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biographie

  • La vérité sur l'affaire Voltaire (François Jacob)

    images-4.jpegSur Monsieur de Voltaire — né François-Marie Arouet, puis devenu Arouet de Voltaire — on croyait tout savoir grâce aux biographie de René Pomeau, Max Gallo, Pierre Lepape, Jean Orieux, Pierre Milza (et j'en passe). Eh bien non ! Il manquait un livre qui conjugue avec bonheur le récit d'aventure et l'érudition…

    Ce petit livre, que l'on doit à la plume savoureuse et savante de François Jacob*, nous permet d'emmener Voltaire où qu'on aille et de le suivre dans les péripéties d'une vie qui donne plus d'une fois le tournis. Cela commence, comme on sait, par une date de naissance imprécise (21 février ou 22 novembre 1694 ?) et une ascendance contestée. François-Marie ne peut être le fils de son père, ancien notaire au Chatelet : il se rêve de noble lignée. L'adolescent fait ses humanités au Lycée Louis-le-Grand, chez les jésuites. Il commence à écrire. Déjà son caractère impétueux provoque des remous : il passera quelques mois à la Bastille, dans un « appartement d'une extrême fraîcheur ». Puis, très vite, les premiers succès au théâtre et en poésie. Il se fait bastonner par le duc de Rohan, envoyer une seconde fois à la Bastille et décide de s'exiler en Angleterre.

    Le plus fascinant, dans la vie de Voltaire, c'est sa capacité de transformer ses défaites en victoires, et ses malheurs en bonheur (on appelle aujourd'hui cela la résilience). Là-bas, il apprendra l'anglais en quelques semaines, lira tout Shakespeare, Pope, Chaucer, et se liera d'amitié avec Jonathan Swift, l'auteur des Voyages de Gulliver, qui lui donnera le goût des contes.

    Retour en France, nouveaux succès. Voltaire se révèle un maître en placements financiers (voire en spéculation). Il s'enrichit, écrit à tour de bras. Ses pièces sont acclamées à la Comédie Française. Surtout, il rencontre la charmante (et brillante) Émilie du Chatelet. C'est avec elle qu'il va se retirer au château de Cirey, où il passera désormais son temps à écrire et à faire toute sorte d'expériences de physique, dans le sillage d'Isaac Newton, dont il admire les livres. François Jacob nous fait revivre les épisodes tumultueux de cet amour, qui se terminera en tragédie : madame du Chatelet meurt six jours après avoir donné naissance à une fille (qui n'est pas de Voltaire). Le philosophe est inconsolable. Il quitte Cirey et se tourne vers la Prusse, où Frédéric II l'appelle depuis longtemps. La bonne entente ne dure pas : Voltaire est un penseur imprévisible, un vif-argent qui ne tient pas en place, et n'est pas dépourvu de défauts, qui sont aussi ses qualités (jalousie, susceptibilité, versatilité, goût de la provocation, ironie mordante).

    Fin 1754, il s'installe aux Délices, à Genève, où l'on peut encore visiter sa belle maison et son Institut (que dirige François Jacob). images-3.jpegIntense période de création (poèmes, pièces de théâtre, pamphlets divers). C'est là qu'il écrira son fameux Poème sur le Désastre de Lisbonne (1756), puis Candide (1758). Mais les relations avec le Consistoire genevois, qui ne goûte guère le théâtre, sont difficiles. Tensions, disputes. Voltaire fait ses bagages et va s'installer à Ferney, dans le pays de Gex, où il devient « le seigneur du village ». Polémique avec Rousseau, bien sûr, mais aussi incessant défilé, au château, de ses admirateurs venus de toute l'Europe. Il écrit son Traité sur la tolérance (1763) et met une dernière main à son Dictionnaire philosophique (1765), son grand livre. Il entretient une correspondance avec Catherine II, impératrice de Russie (comme son ennemi Rousseau, Voltaire est fasciné par le pouvoir).

    images-2.jpegLouis XVI a remplacé Louis XV : Voltaire espère sortir de sa disgrâce parisienne, mais cela ne se fera pas tout de suite. Il décide de braver l'interdiction qui lui est faire de se rendre dans la capitale et arrive à Paris en février 1778. Il connaît un dernier triomphe à la Comédie Française et meurt le 30 mai, vers onze heures du soir, quelques semaines à peine avant son grand rival Rousseau.

