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roman - Page 23

  • Dernières nouvelles de Pointe-à-Pitre

    La littérature ne connaît pas de frontières. C'est sa force et son charme. Voici un écho sympathique de mon dernier livre sur radio massabielle (pointe à pitre).

    olivier_orgie_270-z.jpgLe 18 octobre dernier, nous chroniquions ici-même L'amour nègre, récompensé par le Prix Interallié, dont le personnage principal, Moussa, rebaptisé Adam, avait été adopté par un couple d'acteurs hollywoodiens. Son auteur, Jean-Michel Olivier continue avec cette famille non pas recomposée mais plutôt décomposée avec APRES L' ORGIE dont l'héroïne,  Ming, Chinoise aux yeux bleus, a également été adoptée par les vedettes du grand écran, ce qui fait qu'elle est la demi-soeur d' Adam. Cela ne l'empêchera pas d'avoir une relation quasi incestueuse avec le jeune Africain.
    De la Chine où sa mère était parfois figurante de cinéma et plus souvent prostituée à l' Italie, où nous rencontrons un clône de Berlusconi, plus berlusconien que l' original, en passant par les USA et la Suisse où elle a été pensionnaire dans une pension luxueuse, nous suivons le parcours de Ming, au fil des confidences distillées à un psychanaliste. Cynique ? Désabusée ? Réaliste ? La jeune fille n'a pas fini d'étonner son interlocuteur... ni le lecteur.
     APRES L' ORGIE de Jean-Michel Olivier,  éditions de Fallois, 234 pages, 18 € (22 FRS en Suisse)
     Retrouvez A L' ECOUTE DES LIVRES chaque mercredi à 18h30 sur Radio Massabielle (97.8 Mhz et 101.8 Mhz)

  • Eros et Thanatos

    anne-sylvie sprenger,eros,thanatos,littérature romande,romanCertains livres ont la force d’un exorcisme. Ils prennent le mal à bras le corps, essaient de lui tordre le cou. Mais le combat se révèle inégal. Le mal est là, en soi et hors de soi. Il s’appelle déception, fascination pour le néant, douleur de vivre. L’amour, seul, peut lui tenir la dragée haute. Encore faut-il qu’il soit pur et profond !

     C’est le cas du dernier livre d’Anne-Sylvie Sprenger, née à Lausanne en 1977, dont le titre est déjà tout un programme : Autoportrait givré et dégradant*. Il raconte une histoire simple : une jeune femme qui veut se jeter sous un train, des amours improbables avec son sauveur, le conducteur de la locomotive, l’enfer qui s’installe lentement, la naissance d’un enfant naturel, la haine de sa belle-famille, la plongée à nouveau dans les eaux du désespoir. Le livre flirte constamment avec la mort. Heureusement Eros, le frère jumeau de Thanatos,  n’est jamais loin. Judith, l’héroïne du roman, lui prête des pouvoirs magiques. Seul l’amour, pense-t-elle, peut la sauver. Non d’une faute que la jeune femme aurait commise. Mais, simplement, organiquement, de la souffrance d’être au monde.

    anne-sylvie sprenger,eros,thanatos,littérature romande,romanCar Judith croit trouver en Paul, le cheminot, son sauveur. En réalité, cet homme taciturne et sournois va l’entraîner dans la spirale de l’alcool. Bientôt, l’amour rêvé se transforme en cauchemar. Même le Sauveur porte le mal en lui, encouragé, comme dans une tragédie grecque, par le chœur des belles-sœurs qui poussent des cris d’orfraie. Judith, qui enseigne le français, tombe amoureuse de l’un de ses élèves et se retrouve enceinte. Paul, mari cocu, accepte cette situation honteuse. Mieux même : il tente de s’amender. Il cesse de boire, tente de reconquérir sa femme. Il réinvente, au fond de lui, l’amour des commencements. Mais le destin guette, qui va réduire à néant sa volonté de rédemption…

    Inutile d’en dire davantage : tout le roman d’Anne-Sylvie Sprenger tient sur ce fil tendu, fragile, entre l’amour et la mort. Il est écrit en brefs chapitres entre lesquels, heureusement, le lecteur peut reprendre son souffle. Il en a bien besoin. Car l’histoire est intense et admirablement construite. On est emporté par le destin de Judith, sa souffrance, ses rêves de bonheur. On suit sa quête pas à pas, captivé par la force du désir. Et sa folie.

