Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

livres en fête - Page 84

  • Patrice Duret ou le charme des fées

    772533361.jpgNouvelles ? Poèmes ? Récit autobiographique ? Les Ravisseuses*, le dernier livre de Patrice Duret (né en 1965 à Genève), frappe d’abord par son étrangeté. C’est une suite de 24 textes (allusion aux heures d’une journée d’amour ?), tantôt narratifs, tantôt poétiques, tantôt écrits sous la forme d’une lettre ou d’une carte postale. Groupés le plus souvent par trois (narration, lettre, carte postale), ils décrivent les diverses étapes d’un itinéraire amoureux qui ressemble fort à une initiation, au sens nervalien du terme (c’est-à-dire ésotérique et mystique). Balisés de symboles (la bulle, la tour, le bain, la route) qui dessinent une nouvelle Carte du tendre, ces textes évoquent, à chaque station, une figure féminine (Sylvaine, Pasqualita, Isis, Aline…), dont le narrateur réactive et ressuscite, si j’ose dire, la rencontre. C’est une manière, à la fois, de regarder en arrière vers les visages disparus ou effacés par le temps, et de rendre hommage à sa Béatrice : la femme qui guide ses pas, et vers laquelle convergent toutes les évocations. Il y a beaucoup de fraîcheur et de poésie dans ce voyage à travers les sentiments amoureux.
    Cela n’étonnera personne si l’on sait que Patrice Duret, qui a reçu le Prix-Rod, en 2006, pour Le Chevreuil, est aussi, et avant tout, un poète (il dirige d’ailleurs les éditions du Miel de l’Ours, à Genève). On reconnaît, dans Les Ravisseuses, sa musique et sa poésie à fleur d’émotion. Perdu « au milieu du chemin de la vie », le poète tombe sous le charme des femmes qu’il rencontre, à la fois ravissantes et ravisseuses, c’est-à-dire voleuses d’âme. C’est peu dire qu’il n’en sortira pas indemne. Chacune, en même temps qu’elle lui vole une partie de lui-même, le révèle et aide le poète-pèlerin à se réapproprier (« J’aimerais que l’écriture serve à cela, à se réapproprier l’intime de notre rencontre »). C’est pourquoi ce court récit-poème à la force d’un exorcisme et d’un aveu. Exorcisme, d’abord, parce qu’il brûle les images du passé, tout en les célébrant une dernière fois. Aveu, ensuite, parce que tout le livre, entre les lignes, est une déclaration d’amour à l’ultime ravisseuse, innommée, qui relègue dans l’ombre, mais pas dans l'oubli, toutes les autres.
    *Patrice Duret, Les Ravisseuses, Zoé, 2008. 

