s'est écroulé, victime d'un malaise mortel.
    Cette mort théâtrale est à l'image de l'écrivain qui cultivait son personnage, à la fois austère et grave. Elle est à l'image, aussi, d'une vie de combats dans laquelle l'écrivain vaudois, plus d'une fois, a dû affronter les critiques, les attaques personnelles, voire les invectives ou les menaces.

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  • Toast à Jacques Chessex

    Abrupte, soudaine, la mort de Jacques Chessex nous laisse sans voix. C'était l'un des écrivains majeurs non seulement de la littérature romande (dont il a contribué à diffuser les lettres de noblesse), mais aussi de la littérature européenne, et même mondiale. Chessex était un écrivain de toute sa personne : sa voix, son corps, ses mains, sa mémoire, sa musique. Sans doute l'un des derniers. Son œuvre, considérable, est d'une richesse exceptionnelle. Elle touche à tous les genres : le récit, le roman, la nouvelle, la poésie. C'est à cette dernière facette du talent de Chessex que je veux rendre hommage aujourd'hui*.

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