    Grâce à François Jacob, Voltaire nous est restitué dans toute sa richesse et sa complexité. Son petit livre, qu'on peut glisser dans sa poche, se lit comme un roman d'aventure, avec surprises et coups de théâtre, rencontres intempestives, bastonnade et fuite en carrosse. Sans oublier les incises facétieuses d'un homme qui, décidément, a du style.

    * François Jacob, Voltaire, Folio biographies, Gallimard, 2015.

  • Les livres de l'année (9) : « Ça s'est fait comme ça » (Gérard Depardieu)

    images-1.jpegC'est un livre* sans chichis, une confession jouée, sans doute (comment pourrait-il en être autrement avec le plus grand acteur français vivant ?), mais émouvante, directe et bien écrite (l'excellent Lionel Duroy joue ici les nègres de luxe). Un livre qui vous attrape dès la première ligne et qui ne vous lâche pas…

    Dans Ça s'est fait comme ça*, autobiographie brève et intense, Gérard Depardieu revient sur son destin singulier, son enfance pauvre (mais heureuse), sa jeunesse de petite frappe (les flics de Châteauroux l'appelaient par son prénom), ses déboires sentimentaux — mais surtout sa soif de liberté. C'est le livre d'un homme longtemps privé de langage (autiste et quasi aphasique) qui, grâce à quelques rencontres miraculeuses (le comédien Jean-Laurent Cochet, par exemple, ou le docteur Tomatis), trouve les mots pour se dire — et exprimer le monde merveilleux qu'il porte en soi.

    On sait tout, déjà, de ce Pantagruel ivre de vin et de femmes, de ses excès, de ses colères, de ses passions, qui a longtemps donné à son pays près de 87% de ses revenus et s'est fait traiter de « minable » par un premier ministre dont le monde a déjà oublié le nom. images-2.jpegOn apprend dans son livre que le chemin vers la vraie liberté passe toujours par les mots. Les livres rendent libres. Les Romains le savaient déjà qui aimaient à jouer sur le double sens du mot « liber », à la fois livre et libre.

    Il faut lire ce livre gorgé de vie qui résonne comme un immense éclat de rire : « Et après, je prends sur moi tous les chagrins. Mais qu'est-ce que tu veux faire ? Je suis comme ça. Tu ne peux pas changer les rayures du zèbre. » Ou encore, à propos du film Danton de Wajda : « Ça, c'est mon élan profond : ne pas savoir ce qui va arriver, ce que je vais faire ou dire, mais marcher vers l'inconnu avec cet appétit pour la vie que chaque instant me porte. »

    Depardieu, évoquant les rencontres marquantes de sa vie, parle admirablement de Claude Régy, de la minuscule Marguerite Duras (qui lui arrive à la ceinture) et de l'immense Peter Handke. Chacun lui a donné les mots de son destin. 

    « Oublie ta famille, écrit l'écrivain autrichien, donne des forces aux inconnus, penche-toi sur les détails, pars où il n'y a personne, fous-toi du drame du destin, dédaigne le malheur, apaise le conflit de ton rire. »

    Quelle leçon !

    * Gérard Depardieu, Ça s'est fait comme ça, éditions XO, 2014.

  • Vie et légende de Marguerite Duras

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    Rarement, dans la littérature française, un écrivain aura mêlé à ce point — jusqu'à les rendre indiscernables — sa vie et son œuvre. Comment faire la part du témoignage « vécu », du fantasme ou de l'imagination pure dans l'œuvre de Marguerite Duras, passée maîtresse, on le sait, en fabulations de toute sorte, jusqu'à faire de sa vie une parodie de son écriture ? Laure Adler réussit cet incroyable tour de force*.

    D'abord une question, qui n'est pas une critique, ni même un procès d'intention : à quoi bon consacrer une biographie à un écrivain qui, d'avance, rejette toute explication biographique de son œuvre et déclare par exemple ceci : « Pourquoi écrit-on sur les écrivains ? Leurs livres devraient suffire. » ?

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