    « Un roman est crédible, écrivait Jacques Chessex, quand son style lui donne corps. » C’est le cas d’Anne-Sylvie Sprenger, l’un des rares écrivains suisses-romands à posséder un style. Poétique, précis, unique, profond. Il faut lire ce roman, jusqu’au retournement final, où l’auteur se sauve, littéralement, en laissant derrière elle un manuscrit qui est la preuve de sa rédemption. Signe d’un exorcisme réussi.

    * Anne-Sylvie Sprenger, Autoportrait givré et dégradant, roman, Fayard, 2012.

  • Tous les goûts sont dans ma nature (Après l'Orgie J-3)

    images.jpeg- Vous êtes attirée par les femmes ?
    - Tous les goûts sont dans ma nature.
    - Précisez.
    - Homme ou femme, je m’en fous. Du moment que je prends mon pied. Ça vous choque ?
    - Oh, vous savez, Mademoiselle Ming, aujourd’hui plus rien ne me choque !
    - Vous faites des progrès.
    - Merci. J’apprécie vos encouragements. Mais les progrès, c’est à vous de les faire. À vous de descendre au charbon. Avec Justine, ça va plus loin que les baisers ?
    - Parfois elle va chercher des trucs dans sa chambre à coucher.
    - Quels trucs ?
    - Des canards en plastique. Des engins de trente centimètres qui bougent tout seuls. Des dauphins bleus en bois de rose qui ont la gueule ouverte.
    - On appelle cela des sextoys, Mademoiselle Ming.
    - Parfois, elle amène aussi des courgettes. Des calebasses. Des concombres. C’est selon la saison.
    - Justine a la fibre écolo. C’est bien. Mais que faites-vous avec ces cucurbitacées ?
    - À votre avis ?
    - Donnez-moi des détails.
    - Ça vous excite ?
    - Je veux la vérité.
    - On se touche. On s’embrasse. On se donne du plaisir toute la nuit.
    - Entre femmes ?
    - Aux Nymphéas, il n’y a pas d’hommes. C’est la règle. Alors on s’arrange comme on peut.
    - Et ça vous plaît ?
    - Savez-vous que les Suisses sont les champions du monde du plaisir solitaire ?
    - Vous me l’apprenez.
    - 82 % des hommes et 78 % des femmes se masturbenttous les jours. C’est pour cela que le pays carbure plein pot. Le secret de la réussite. C’est aussi la meilleure manière de maîtriser la courbe capricieuse des naissances.
    - Moi j’aime mieux faire l’amour à deux.
    - Je vous comprends.
    - On est moins seul.
    - « Les plus grands plaisirs naissent des répugnances vaincues. »
    - Qui a dit ça ?
    - Le marquis de Sade.
    - Je vois vos références. C’est Justine qui vous donne le goût de ces lectures ?
    images-1.jpeg- Elle nous apprend à jouir librement de nous-mêmes. Parmi ces jeunes filles modèles, certaines sont vierges. Sans expérience. Mais la plupart ont déjà eu plusieurs amants. Cela n’a rien changé. Elles sont constamment dans l’image. Condamnées à faire semblant. La volupté ne fait pas partie de leurs attentes. On leur a dit que c’était sale. Dangereux.
    - « Nous naissons entre la fiente et l’urine », disait saint Augustin.
    - Le plaisir vous isole des autres. Mais il vous en rapproche aussi. C’est le paradoxe. Soudain on ne s’appartient plus. On oublie l’étiquette. Les bonnes manières. Les millions de papa. Les lettres de maman qui n’arriventjamais. Notre prison dorée. La vie qui nous attend derrière les grilles. Le vide éblouissant du ciel.