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Ecrivain de la comédie romande - Page 83

  • Le triste adieu aux cinémas


    images-2.jpegIl y a quatre ans, presque jour pour jour, le cinéma Central, rue Chantepoulet, fermait ses portes. Le cinéma de mon quartier. Une véritable institution. Il diffusait des films français, italiens, suisses bien sûr. Des films qu’on ne voyait nulle part ailleurs. Il a fermé ses portes discrètement. Pas un mot dans la presse ou à la télévision. Un magasin de mode l’a déjà remplacé.

    Avant lui, il y a eu le Plaza, le Cinébref, le Hollywood, le Broadway (qui rassemblait, tout de même, près de 100'000 spectateurs par année). images-3.jpegEn une vingtaine d’années, Genève a perdu une dizaine de salles de cinéma. Bien sûr, elles ont été remplacées par des salles Multiplex, où l’odeur écœurante du pop-corn et des nachos vous saisit à la gorge dès que vous franchissez la porte. Il se disait, déjà, à l'époque, que ces salles multiples allaient mal, elles aussi, qu’elles n'étaient pas rentables et que bientôt, sans doute, elles laisseraient la place à d’autres magasins de fringues ou de chaussures de luxe. Le cinéphile (vous, moi) en serait réduit à acheter des DVD (ou à télécharger les films sur le Net pour pas un rond), puis à les visionner chez lui. Il ne serait plus obligé de sortir de son salon pour aller au cinéma.

    images-4.jpegAujourd'hui, c'est au tour du Rialto — un autre cinéma mythique — de fermer ses portes. Deux raisons invoquées par Pathé qui louait les locaux : une inexorable baisse de la fréquentation des salles (7 en tout) et la nouvelle concurrence du Multiplex ouvert à La Praille (pourtant bien éloigné du centre-ville). Pour les habitants du quartier de la gare (et de la rive droite en général), c'est une perte immense : mis à part Balexert (encore un centre commercial !), il ne reste plus que le vaillant Nord-Sud, rue de la Servette, pour étancher notre soif d'images…

    S'il faut en croire son propriétaire, le cinéma, au Rialto, c'est fini. Il n'y aura plus jamais de salles obscures dans les sous-sols de Cornavin. Alors que faire de cet endroit mythique ? L'hôtel Cornavin (rendu célèbre par Tintin et L'Affaire Tournesol) pourrait s'aggrandir et reprendre une partie des locaux. Mais le reste ?

    Voici une proposition de Raymonde Poof, inspirée par le célèbre reporter belge, qui me paraît extrêmement intéressante. Qu'en pensez-vous ?

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  • La vérité sur l'affaire Voltaire (François Jacob)

    images-4.jpegSur Monsieur de Voltaire — né François-Marie Arouet, puis devenu Arouet de Voltaire — on croyait tout savoir grâce aux biographie de René Pomeau, Max Gallo, Pierre Lepape, Jean Orieux, Pierre Milza (et j'en passe). Eh bien non ! Il manquait un livre qui conjugue avec bonheur le récit d'aventure et l'érudition…

    Ce petit livre, que l'on doit à la plume savoureuse et savante de François Jacob*, nous permet d'emmener Voltaire où qu'on aille et de le suivre dans les péripéties d'une vie qui donne plus d'une fois le tournis. Cela commence, comme on sait, par une date de naissance imprécise (21 février ou 22 novembre 1694 ?) et une ascendance contestée. François-Marie ne peut être le fils de son père, ancien notaire au Chatelet : il se rêve de noble lignée. L'adolescent fait ses humanités au Lycée Louis-le-Grand, chez les jésuites. Il commence à écrire. Déjà son caractère impétueux provoque des remous : il passera quelques mois à la Bastille, dans un « appartement d'une extrême fraîcheur ». Puis, très vite, les premiers succès au théâtre et en poésie. Il se fait bastonner par le duc de Rohan, envoyer une seconde fois à la Bastille et décide de s'exiler en Angleterre.

    Le plus fascinant, dans la vie de Voltaire, c'est sa capacité de transformer ses défaites en victoires, et ses malheurs en bonheur (on appelle aujourd'hui cela la résilience). Là-bas, il apprendra l'anglais en quelques semaines, lira tout Shakespeare, Pope, Chaucer, et se liera d'amitié avec Jonathan Swift, l'auteur des Voyages de Gulliver, qui lui donnera le goût des contes.

    Retour en France, nouveaux succès. Voltaire se révèle un maître en placements financiers (voire en spéculation). Il s'enrichit, écrit à tour de bras. Ses pièces sont acclamées à la Comédie Française. Surtout, il rencontre la charmante (et brillante) Émilie du Chatelet. C'est avec elle qu'il va se retirer au château de Cirey, où il passera désormais son temps à écrire et à faire toute sorte d'expériences de physique, dans le sillage d'Isaac Newton, dont il admire les livres. François Jacob nous fait revivre les épisodes tumultueux de cet amour, qui se terminera en tragédie : madame du Chatelet meurt six jours après avoir donné naissance à une fille (qui n'est pas de Voltaire). Le philosophe est inconsolable. Il quitte Cirey et se tourne vers la Prusse, où Frédéric II l'appelle depuis longtemps. La bonne entente ne dure pas : Voltaire est un penseur imprévisible, un vif-argent qui ne tient pas en place, et n'est pas dépourvu de défauts, qui sont aussi ses qualités (jalousie, susceptibilité, versatilité, goût de la provocation, ironie mordante).