  • À la rencontre des jeunes lecteurs…

    2088726000.jpgLe risque, quand on publie un livre, c'est que quelqu'un le lise! Mais ce risque devient une chance quand les lecteurs, entre douze et quinze ans, qui occupent toute l'aula d'une école, sont assis, là, devant vous, les yeux brillants, et se réjouissent de vous poser les questions qu'ils ont soigneusement préparées. Alors, très vite, le dialogue s'installe, et le livre partagé devient le lieu d'une rencontre…
    C'était mercredi dernier, au collège de Roche-Combe, dans cette belle ville de Nyon où j'ai passé les premières années de ma vie, entre la fabrique d'allumettes et la place Perd-Temps. Grâce à l'initiative de deux enseignantes enthousiastes, Béatrice et Anne-Élisabeth, et du bibliothécaire de l'école, M. Nicod, une dizaine de classes de 7e, 8e et 9e année ont lu, intégralement ou en extraits, L'Enfant secret, un récit dans lequel j'essaie de raconter l'hstoire à la fois banale et hors du comme de mes grands-parents, italiens par ma mère et vaudois de la Côte par mon père. 
    Dans le jeu passionnant des questions, certains élèves, parmi les plus timides en classe, ont pris plusieurs fois la parole, à la grande surprise de leurs professeurs ; tandis que d'autres, qui avaient inscrit dans leur cahier des pages de notes, n'ont pas osé ouvrir la bouche. Il y avait non seulement de la fraîcheur, de la spontanéité, dans la pluie de questions adressées à l'auteur, mais aussi de l'humour, de la tendresse et beaucoup de perspicacité (« Est-ce que le personnage de Julien, dans votre livre, est vraiment heureux de retrouvrer la vue? »). Des questions parfois indiscrètes, souvent retorses, toujours intéressantes. Preuve qu'un livre, quand on prend la peine (et le risque) de s'y plonger, est une source de vie et d'interrogations…
    Deux fois deux heures pleines (les classes étaient divisées en deux groupes), d'une grande intensité, d'échange et de partage. Pour les élèves, enchantés par l'expérience, c'est l'occasion unique de rencontrer celle ou celui qui se cache derrière un livre. Pour l'écrivain, c'est une chance, exceptionnelle, de rencontrer celle ou celui qui, par sa vivacité, sa générosité, donne vie à ce que, modestement, il a essayé fixer par l'écriture.
    Pour tout cela, ces quatre heures d'intense dialogue, je suis reconnaissant aux élèves du collège de Roche-Combe et à leurs magnifiques enseignantes! Merci!
     

  • Pour qui écrivons-nous?

    97690832.jpgRituellement, dans les coquetèles ou les interviews, on pose à l’écrivain la même question : « Pourquoi écrivez-vous ? » Chacun y va alors de son petit aphorisme : « Pour savoir qui je suis » dit l’un. « Bon qu’à ça » répond l’autre, bougon. « Parce que je n’ai pas la force de ne rien faire » ajoute cette femme, là-bas, minimaliste, le nez dans son verre de rouge.
    Et si la question essentielle était autre ?. Non pas « pourquoi écrivez-vous ? ». Mais bien plutôt : « pour qui écrivez-vous ? » Si la réponse, quand on publie un livre, est totalement énigmatique (car l’auteur ne voit pas ses lecteurs quand il écrit), elle acquiert une nouvelle résonance, par exemple, lors d’un salon du livre. C’est à cette occasion, à la fois émouvante et angoissante, qu’un écrivain rencontre ses lecteurs, quand il a la chance d’en avoir quelques-uns (et là encore, ce n’est pas la nombre, mais la qualité qui est importante).
    À chaque fois, c’est une surprise et un ravissement. Il y a les amis perdus de vue qui ressurgissent et se rappellent à votre bon souvenir. Il y a les amis proches, qui ramènent leurs amis proches, qui ramènent leurs amis proches, et cela élargit d’autant le cercle de lecture. Il y a aussi les anciens élèves, ceux qu’on reconnaît tout de suite, et les autres, qui ont pris un certain coup de vieux. Il y a quelques journalistes, en quête d’une star locale ou étrangère (toujours introuvable) qui ne peuvent faire autrement que vous dire bonjour, mais du bout des lèvres. Il y a surtout les lecteurs et lectrices anonymes, ceux qu’on ne connaît pas, et qui viennent parfois de très loin (d’Autriche, de France, de l’autre bout de la Suisse) pour rencontrer l’auteur ou faire signer leur exemplaire de son dernier livre.
    C’est là le vrai miracle ! Inscrit déjà dans l’écriture, mais trop souvent oublié : on n’écrit jamais pour soi, mais pour les autres, lui ou elle, toi, vous, ils ou elles, oui, tous les autres.
    Aussitôt publié, le livre échappe à son auteur et passe de mains en mains. Alors il appartient aux autres: c’est la leçon, à chaque fois nouvelle et identique, que nous apporte le salon du Livre.
    Tous ces livres, lectrices, lecteurs, qui s’empilent sur les stands, ils sont à vous ! C’est vous qui leur donnez vie, leur prêtez votre souffle et votre voix. Et c’est vous qui leur prêtez sens…
    Alors faites la fête aux livres !