    Fin 1754, il s'installe aux Délices, à Genève, où l'on peut encore visiter sa belle maison et son Institut (que dirige François Jacob). images-3.jpegIntense période de création (poèmes, pièces de théâtre, pamphlets divers). C'est là qu'il écrira son fameux Poème sur le Désastre de Lisbonne (1756), puis Candide (1758). Mais les relations avec le Consistoire genevois, qui ne goûte guère le théâtre, sont difficiles. Tensions, disputes. Voltaire fait ses bagages et va s'installer à Ferney, dans le pays de Gex, où il devient « le seigneur du village ». Polémique avec Rousseau, bien sûr, mais aussi incessant défilé, au château, de ses admirateurs venus de toute l'Europe. Il écrit son Traité sur la tolérance (1763) et met une dernière main à son Dictionnaire philosophique (1765), son grand livre. Il entretient une correspondance avec Catherine II, impératrice de Russie (comme son ennemi Rousseau, Voltaire est fasciné par le pouvoir).

    images-2.jpegLouis XVI a remplacé Louis XV : Voltaire espère sortir de sa disgrâce parisienne, mais cela ne se fera pas tout de suite. Il décide de braver l'interdiction qui lui est faire de se rendre dans la capitale et arrive à Paris en février 1778. Il connaît un dernier triomphe à la Comédie Française et meurt le 30 mai, vers onze heures du soir, quelques semaines à peine avant son grand rival Rousseau.

    Grâce à François Jacob, Voltaire nous est restitué dans toute sa richesse et sa complexité. Son petit livre, qu'on peut glisser dans sa poche, se lit comme un roman d'aventure, avec surprises et coups de théâtre, rencontres intempestives, bastonnade et fuite en carrosse. Sans oublier les incises facétieuses d'un homme qui, décidément, a du style.

    * François Jacob, Voltaire, Folio biographies, Gallimard, 2015.

  • Les plaisirs du dimanche soir (Jérôme Garcin)

    garcin,le masque et la plume,bory,charensol,france inter,leconteQui mieux que Jérôme Garcin — qui dirige sa petite troupe de critiques  depuis 26 ans — était mieux placé pour parler du Masque et la Plume ?  Personne, évidemment. Dans un livre chaleureux, bourré d'humour et d'émotion, Garcin nous fait pénétrer dans le coulisses de cette émission, devenue culte, qui réunit tous les dimanches soirs, sur France-Inter, des centaines de milliers d'auditeurs. Les coulisses et les secrets, de fabrication comme de longévité : il est très rare qu'une émission culturelle ait une vie aussi riche et mouvementée…

    images-4.jpegNos dimanches soirs* prend la forme d'un abécédaire où Garcin nous entraîne à sa suite, épelant les diverses facettes d'une émission, imaginée il y a soixante ans par le poète Jean Tardieu, qui ne devait parler, à l'origine, comme son titre l'indique, que de théâtre et de littérature. Animée, au départ, par François-Régis Bastide et Michel Polac — l'eau et le feu —, elle s'ouvrit ensuite au cinéma (ah ! les prises de bec entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol !), puis à la musique et à la télévision. Et l'aventure, qui ne devait durer qu'une saison, se prolonge encore aujourd'hui, avec d'autres acteurs, pour notre plus grand plaisir…

    Car Le Masque et la Plume, qui devait être une sorte de salon littéraire, assez proustien, se transformera bientôt en plateau de théâtre, avec ses comédiens, son velours et ses ors, sa mise en scène, ses coups de gueule et de sang, etc. Et Garcin, qui de son propre aveu n'était pas fait pour ça, dirigera bientôt sa petite troupe de comédiens-critiques de main de maître, et la baladera aux quatre coins de l'Hexagone. img_5959.jpgThéâtre, tribunal ou jeux du cirque ? Certains apprécieront ce joyeux brouhaha, où les piques et les saillies sont toujours de rigueur, d'autres se fâcheront tout rouge (tel Patrice Leconte) à force d'être éreintés par ces mauvaises langues qui ne résistent jamais à faire un bon mot, surtout s'il est méchant…

    Garcin nous brosse une série de portraits attachants, où les morts côtoient les vivants (même s'ils sont de plus en plus nombreux). Il fait revivre avec brio les fantômes qui ont prêté leur voix à l'émission. Dans cet exercice — de mémoire comme d'admiration — Garcin excelle, comme il a excellé dans l'hommage rendu à son frère jumeau, Olivier**, images-3.jpeget comme il vient de le faire dans le livre magnifique qu'il a consacré à Jacques Lusseyran***, « l'aveugle clairvoyant », rescapé des camps de la mort et grand résistant. 

    Chaque dimanche soir, en ouverture de l'émission, Garcin a pris l'habitude de lire à l'antenne des extraits du courrier reçu pendant la semaine. Il cite dans son livre des lettres extraordinaires, drôle, cocasses, émouvantes. Souvent, dans ces lettres, celui qui prend la plume avance masqué ! Les pseudonymes fleurissent, comme les jeux de mots et les canulars. Le Masque et la Plume a été l'une des premières émissions « participatives », comme on dit aujourd'hui. Et Jérôme Garcin, comme à l'ensemble de sa troupe de saltimbanques, rend un hommage vibrant aux millions d'auditeurs qui écoutent fidèlement l'émission en France comme en Allemagne, au Canada comme en Antarctique…

    * Jérôme Garcin, Nos dimanches soirs, Grasset, 2015.

    ** Olivier, Folio, 2011.

    *** Le Voyant, Gallimard, 2015.